La valeur ajoutée des taxes

Depuis des années, le monde politique a totalement discrédité un mot : impôts. Responsables de tous les maux du monde économique, ces prestations pécuniaires requises des particuliers par voie d’autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques deviennent des épouvantails sociaux. Tout le monde rêve de ne plus payer d’impôts, surtout celles et ceux qui… en sont exonérés ou qui trouvent le moyen de s’en exonérer. En fait, c’est uniquement par absence totale de culture sociale et politique. En clamant sur toutes les estrades, dans toutes les publications, qu’il faut diminuer les impôts directs, certains élus poujadistes ou démagogues ont introduit dans les esprits, l’inutilité d’une contribution équitable au fonctionnement de la société, à laquelle on réclame, en revanche, toujours plus de services. Les médias en rajoutent toujours une couche en publiant, en permanence, des statistiques brutes qui  ne mettent jamais en rapport le montant payé et les avantages possibles liés à cette participation.

En fait, le gouvernement actuel a accentué le rejet de toute participation directe, en usant jusqu’à la corde la différence entre « impôts directs » et « impôts indirects » comme s’il ne s’agissait pas de la même finalité. On pourrait attribuer aux gouvernants actuels ce mot que l’on dit avoir été donné par Colbert : « l’art de lever l’impôt consiste à plumer les oies sans trop les faire crier !». Jamais ça n’a été aussi vrai !

Dans un cas, la « facture » est en effet visible et vérifiable, le « responsable coupable » identifié alors que dans l’autre elle est invisible, plus douloureuse mais avec un « responsable non coupable » inconnu. La « taxe » est devenue comme au Moyen Age, la panacée pour répondre aux besoins collectifs. Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement actuel en a créé ou modifié une trentaine, de tous ordres. La dernière en date étant celle sur le… carbone ! L’avantage c’est que l’on efface ainsi la notion de citoyen, inquiétante pour le politique, afin de lui substituer celle beaucoup moins dangereuse de consommateur. Une façon de tourner totalement la responsabilité politique pour la transférer vers le milieu économique, rassuré, lui, par l’effacement de la… taxe professionnelle ! C’est la négation absolue du principe républicain d’égalité d’accès aux services, grâce à une contribution directe à la mise en œuvre de ces services qui soit équitable.

En gros, « l’effort TVA » actuel par ménage correspond à une fourchette comprise entre 13,7% des revenus, pour les 10% les plus pauvres (moins de 7 500 € par an) ; seulement 5,3% des revenus, pour les 10% les plus riches ( plus de 50 550 € par an )  Notons au passage l’injustice flagrante de la TVA actuelle, qui fait davantage payer les plus pauvres, en proportion. Cette injustice s’exprime également par le fait qu’avoir des enfants augmente l’effort TVA d’environ 0,3%. Rembourser la TVA actuelle aux ménages les plus modestes augmenterait leur pouvoir d’achat de presque… 14 points. C’est dire si une telle mesure a des vertus sociales. Et c’est l’augmentation de la TVA, désormais indolore socialement, qui compenserait le manque à gagner pour l’Etat (52 % de ses recettes). Il en sera de même pour la taxe carbone, pour la taxe sur les produits pétroliers, pour toutes les taxes liées à un acte de consommation obligatoire pour vivre ou survivre.

En revanche, je suis de ceux qui pensent que, quel que soit son revenu, il devrait être obligatoire de participer à a vie de sa collectivité territoriale et je suis pour une taxe d’habitation minimale car il est anti-républicain de laisser accroire que l’impôt n’existe plus ou pas. La destruction de la progressivité de l’impôt sur le revenu contribue à cette vision caricaturale du principe constitutionnel de la progre ssivité. Or l’impôt le plus progressif de notre arsenal reste l’impôt sur le revenu. La progressivité est assurée par le « barème », exprimé à l’aide de taux par tranche de revenu. Par exemple, un contribuable avec un revenu imposable situé dans la troisième tranche paiera 0% sur les 5 800 premiers euros qu’il a gagnés, 7% sur les revenus situés dans la deuxième tranche, 20% sur ceux situés dans la troisième tranche… Plusieurs facteurs sont cependant venus émousser sérieusement cet impôt et sa progressivité. Ainsi, le poids de cet impôt dans notre fiscalité est de plus en plus faible (il représente trois fois moins que la TVA !) et il est donc possible de l’alléger en période de croissance, car  dans le système actuel,on récupère davantage via la consommation que par les revenus. La tranche supérieure a été abaissée (à 40%, contre 90% en 1924). Un bouclier fiscal a été instauré (le fisc ne peut pas prendre plus de 50% des revenus « déclarés » par impôt direct, y compris les impôts locaux). Des tas de « niches fiscales » (réductions d’impôt pour le personnel de maison, pour les investissements dans les DOM, par exemple) s’accumulent…

Il est vrai que 37% des ménages, à commencer par les plus modestes, ne payent pas l’impôt sur les revenus.  C’est vrai, mais ils payent la CSG, instaurée à la fin des années 80, et qui porte elle aussi sur le revenu. Certains ont même imaginé de la transformer en « première tranche » du barème. Aujourd’hui, la CSG rapporte plus que l’impôt sur le revenu (4.7% contre 2,9% du PIB). Et sa progressivité est faible.

Au fait, les 3 000 contribuables aisément évadés vers la Suisse, dont la liste est miraculeusement arrivée sur le bureau d’Eric Woerth et qui sera donc soigneusement épluchée (n’en doutons pas, pour y trouver le « comique », les stars de la « politique », les généreux donateurs de la campagne de l’UMP qu’il rencontre au Bristol pour les remercier de pouvoir offrir 7 500 euros annuels, déductibles de leurs impôts, au profit son parti) pour y trouver celles et ceux qui y figurent. Au fait, je suis pour une autre proposition concrète : l’affichage en mairie des impôts annuels sur les revenus payés par chaque habitant, afin d’accentuer le contrôle citoyen. On constaterait peut-être que des restaurateurs ou des bistroquets ont vu leurs revenus croître grâce à la baisse de… la TVA. Chiche !

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Cet article a 2 commentaires

  1. daniel PALACIN

    PARLER ECONOMIE
    En vous lisant,je faisais le parallèle avec ce qui se disait tout à l’heure sur FRANCE2 dans l’émission « Des mots de minuit » où étaient présents, Bruno Masure et claude Cerillon, sur le particularisme actuel, qu’il n’est plus d’informer, mais de communiquer, que l’on ne dit plus, evênement important, mais qu’est ce qui interesse les gens, (pour faire du beurre).
    C’est si agréable de vous lire, déjà, c’est merveilleux non?
    Ensuite, que nous soyons d’accord ou pas, la question ne peut pas être posée aussi brutalement, puisque vous informez, vous ne communiquez pas.

    Je ne résiste pas à l’envie de copier-coller un extrait du texte d’accueil de Philippe LEFAIT (Des mots de minuit)sur le site internet de France2, même si je reçois un e-mail de France2, comme l’a déjà fait FR3, récemment, pour me réprimender pour un copier-collé, à la place d’un lien qui aurait été plus souhaitable.

    « Puisque vous êtes ici, merci pour votre fidélité, votre écoute et votre curiosité. Pour prolonger un rendez-vous qui se voudrait le lieu d’une parole libre et libérée des formats du supposé grand village de la communication, voici donc conseils et suggestions supplémentaires pour ce temps si agréable et si nécessaire du désir, du plaisir, de la mémoire, de la connaissance et de la réflexion .

    Elle suppose encore l’échange : ce sont aussi vos mots que nous attendons et à tout de suite.

    Philippe Lefait

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