Le procès des chasseurs de primes

Même si le phénomène n’est pas nouveau on assiste à une vision surprenante du fonctionnement des rapports à l’argent des plus hauts fonctionnaires de l’État. Les multiples affaires à laquelle se trouve mêlé un certain Claude Guéant, sans altéré la présomption d’innocence qui doit lui bénéficier, constituent un répertoire de tout ce qui provoque inexorablement la mise au ban des élus. La tempête médiatique que provoquerait par exemple l’attribution sur des fonds publics en liquide de primes aléatoires emporterait n’importe quel maire ! Le plus étonnant c’est que personne ne s’émeut vraiment du fait que des centaines de milliers d’euros en billets contenus dans des coffres ministériels puissent filer aussi bien dans une poche « d’indics » que dans celle des costards des pontes de la police nationale. Au nom de l’efficacité des enquêtes ils puisaient dans la caisse avec une extraordinaire sentiment d’impunité. Le fait des princes ! Ils sont 5 à comparaître pour des motifs qui valent l’indignité à n’importe qui…mais pas à eux !
Détournement de fonds publics et recel de détournement de fonds publics constituent pour 3 anciens Préfets et 2 directeurs de services centraux des poursuites qui ont une résonance lourde de sens. Ce ne sont pas des « racailles » de banlieue qui piquent dans le supermarchés ou dans la caisse du boulanger mais des gens formés et rompus aux règles élémentaires du fonctionnement de l’Etat ! Saisi du dossier, le parquet national financier (PNF), avait ouvert une enquête préliminaire, considérant que ces fonds publics officiellement destinés à financer « la recherche de renseignements, la rémunération des informateurs, la mise en œuvre de moyens d’investigation » avaient été détournés de leur usage.
En correctionnelle les lignes de défense portées par ces hauts fonctionnaires chargés de gérer au nom du politique, l’action publique, de la garantir exemplaire, de vérifier en permanence le respect de la morale républicaine, de pourchasser les fraudeurs, les délinquants illustre vraiment le sentiment que ces gens là appartiennent à une caste solidaire et sans scrupule. Claude Guéant a ainsi admis que, chaque mois, le directeur général de la police nationale Michel Gaudin lui versait 10 000 à 12 000 euros en espèces, qu’il partageait avec certains de ses collaborateurs, lui-même en conservant une bonne part — 5 000 euros — pour ses dépenses personnelles. Et en plus il exigeait ces versements rejetant les scrupules des autres fonctionnaires qui l’entourait.
Michel Gaudin, poursuivi pour détournement de fonds publics, a en effet nettement pris ses distances avec le procédé. Il a clairement expliqué avoir mis fin dès son arrivée à la direction générale de la police nationale (DGPN) aux primes « en enveloppes » et avoir lancé des mises en garde. Michel Gaudin a justifié le fait d’avoir néanmoins remis une enveloppe mensuelle à Claude Guéant par le fait qu’il ignorait la destination des fonds. En fait c’est le procès de méthodes que les enquêtes de la Cour des comptes ne décèlent jamais ou ne vérifient absolument pas puisqu’elles ne relèvent pas de ses pouvoirs. Les hauts fonctionnaires de l’Inspection générale des finances ne se risquent pas à mettre leur nez dans les arrangements de leurs pairs et donc le système aurait pu perdurer.
Dans la gestion des collectivités toutes les régies parfois pour des montants dérisoires en liquide (photocopies par exemple) sont contrôlées de manière inopinée par les receveurs du Trésor qui débarquent avec le souci de vérifier qu’il n’y a pas de fonds dissimulés. Le gestionnaire doit déposer une caution et s’assurer pour le cas où de l’argent disparaîtrait. Là : rien ! On se répartit l’argent selon le bon vouloir du chef… qui ne rend compte à personne de ses actes. Du moins peut-on le croire. Selon Libération un autre prévenu issu du corps préfectoral n’hésite absolument pas en déclarant : «L’argent n’est pas notre mobile quand on arrive dans un cabinet. On le prend quand il arrive, on ne dit rien quand ça s’arrête, on fait avec… » Amen !
Qui pourrait se permettre un tel détachement face à un tribunal correctionnel pouvant prononcer une peine de 10 ans d’emprisonnement ? N’est-ce-pas une forme de cynisme institutionnel propre aux gens se considérant comme au-dessus des lois puisque ce sont parfois eux qui les inspirent ? Quel citoyen pourrait sortir indemne d’une affaire de marchés publics illégaux liés aux sondages de l’Elysée, au micmac des indemnités pour Tapie, à une vente miraculeuse pour 500 000 € de tableaux, à des perceptions en liquide de fonds public ? Allez on parie… il y en aura un ! La seule sanction aura été celle du suffrage universel puisque Claude Guéant a été privé… d’immunité parlementaire dans une circonscription ayant finalement voté à 75 % à droite en 2012 ! Ouf !

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