Syrie : le carnage n'est pas près de s'arrêter !

image_16079Nous nous promenons dans la rue et discrètement nous échangeons quelques confidences… avec un ami qui sait tout ou presque. « Tu sais l’inquiétude actuelle du gouvernement c’est l’augmentation constante des Français qui partent via le Liban pour faire la guerre en Syrie…Pas un jour où une information n’émerge sur des filières organisées pour le djihad. Des circuits s’organisent pour le recrutement et on n’a aucune prise. La proximité du conflit aggrave le phénomène » Je n’en saurai pas plus en cette soirée de juin car mon compagnon de route ne peut absolument pas être plus précis. N’empêche que depuis cette fin de soirée, les faits ne cessent de lui donner raison. Par petits groupes de 2 ou 3 ou de manière plus isolée, des jeunes quittent l’Europe pour rejoindre les rangs du Hezbollah après un enlisement intellectuel progressif dans l’extrémisme religieux. C’est toujours le même processus : échec scolaire, acculturation, famille défaillante, désœuvrement, drogue, repenti et prise en mains par les religieux, repli sur soi, rupture familiale et volonté d’exister en allant vers l’engagement extrémiste.

Les récits coïncident. La misère intellectuelle renforce la misère matérielle. La Syrie est donc devenue la principale destination des apprentis djihadistes français, loin devant les régions afghano-pakistanaise ou sahélienne qui ne sont plus considérées comme des lieux prioritaires.. Les chiffres fournis, début mai, par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) au ministère des affaires étrangères se situent à « 180 à 200 personnes », en flux, qui se sont rendues, depuis un an, sur le sol syrien pour aller se battre. Et ces dernières semaines le nombre augmente. On en est désormais à 48 interpellations depuis le début de l’année. Les derniers à avoir été stoppés dans leur départ pour le terrain syrien étaient originaires de la région parisienne. Ils sont fortement suspectés d’avoir effectué un hold-up pour financer leur périple vers le théâtre des opérations. Bien évidemment ils étaient, eux, sous surveillance et donc ils ont été interceptés dès qu’il y a eu un motif légitime de le faire.

La principale difficulté réside dans un constat simple : il n’existe aucune loi permettant d’interdire à un ressortissant français de se battre contre un régime jugé tyrannique et criminel ! Les condamnations pleuvent, les accusations se multiplient, les constats sont implacables : le peuple syrien, toutes religions confondues souffre et meurt. Comment mettre au ban de la société, une jeune ayant envie de détruire le régime d’Al Assad ? Peut-on préventivement arrêter quelqu’un qui part via la Turquie ou le Liban se frotter, avec des armes fournies par les pays du Golfe ou les puissances occidentales, à l’armée syrienne ? Il n’y a aucune solution réelle sauf à ficher et à attendre, puisque la forte inquiétude gouvernementale réside dans l’attitude qu’auront ces combattants religieux à leur retour sur leur sol natal ! Ce paramètre reste essentiel dans l’appréciation globale que l’on porte sur le discours présidentiel. Or on se contente de critiquer la passivité coupable ou l’intrépidité dangereuse. En fait, comme la guerre civile en Syrie va durer, aucun des deux camps ne peut accepter sa défaite sans risque d’anéantissement. Les intérêts des puissances régionales et mondiales, dans ce conflit, paralysent toute initiative d’un côté ou de l’autre qui risquerait d’entraîner tout le monde dans un affrontement à plus grande échelle. C’est également pour cela qu’Israël a répondu au tir sur le plateau du Golan avec des tirs de sommation, faisant ainsi preuve d’une grande retenue à laquelle Tsahal n’est pas coutumière. Les insurgés syriens auraient tout intérêt à entraîner Israël dans le conflit. Militairement, les forces israéliennes pourraient porter un coup très dur à l’armée syrienne en détruisant l’aviation et l’armement lourd de l’armée fidèle au clan Assad. Pour Israël, la meilleure des attitudes est la passivité. Le pays profite de l’affaiblissement de l’allié de Téhéran mais craint également l’avènement d’un pouvoir sunnite qui pourrait relancer les tensions autour des fermes de Chebaa et du plateau du Golan. En somme, il est de l’intérêt de tous que rien ne bouge. Sauf pour les Syriens…qui sont sous les bombes et les gaz. Nul ne peut prétendre que ce sont quelques dizaines de combattants qui changeront la face de cette guerre strictement religieuse et ethnique.

