Le dépassement de soi devient, dans tous les domaines, une constante de la fierté humaine moderne. Il faut devenir un surhomme pour pouvoir, en toutes circonstances, imposer une autorité née de l’exploit. C’est même devenu une obsession pour des gens qui mènent d’habitude une vie ordinaire. Les récents jeux olympiques sont devenus à cet égard la référence estivale : chacun rêve d’un podium qui lui confère une notoriété locale ou plus large. Les médailles se distribuent durant cet été et les épreuves extrêmes se multiplient sur tous les territoires. Toujours plus longues, toujours plus dénivelées, toujours plus ardues… elles attirent un public toujours plus large ! Chacun veut sa part de gloire en dépassant les références dites « normales ». On assiste ainsi à des scènes surréalistes, avec des gens qui vont au-delà de leurs forces pour satisfaire ce besoin intérieur et personnel de célébrité, inspirée des images télévisées.
Sur un trail disputé sur les Côtes du Bordelais, des dizaines de femmes (elles sont de plus en plus nombreuses) et d’hommes, de l’âge des juniors à celui des maisons de retraite, se sont épuisés par monts et par vaux pour décrocher une bouteille de vin ou une médaille standardisée. Sous une canicule particulièrement exigeante, ils ont franchi les limites de ce que leur âge ou leur corps pouvait accepter. Le culte de la performance les dope au moins autant que les produits employés par des champions avides de fric. Ils ne vivent que dans des circonstances où ils sont certains de se dépasser. Vingt-cinq kilomètres, en plein soleil, dans des paysages certes splendides mais qu’aucun d’eux n’est venu pour admirer : le seul objectif reste celui de l’effort pour l’effort, de l’épuisement pour l’épuisement. A côté des gens aguerris à ce type de course, les « cadres » ou les « retraités » se donnent l’illusion d’être dans le film de « Lawrence d’Arabie ». La traversée du désert reste un mythe pour le coureur de trail… qui, dans le fond, n’aime que la nature dure et revancharde !
Suant, peinant, trottinant et même parfois marchant dans les portions les plus exposées, ces « aventuriers » du petit matin se lancent dans un périple au long cours qui les confronte à leurs capacités de résistance. Chaque foulée devient pénible, mais peu importe, ils tentent de retrouver ces images sanctuarisées de la télévision dont ils sont les acteurs. Ces coureurs de l’inutile mettent en évidence le besoin social d’exister par « l’extraordinaire » et plus encore par le résultat ! Toutes et tous vont vite consulter les listes affichées sur la porte grise de l’école comme des lycéens allant vérifier qu’ils sont bien reçus au bac. Ils scrutent leur temps et celui des autres en commentant les erreurs qu’ils ont pu commettre ou les réussites obtenues. Ils scrutent le verdict du chrono, avec l’espoir que leur performance leur vaudra une mention lors de la remise des prix… C’est dans le fond le fondement de leur motivation puisqu’ils se connaissent tous et savent, au moment des inscriptions, l’ordre d’arrivée, car ce sont des courses regroupant des gens habitués aux parcours difficiles. Seule une défaillance permet de modifier l’ordre normal de la hiérarchie qu’ils maitrisent depuis des décennies. Les vétérans s’apprécient mais se tirent la bourre et raflent toujours les places d’honneur dans le même ordre puisque ce sont eux qui ont la plus grande habitude des confrontations et des rapports de force… depuis leur plus tendre enfance. Il existe une grande solidarité des « extrêmes » dans l’effort. Ils connaissent leurs limites mais ils ne savent pas tous les respecter, surtout en été, où ils mélangent les notions contradictoires de performance et de vacances. Les jeux olympiques n’ont pas persuadé tout le monde que l’important était seulement de participer.
L’essentiel consiste à se surpasser dans un contexte de compétition qu’ils affirment être sur eux-mêmes, alors qu’il est souvent par rapport aux autres. On sent un besoin fort d’affirmer que l’âge n’a aucun impact sur une irrésistible envie de gagner. Une véritable illustration de la réussite individuelle portée par une vision sociale du dépassement dans le résultat ! Le défi consiste à démontrer sa supériorité sur les gens ordinaires qui se promènent, qui randonnent ou qui baguenaudent. Des concurrents connaissent parfois de lourdes défaillances mettant en péril leur vie, mais peu importe, ce ne sont que des « vaincus » de cette concurrence libre et non faussée qui régit le monde et qui traverse les vacances, avec ces rendez-vous de l’extrême !
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Quelle pathétique image! Je les vois comme si j’y étais!!!
Quels c..s!!!!!
je ne voudrais pas juger les gens qui se sont exposés sous ce soleil tueur ,mais je n’y vois rien d’admirable ,je suis peinée, vous avez certainement raison,certaines images à la télévision peuvent inspirerce besoins de célébrité……. je suis beaucoup plus admirative devant l’exploit de tous ces pompiers face aux feux de lacanau……..non hier à capian il n’y avait pas de héros……et si je comprends bien il n’y avait pas un grand plaisir à distribuer des médailles en plastic made in china……….mais quelque fois on se trouve face à des corvées………..
je ne juge pas les gens qui marchaient sous ce soleil tueur..je suis à la fois gênée et peinée….il n’y avait pas de héros hier à capian…je garde mon admiration pour l’exploit des pompiers face aux feux de lacanau…… mais vous avez certainement raison: ce besoin de célébrité peu être inspiré par la télévision…..distribuer des médailles en plastic made in china…doit être une vraie corvée…….
Courir, courir, courir, c’est l’impératif « tendance »…
Cela me rappelle un dessin humoristique paru il y a quelques écennies dans un journal patoisant « le Subiet » (le Sifflet).
On y voyait deux braves paysans regardant un
Courir, courir, courir, c’est l’impératif « tendance »…
Cela me rappelle un dessin humoristique paru il y a quelques écennies dans un journal patoisant « le Subiet » (le Sifflet).
On y voyait deux braves paysans regardant un
Fausse manoeuvre ou bug ? forbiden s’st affiché et c’est parti…
Je continue…
Ces braves gens regardent un troisième qui court.
Dialogue
– Qué tou qui fasant à c’theure ?
– i coura
Encore ce forbiden !
Courir, courir, courir, c’est l’impératif « tendance »…
Cela me rappelle un dessin humoristique paru il y a quelques décennies dans un journal patoisant « le Subiet » (le Sifflet).
On y voyait deux braves paysans regardant passer un troisième qui court.
Dialogue
– Qué tou qui fasant à c’theure ?
– I courant pour ren faire maintenant qu’i marchant plus pour aller travailler ….
Ouf !
Une description qui s’applique à merveille à nos politiques ne croyez vous pas ?
Le parallélisme est vraiment plus que flagrant.
Dès le début avec cette phrase : » chacun rêve d’un podium qui lui confère une notoriété locale ou plus large »…