Mon, 28 Nov 2005 00:57:00 +0000
La nouvelle n'a pas fait l'ouverture des journaux télévisés français. On sait, en effet, qu'elle pourrait déclencher une épidémie de démocratie aiguë. La pire de toutes puisque, depuis le 29 mai dernier, on a constaté qu'elle rendait enragés les plus éminents spécialistes de la politique nationale. Ceux qui ont été formés pour se pencher au chevet de notre société n'ont pas trouvé de vaccin contre la contamination du suffrage universel. Il est donc normal que nos télés passent leurs journaux à proposer des futilités roboratives plutôt que de prouver aux téléspectateurs que la démocratie directe demeure le plus honnête moyen de gouverner. Ainsi cherchez dans vos souvenirs combien de temps TF1 ou France 2 ou même France 3 ont consacré au véritable « séisme » qui s'est produit hier en Suisse.
MORATOIRE SUISSE.- En effet, à 16 h 53 est tombée la » mauvaise nouvelle » sous la forme d'une dépêche AFP : « les Suisses ont approuvé, à une large majorité, lors d'une consultation directe nationale, l’interdiction pendant cinq ans de l’utilisation des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l’agriculture. D’après le décompte des votes, 55,7% des votants au niveau national ont approuvé le moratoire, 44,3 % se sont prononcés contre, un vote qui a également été plébiscité par l’ensemble des cantons suisses. Cette initiative émanait des écologistes, de groupes de gauche et d’associations d’agriculteurs et de consommateurs, qui estiment que les lois suisses actuelles sur les OGM sont insuffisantes. Le moratoire proposé dans le texte du référendum devait entrer en vigueur s’il était approuvé non seulement par une majorité des électeurs au niveau national mais aussi dans une majorité des 23 cantons du pays. Concrètement, au terme de ce vote, l’agriculteur suisse ne pourra ni cultiver des plantes génétiquement modifiées, ni élever des animaux transgéniques pendant cinq ans « . Chapeau les Suisses. Quelle leçon?Quel bonheur pour celles et ceux qui en France, se font condamner pour avoir osé faucher quelques pieds de maïs trop beaux pour être honnêtes.
DOSSIER BACLE.- J'ai été systématiquement solidaire de toutes les prises de position contre les OGM et je demeure persuadé qu'il faut l'être, au risque d'être taxé de » ringardisme » scientifique par cette grande » gueule » de Claude Allègre. Ma conviction s'est faite sur un incident local qui date de 1999. En effet, cette année là, quelques jours avant l'été, est arrivée en Mairie une déclaration de mise en place sur Créon d'une expérimentation de culture de maïs transgénique en plein champ. Le hasard a fait que j'ai donc été l'un des premiers Maires confrontés à cette expérimentation hors laboratoires.
Un matin de juillet, j'ai reçu un envoi, constitué de photocopies de mauvaise qualité, m'enjoignant d'afficher en Mairie une déclaration officielle?secrète car ne précisant ni le lieu, ni la superficie concernée, ni la nature de l'expérimentation, destinée à prévenir la population. Après des heures et des heures de bagarre, des jours et des jours d'enquête, j'ai découvert que le dossier était bâclé et réellement vide. D'ailleurs, pour avoir des renseignements, il me fallait m'adresser au service du fournisseur de semences qui, bien entendu, ne m'a jamais répondu. J'ai secoué les Ministères avec des arguments incontestables. La parcelle concernée était, par exemple, louée par un cultivateur extérieur à la commune et grassement rétribué pour mener, à la hussarde, dans d'autres villages plus accueillants, des expérimentations payées par un grand laboratoire américain? Le propriétaire du champ n'avait pas été consulté, et son nom ne figurait même pas sur le document, ce qui rendait la localisation de l'espace concerné quasiment impossible. Tous les documents étaient faux, généralistes, et soit-disant secrets. A Bordeaux ou à Paris, tout le monde faisait le mort à quelques heures du 14 juillet (un hasard)?Aucun fonctionnaire n'était venu voir le terrain, proche de maisons, d'un élevage bovin, et quasiment à moins de 800 mètres du centre de la ville bastide. Aucun technicien ne savait si le maïs avait été semé ou non, alors qu'ils auraient dû faire des inspections régulières. Aucune étude d'impact n'avait été réalisée. Aucune garantie n’était donnée sur le suivi de cette culture qui aurait été protégée par un entourage symbolique de 5 rangs de maïs normal.
Après un rude combat, j'ai obtenu l'annulation pure et simple de la demande, fin juillet. J'ai en revanche toujours été persuadé que la semence reçue avait été lâchée dans un autre champ, en toute discrétion?et que, si Créon y avait échappé, d'autres n'avaient jamais su qu'une expérimentation sauvage avait eu lieu sur leur territoire. Cette aventure m'a rendu plus que méfiant sur ces méthodes, et sur les OGM en général?
ASILE POLITIQUE.- Le référendum d'initiative populaire n'est pas prêt d'être utilisé en France, sur le devenir des OGM, comme sur les centrales nucléaires, comme sur les LGV, comme sur tous les sujets mettant en péril l'avenir même de la planète. La cuisante leçon du traité constitutionnel va paralyser toutes les velléités dans ce domaine. La filière parlementaire a donc de beaux jours devant elle. Nul n'osera essuyer un échec réferendaire, car il laisserait trop de traces. D'ailleurs, les Suisses ont tiré les conséquences de cette frilosité politique, puisque leur Parlement avait? rejeté le texte soumis aux électrices et aux électeurs. Si les citoyennes et les citoyens ne s'étaient pas battus pour arracher la consultation de tout le monde, ils auraient été contraints d'avaler les OGM sans mot dire.
« La population ne voulait pas d’OGM dans ses assiettes, donc nous n’en voulons pas dans nos champs », a expliqué un député suisse du? parti chrétien-démocrate, vigneron de profession. « Nous demandons un peu de temps afin que les études en cours puissent être complétées, pour avoir des résultats plus fiables concernant les conséquences » des OGM sur « l’environnement », a-t-il ajouté.
Les tribunaux républicains vont donc continuer à condamner, en France, à tour de bras, les » faucheurs » anti-OGM, au nom de la volonté supposée du Peuple, jusqu'à les mettre hors course électorale.
José Bové (4 mois de prison), Noël Mamère, Gérard Onesta (3 mois avec sursis), et tous les autres, n'ont plus qu'à aller chercher l'asile politique en Suisse.
Mais je déblogue?
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