Plus que jamais, il faut inlassablement relancer la nécessité absolue de la laïcité. Elle reste le véritable bouclier contre les abus de toutes les religions qui sont depuis toujours la racine de tellement de massacres. L’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie, les Émirats sont des pays riches et musulmans, ils possèdent l’aviation et les armes nécessaires à une telle intervention. Qu’ils mettent de l’ordre entre Chiites, Sunnites, Alaouites, islamistes radicaux, fondamentalistes, djihadistes, frères musulmans et terroristes… et que tous les Françaises et les Français relisent en classe le Candide de Voltaire relatant la guerre entre les Bulgares et les Abares : «(…) Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum chacun dans son camp, il prit le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d’abord un village voisin ; il était en cendres : c’était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d’autres, à demi brûlées, criaient qu’on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés. Candide s’enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des héros abares l’avaient traité de même. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre, portant quelques petites provisions dans son bissac, et n’oubliant jamais mademoiselle Cunégonde. Ses provisions lui manquèrent quand il fut en… Hollande (…) ». Je n’ai rien inventé !

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Cet article a 2 commentaires

  1. Bernard Gilleron

    Cher ami,
    Ce processus est également extrêmement important en Belgique, qui est depuis longtemps une plaque tournante d’Al-Qaïda (salafiste voire wahhabite, c a d sunnite, du Golfe originellement).
    Seulement tu fais une erreur énorme sur les belligérants.
    Tu écris:  » Par petits groupes de 2 ou 3 ou de manière plus isolée, des jeunes quittent l’Europe pour rejoindre les rangs du Hezbollah après un enlisement intellectuel progressif dans l’extrémisme religieux »
    Le Hezbollah est un mouvement(une communauté même, comme le Liban en est Farci [druzes, maronites,etc.]) de confession chiite qui ne participe absolument pas au prosélytisme salafiste (sunnite) dans les « banlieues beur » que vante le fasciste Soral.
    En faisant des erreurs de ce type tu embrouilles l’analyse de l’aspect « guerre de religion » du conflit.
    Bien amicalement

  2. Eric Batistin

    Le pouvoir, si il est la preuve tangible de l’intelligence et de la culture,ou de la malignerie, de ceux qui l’exercent, n’est pas la preuve que ceux qui ne l’exercent pas soient idiots !

    Pourtant, nous ne savons plus rien engager d’autre, dans nos réflexions qu’une réaction aux abus de pouvoir que nous subissons.

    Un « américain » n’est pas forcément un mec bardé de millions, roulant dans un Hummer blindé, mais peut-être aussi un citoyen mis à la rue par des taux de crédits servant à renflouer les erreurs d’investissement des Banques centrales Européennes.

    Un « juif » n’est pas qu’un israélien colonisateur, mais peut-être aussi un républicain convaincu n’ayant que peu d’accointance avec la Nation Start-Up.

    Un « centre africain » n’est pas qu’un prince subventionné par le Ministère de la Communication et le budget alloué à la francophonie, ni un errant affamé perdu entre deux camps de réfugiés, mais peut-être aussi un digne paysan soucieux de produire des légumes « bio ».

    Un « chinois » n’est pas qu’un milliardaire employant ses compatriotes à un tarif d’esclave, mais peut-être aussi un maître dans l’art de la calligraphie n’ayant d’autre ambition que de noircir avec ferveur et grâce quelques pages blanches.

    Un « russe » n’est pas qu’un être violent et alcoolique, exerçant son pouvoir soutenu par des mafieux assassins et sans patrie, mais peut-être aussi à la tête d’une station de coopération internationale pour la protection de la nature.

    Un « asiatique » n’est pas forcément un armateur détenant la plus grosse flotte commerciale au monde, ou un pauvre pécheur aidé d’un cormoran, mais peut-être aussi le plus persévérant des défenseurs d’une humble harmonie avec le monde.

    Un « arabe », n’est pas forcément un barbu habillé de blanc qui abandonne sa Royce Phantom sous un pipeline, ou un marchand de bazar coloré, ou un porteur de missiles à dos d’homme, mais peut-être aussi le fondateur d’un mouvement international pour l’autogestion alimentaire en lutte contre les industries agroalimentaires.

    Un « français » n’est pas forcément un porteur de baguette radioactive qui tente des tours de magie dans une mer bleue, ni un indigné d’avoir perdu la révolution et son rayonnement intellectuel, mais peut-être vous, peut-être moi, peut-être lui, l’Autre.

    Et un « syrien », c’est quoi au fait ?
    Un membre dirigeant d’un bureau politique dictatorial, pris entre les tirs croisés d’une troupe républicaine s’opposant aux croyants à la vie éternelle ?
    Ou plus simplement un mec qui, comme moi,
    se passerait bien de l’intelligence du Pouvoir.

    Nos chefs sont des fous. Nous sommes des êtres humains.

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