Ma 2000° chronique sur Roue Libre ne sera pas la plus optimiste
Le monde tremble à l’énoncé du seul nom d’Ebola. En fait il faudrait remonter 6 siècles en arrière en imaginant que les relais médiatiques n’existent pas pour mieux comprendre. Personne ne sait vraiment qu’une lourde menace pesait alors sur les populations pauvres ou riches, détentrices du pouvoir ou le subissant, croyantes ou non croyantes et pour lesquelles la notion d’épidémie était totalement inconnue. La terrible « peste noire » déferla pourtant sur l’Europe en provenance du Moyen-Orient causant des dizaines de milliers de morts. Ce qui est extraordinaire c’est que l’on retrouve exactement les mêmes lieux et surtout les mêmes comportements reposant sur l’ignorance. La peste bubonique sévissait alors de façon endémique en Asie centrale, et ce sont probablement les guerres entre Mongols et Chinois qui provoquèrent les conditions sanitaires permettant le déclenchement de l’épidémie. Elle se déclara en 1334, dans la province chinoise du Hubei et se répandit rapidement dans les provinces voisines . En 1346, les Tatars de la Horde d’or attaquèrent la ville portuaire de Caffa, comptoir commercial génois, sur les bords de la mer Noire, en Crimée, et en firent le siège. L’épidémie, ramenée d’Asie centrale par les Mongols, toucha bientôt assiégeants et assiégés, car les Mongols catapultaient les cadavres des leurs par-dessus les murs pour infecter les habitants de la ville. Cependant, il est plus plausible d’imaginer que la contamination des Génois fut le fait de rats passant des rangs mongols jusque dans la ville. Le siège fut levé, faute de combattants valides en nombre suffisant : Gênes et les Tatars signèrent une trêve ; les bateaux génois, pouvant désormais quitter la ville, disséminèrent la peste dans tous les ports où ils faisaient halte : la maladie atteignit Messine en septembre 1347, et Gênes et Marseille en novembre de la même année. Venise fut atteinte en juin 1348. En un an, la peste se répandit sur tout le pourtour méditerranéen. Dès lors, l’épidémie de peste s’étendit à toute l’Europe du sud au nord, y rencontrant un terrain favorable : les populations n’avaient pas d’anticorps contre cette variante du bacille de la peste, et elles étaient déjà affaiblies par des famines répétées, des épidémies, un refroidissement climatique sévissant depuis la fin du XIIIe siècle, et des guerres.
Si l’on effectue une comparaison on trouve exactement les mêmes facteurs qu’avec Ebola à part le continent qui est différent : les famines existent encore en Afrique dans les pays concernés, les guerres ne sont pas différentes (affrontements sauvages et culturels), les voyages constituent les éléments clés de la propagation (avions plutôt que bateaux) et le refroidissement climatique est remplacé par le réchauffement. Bref parfois je me demande si Ebola ne sera pas la peste noire de notre époque ! Or celle-ci se répandit comme une vague et ne s’établit pas durablement aux endroits touchés. Le taux de mortalité moyen d’environ trente pour cent de la population totale, et de soixante à cent pour cent de la population infectée, fut tel que les plus faibles périrent rapidement, et le fléau ne dura généralement que six à neuf mois. Les statistiques mortifères des spécialistes des épidémies sont à a peu près toujours les mêmes puisque Ebola tuerait 2 personnes atteintes sur 3 et l’augmentation des décès est exponentielle! La propagation est cependant moins risquée. Bien que…
Depuis Marseille, en novembre 1347, la peste bubonique gagna rapidement Avignon, en janvier 1348, alors cité papale et carrefour du monde chrétien : la venue de fidèles en grand nombre contribuant à sa diffusion. Début février, la peste atteint Montpellier puis Béziers. Le 16 février 1348, elle est à Narbonne, début mars à Carcassonne, fin mars à Perpignan. Fin juin 1348, l’épidémie atteint Bordeaux. À partir de ce port, elle se diffuse rapidement à cause du transport maritime. L’Angleterre est touchée le 24 juin 1348. Le 25 juin 1348, elle apparaît à Rouen, puis à Pontoise et Saint-Denis. Le 20 août 1348, elle se déclare à Paris. En septembre, la peste atteint le Limousin et l’Angoumois, en octobre le Poitou, fin novembre Angers et l’Anjou. En décembre, elle est apportée à Calais depuis Londres. En décembre 1348, elle a envahi toute l’Europe méridionale, de la Grèce au sud de l’Angleterre. L’hiver 1348-1349 arrête sa progression, avant qu’elle resurgisse à partir d’avril 1349…. un tsunami inimaginable à notre époque mais pourtant toute la planète tremble ! Au plus fort de l’épidémie, Damas perd environ 1200 habitants par jour et Gaza est décimée. La Syrie perd environ 400 000 habitants, soit 1/3 de sa population… Est-ce bien changé dans ces contrées ? On estime en effet que la peste noire a tué entre 30 et 50 % de la population européenne en cinq ans, faisant environ vingt-cinq millions de victimes Cette épidémie eut des conséquences durables sur la civilisation européenne, d’autant qu’après cette première vague, la maladie refit ensuite régulièrement son apparition dans les différents pays touchés.
La crise économique va se nourrir durant les décennies qui suivirent des deux pestes qui envahirent la planète : l’extrémisme religieux (guerres de religions et croisades), la peste noire. La conjonction des deux fléaux dans des zones proches renforcèrent le déclin de cette Europe confrontée à de véritables « guerres » sans avoir les moyens de les mener… C’était il y 6 siècles . Nous voici rassurés avec Daesh et Ebola !
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« Bref parfois je me demande si Ebola ne sera pas la peste noire de notre époque ! «
Je partage complètement ton point de vue sur la question et les déclarations officielles prétendant que tout est sous contrôle ne sont pas très convaincantes.
Merci pour ce rappel de la « grande peste noire » qui dévastait le continant il y a maintenant six siècles sur fond de conflits proches ou lointains et de vecteurs de propagation similaires.
Les risques de propagation du syndrome Ebola, alors que la médecine et plus particulièrement la virologie ont fait de grands progrès depuis la fin du 19ème siècle nous renvoient à la situation qui prévalait un siècle en arrière. Plus près de nous que la peste noire mais moins présente dans la mémoire collective, toujours sur fond de guerre, la grande grippe dite « espagnole » sévit et fait des ravages dans une Europe incapable de prendre, à cause du conflit les mesures sanitaires de base (isolement des malades, limitation des concentrations humaines, déplacements…). Dans les deux cas, pour des raisons sans doute différentes, la rapidité des mutations à l’origine du virus est sidérante et seulement enfin comprise pour ce qui concerne la grippe espagnole en… 2014.
La grippe espagnole en Belgique :
http://www.rtbf.be/14-18/thematiques/detail_la-grippe-espagnole-frappe-la-belgique-1918-1919?id=8262630#
La conclusion de ce dernier article laisse plus d’espoir quant à l’avenir :
http://www.planetseed.com/fr/relatedarticle/la-grippe-des-mysteres-non-resolus