Dans mon livre « Jour de rentrée » (1), j’ai cherché à démontrer qu’au moment où, il y a maintenant 45 ans, un instituteur forgé à l’école normale passait pour la première fois la porte de la classe, il avait en tête une imprégnation constante sur la responsabilité qui était désormais la sienne. Sans aucune vanité et surtout sans aucune illusion, je dois avouer que François Hollande a dû recevoir une formation identique… Ses « jours de rentrée » reflète véritablement ce que l’on enseignait aux héritiers de hussards noirs pour qu’ils soient à la hauteur de leur mission. Il a méticuleusement appliqué des principes qui… fondent une action pédagogique durable. Certes la « classe » dont il a la charge dépasse les effectifs admis pour être efficace mais il a parfaitement négocié les diverses apparitions qui figuraient à son emploi du temps.
D’abord, on nous conseillait fortement d’être intransigeants, dès les premières minutes, mais une autorité solide, non apparente et perçue plus que subie. En s’installant à l’Elysée, il a vite suggéré que « lui (Sarkozy) c’était lui et moi (Hollande) c’est moi ! » Des petits détails comme le non accompagnement de ce duo kitsch et strictement médiatique vers son automobile, après une descente style marches du palais à Cannes, ont immédiatement démontré un changement visible de pédagogie. Le message était clair : « je ne perds pas la mémoire, et je ne tombe pas dans le panneau d’une valorisation de ce qui n’était, encore une fois, qu’un coup de communication destiné à permettre aux cireurs de pompes sarkozystes de passer une dernière couche de dévotion ». Il a donc eu parfaitement raison de rappeler explicitement qu’il avait en mémoire ce que l’UMP et ses alliés lui avaient fait (les dirigeants européens l’ont appris à leurs dépens au G8) quand ils le considéraient comme incapable d’assumer la fonction dont, en définitive, il a été investi ! Aucun mépris, aucune inélégance, mais la simple continuité dans un principe clair : « je me souviendrai de tout ce qui sera fait contre moi, et je ne suis pas prêt à tendre l’autre joue à celui qui ne m’a pas respecté! » On nous le conseillait à l’E .N. car, si ce n’est pas une attitude immédiate face à une classe, il devient impossible par la suite d’exercer une autorité reconnue !
En politique, comme devant des élèves, il ne faut jamais oublier les fruits de l’expérience, et savoir que tout se joue sur la manière dont on se comporte en entrant dans l’espace où l’on va exercer son activité. Prendre ses distances est indispensable pour démontrer que le « copinage » ne sera jamais un atout pour l’action. Il était même fortement recommandé d’être impitoyable d’entrée avec les « élèves » qui ne respectaient pas une consigne donnée. Une exception à la règle immédiate débouche sur une faille dans l’image qu’il faut donner à celles et ceux qui vous observent pour, justement, vite déterminer jusqu’où ils peuvent aller sans risque. En refusant toute « dérogation » au principe de non cumul d’une fonction ministérielle et d’un mandat exécutif local, il a assis son autorité ! En prévenant que tout échec serait synonyme d’exclusion immédiate, il a détruit une réputation de « grand méchant mou » qui avait précédé son arrivée dans la classe ! En face et à côté, on a vite compris que la force tranquille ne signifiait pas le consensus facile ! Tout bon instituteur le savait : il valait mieux devenir progressivement « justement » compréhensif et souple, après avoir été sévère, que l’inverse ! Jour de rentrée réussi !
On nous apprenait ensuite à poser deux ou trois valeurs qui fonderaient la pédagogie. François Hollande n’a pas agi autrement en étant irréprochable dans la difficulté… climatique. « Renoncer » à la première difficulté, face à une classe, c’est immédiatement ouvrir la porte à une image de faiblesse et plus encore inciter à contester toute décision ultérieure. Que penseraient les élèves d’un prof de gym qui resterait à l’abri et qui exigerait d’eux qu’ils courent sous la pluie ? L’exemplarité quotidienne demandée aux Ministres ne sera comprise et admise que si elle s’applique aussi au « maître ». Cette méthode n’a qu’un inconvénient : elle est dure à tenir sur la durée ! J’ai encore en mémoire ce que disait le directeur de l’école normale en cours de « morale professionnelle » le mercredi matin : « ne demandez aux élèves que ce que vous êtes capables de tenir ! ». La valeur de l’exemple demeure essentielle dans l’éducation et plus encore dans la vie sociale. C’est une des causes de l’échec de l’UMP qui, en permanence, depuis une décennie, s’est exemptée de toute exemplarité malgré des déclarations fracassantes sur la République irréprochable, qui ne le fut jamais !
Dans la salle des maîtres, comme dans les réunions internationales, la stature ne se jouait pas sur le bavardage, les déclarations fracassantes, les agissements réputés révolutionnaires, mais sur le respect que l’on accorde aux autres et plus encore sur la sobriété constructive avec laquelle on aborde la vie collective. François Hollande savait qu’il serait jugé par ses pairs hostiles à sa prise de fonction. Il lui fallait ne pas trop en faire dans la familiarité comme son prédécesseur, faire profil bas mais, en s’appuyant sur un « vieux routier » qui connaissait les ficelles du métier, affirmer sa personnalité et ses orientations.
Les « jours de rentrée » de François Hollande se sont succédés à une allure vertigineuse, laissant l’agréable impression d’être pensés et maîtrisés. Cela change totalement de l’agitation erratique de l’idole de l’UMP qui, il est vrai, avait supprimé la formation des maîtres car il l’avait jugée inutile. Alors, on ne pouvait pas attendre autre chose que de l’improvisation caractérielle, dont on sait qu’elle ne contente que les gens irraisonnés.
(1) « Jour de rentrée » Editions « vents salés »
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Souvenirs, souvenirs….
On s’y croirait !
Je me souviens des consignes d’un de mes premiers directeurs :
– Le premier jour, il faut leur(les élèves) montrer qu’on est une vrai peau de vache. Après, ils découvriront avec plaisir que vous n’êtes pas si vache que ça …
Un peu excessif comme consigne, mais dans la bonne direction et certainement mieux que le contraire.