Dans le contexte de crise sociale que traverse le monde, toutes les initiatives pour pérenniser les emplois deviennent extrêmement intéressantes. Chaque jour, des dizaines d’économistes phosphorent pour trouver une solution qui permettent de faire une carrière avec un boulot rémunérateur. Sur l’âge de la retraite, les recherches s’accélèrent pour l’adapter à la pénibilité des tâches quotidiennes. La solution vient peut-être d’Australie… puisqu’un scientifique avait bénéficié d’un job exceptionnel, car réunissant tous les avantages que l’on est en droit d’espérer en cette période troublée : durable, peu pénible physiquement, passionnant, nécessitant une concentration particulière… et donc vous permettant de vous détacher de toute hiérarchie pesante. Une grande université australienne a en effet annoncé la mort du chercheur chargé de surveiller l’expérience scientifique la plus longue jamais réalisée en laboratoire, une étude en continu qui dure depuis 1927… Imaginez un peu ! Le même labeur durant 86 ans ! Un sacré bail mais bien évidemment pas avec le même salarié.
John Mainstone, ancien directeur du département de physique de l’université du Queensland, décédé à l’âge de 78 ans, était responsable de « l’expérience de la goutte de poix », destinée à mesurer l’écoulement d’une goutte de poix, une matière visqueuse qui a un aspect solide mais qui est en fait liquide. Il a suivi cette expérience pendant 52 ans… sans s’accorder le moindre répit et avec à la clé un échec retentissant puisqu’il n’a jamais été présent au moment où la « goutte » passait du haut vers le bas ! Il était donc vraiment payé à ne pas faire grand chose. La poix, extraite par exemple –mais pas seulement– du bitume, était autrefois utilisée pour imperméabiliser les coques des bateaux et aussi pour verser sur les assaillants de châteaux-forts. Elle offre la particularité justement de ne pas aimer le « goutte à goutte » mais s’expédie en grande quantité ! Il a fallu trois ans pour que la poix chauffée se stabilise dans un entonnoir en verre, fermé. En 1930, l’entonnoir est ouvert, et sur les 83 dernières années, huit gouttes de poix seulement sont tombées soit en moyenne une goutte tous les dix ans ! Quel stress, quelle pression… attendre. Éternellement attendre pour un fait qui ne se produit pas quand on l’attend ! Une crise de poix n’était absolument pas à craindre.
John Mainstone, qui est décédé la semaine dernière, avait indiqué début 2013 que la 9e goutte pourrait bien tomber avant la fin de cette année. « Elle n’en fait qu’à sa tête, elle tombe tout d’un coup », avait déclaré le professeur sur la télévision publique australienne. Une belle leçon de philosophie sur la vie, car nous sommes toutes et tous condamnés à vivre dans un sablier où le temps file plus ou moins lentement. En fait, une fois encore, dans ce domaine comme dans tant d’autres, la technologie a raflé à l’homme un boulot passionnant puisque désormais l’expérience est sous surveillance 24 heures sur 24, grâce à la présence de trois caméras qui filmeront la chute de la 9e goutte. Une vidéo-surveillance en quelque sorte pour filmer une naissance. Une interminable gestation pour un accouchement pour le moins laborieux : rien de bien sensationnel !
Il était une poix… une goutte qui ne voulait pas quitter le monde d’en haut pour rejoindre celui d’en bas. Il y a un vrai symbole dans ce refus de se plier aux lois de la gravité pour chuter dans le domaine de la mort puisqu’ elle n’existe que tant qu’elle lutte et se défend contre un sort inexorable. Le savant australien a dû multiplier les calculs, les mesures, les observations pour décrire ce passage d’un niveau à l’autre, mais il n’a pas pu en percer le mystère. C’est à vous dégoûter de passer vos journées à coincer la goutte ! Un vrai job pour un homme digne de poix car rien ne permet de contrôler sa rentabilité. Et dans le fond, il faut s’en réjouir dans cette société où tout doit être immédiatement profitable ou utile. Donner du temps au temps quand tout est régi par la vitesse, l’instantanéité, l’éphémère, et se permettre de s’en moquer, constituent des privilèges que ce « savant » avait obtenu d’une université. Que rêver de mieux ? Y consacrer toute une vie professionnelle devient tout bonnement jubilatoire, surtout quand il n’y a aucun danger pour le monde dans cette recherche strictement théorique. Quel beau job que celui de « compte-goutte » car dans le fond il porte en lui tous les paramètres de ce que l’on appelle le bonheur au travail : liberté, durabilité et surtout inutilité totale. Ce n’est plus du boulot, c’est de l’art ! Allez, ne vous en faites pas, ce chercheur australien nous incite à l’humilité, nous qui avons tendance à en faire des tonnes. Il s’est passionné durant plus d’un demi-siècle pour le sort d’une goutte ! Et s’il avait raison ?
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Goutte à goutte, le sang est inutile, celui qui coule dans les veines des hommes, quand la vie n’a d’autre sens que de remplir un réfrigérateur pour en vider le contenu dans des toilettes de porcelaine blanche…ou rose.
Bien sur, les gaz qui s’échappent des ventres repus, entre l’ingurgitation et la défécation, sont aussi comptés, dans de grands rires, devant des écrans plats, ressassant les dernières guerres à la mode, ou la dernière course au anabolisants, c’est la joie, c’est la fête, la grande fête du gaz hilarant.
Au beau milieu de ce vacarme malodorant, on peut c’est vrai trouver quelque saine envie à la beauté, à condition d’ouvrir les fenêtres ou de sortir prendre l’air.
Il se passe alors cette chose extraordinaire, figurez-vous qu’en dehors des heures autorisées pour toute promenade surveillée, l’esprit s’éprend de Liberté.
Je ne sais combien d’heures, de jours, d’années j’ai bien pu passer dehors à regarder mes contemporains vivre enfermés dans un confort idiot, confort n’offrant d’autre avenir que d’engraisser les marchands … de confort justement !
Est-ce donc si confortable que de n’avoir pour vie et pour envie, que de posséder quelque machine froide, et d’être dépossédé de son temps.
Celui qui est nécessaire à la construction de l’esprit, à la bonification de l’âme, le temps que l’on prend à la contemplation.
Quand ne faire rien, ce qui veut dire prendre son élan en langage artistique, sera une règle applicable jusqu’au salles noires des usines libérales, tous les travailleurs esclaves se découvrirons artistes !
Car, mais cela est mal perçu dans un monde où l’art sert aussi une grande machinerie financière, être artiste, ce n’est tout simplement et définitivement qu’être un être humain.
Ma vielle qui ne savait rien engager, de la tarte du gouter des gosses à la guerre aux heures sombres, sans en avoir envie, savait ce qu’être un homme veut dire:
trouver en toute chose un sens qui ne serve pas les princes à notre détriment, sommes-nous bien les enfants de la Révolution oui ou merd…réfrigérateur !