Le temps n’a pas de prix… quand il procure les plaisirs du partage et de l’amitié. Les fêtes sont belles avant, car on vit dans l’espoir de pouvoir les offrir aux autres, et ensuite on craint de ne pas avoir fait assez pour les convaincre d’accepter ce don. C’est l’éternelle dépression qui vient après l’excitation de l’action et le sentiment d’avoir tout donné au profit de la collectivité. L’essentiel reste pourtant d’avoir vécu ces moments qui enrichissent une vie et que ce discours, prononcé lors de la rencontre avec des centaines de personnes, dimanche à midi, résume assez bien. A vous d’en juger.
C’est en effet quasiment un miracle que chaque année, malgré les aléas inévitables, les fluctuations de l’engagement social, Créon sache se retrouver et exhaler le doux parfum de son sens du partage. Ce moment, qui peut parfois paraître inutile, désuet, anachronique à certaines et certains, demeure pourtant le symbole d’une cité dont la devise a toujours été « certes petite mais vaillante ». Créon fête sa jeunesse, car elle la sait modeste mais attachée à son identité, parfois turbulente depuis toujours, et il n’y a que les vieux comme moi pour faire semblant de ne pas le savoir, mais soucieuse de participer aussi à cette dynamique qui lui confère une notoriété grandissante.
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, ne cherchez pas sous les mots autre chose que la reconnaissance, par une équipe municipale et une majorité de la population, de celles qui peuvent donner raison à Aragon qui pensait que la femme est l’avenir de l’homme. Ne cherchez pas davantage dans la remise du Prix Bertal une autre signification que celle que Bertal voulait lui donner et récompenser : « un jeune garçon amoureux des arts ».
Gardez en mémoire, comme moi, depuis maintenant trop longtemps, ces regards brillants des petites filles, ces gestes tendres des moins jeunes qui redonnent, en ce jour, du temps à leur temps perdu, ces attentions particulières des uns vers les autres.
Cette journée, comme les soirées de jeudi, vendredi et samedi, se veulent les antidotes contre une société de l’égoïsme galopant, de la morosité rampante, et surtout de l’indifférence croissante.
Merci au nom de l’équipe municipale de Créon, merci au nom du Comité des fêtes, merci au nom de toutes celles et tous ceux qui croient qu’on ne se construit un avenir prometteur que sur les fondations d’un passé solide, merci pour votre présence ce matin, alors que bien d’autres événements plus branchés auraient pu vous détourner de cette cérémonie séculaire.
Les fêtes n’existent que parce que des jeunes et des moins jeunes acceptent de relever le défi, de tendre la main aux autres. Je sais par expérience que leur rôle est ingrat, que leur récompense est aussi mince qu’illusoire, mais ils tiennent bon, parfois depuis très longtemps, animant les samedis de l’été sous les étoiles, réglant le programme de ce rendez-vous qu’ils ont réussi à maintenir et à améliorer, puisque désormais de juillet à fin août ce sont des milliers de personnes qui retrouvent ou découvrent Créon en fête.
Merci à Florence Ovéjéro-Ballot pour son investissement personnel courageux et intense en tant que présidente du Comité des fêtes. Elle a su encore une fois entraîner dans son sillage une bande infatigable, qui œuvre avec le plus parfait désintéressement à l’animation de la commune.
Depuis l’origine, en 1907, des citoyennes et des citoyens s’impliquent, que ce soit par la collecte, par leur participation physique, par leur action au service de leur ville, et je souhaite ardemment que vous leur rendiez l’hommage qu’ils méritent en les applaudissant.
Merci également à Céline Brisseau-Jullien qui prend à cœur, au sein de l’équipe municipale, de toute la partie officielle de ce rendez-vous dominical. Elle le fait avec discrétion, tact et efficacité, ce qui démontre qu’elle a parfaitement compris le sens réel de cette fête pas tout à fait comme les autres, car elle l’a intensément vécue de l’interieur.
Merci enfin à tous les commerçants, tous les prestataires de services, tous les forains, tous les employés municipaux, sans qui rien ne serait véritablement possible, tant le budget de ces journées devient difficile à assumer et à assurer.
Vous avez bien compris que, ce matin, c’est une communauté qui se retrouve autour de son identité. Nous y sommes attachés et nous la défendrons bec et ongles. Vous comprendrez aisément les raisons qui me poussent à combattre un anschluss qui nous intégrerait dans une métropole n’ayant véritablement rien à cirer des spécificités créonnaises.
Nous voulons demeurer libres de notre destin, de nos actions, de notre avenir car, dans le fond, je crois que nous avons prouvé, les uns et les autres, que nous aimions bien notre style de vie, que nous avions tout fait pour le conserver, que nous savions l’améliorer. La Rosière, comme nous le disons dans le langage créonnais courant, constitue notre référence culturelle. Nous l’assumons sans complexe, sans honte, mais avec fierté et enthousiasme.
Chères et chers amis, cette année c’est Ronan Le May qui portera symboliquement une part de ce qui fait notre force, notre identité créonnaise représentée par plus de 400 enfants et adolescents qui fréquentent chaque année l’école de musique, les cours d’arts plastiques, les séances de cinéma, la bibliothèque, la ludothèque, la danse. La Mairie investit constamment dans ces secteurs de la vie sociale, car nous savons que nous favorisons leur épanouissement et que nous travaillons, avec des dizaines de bénévoles ou d’éducatrices ou d’éducateurs qualifiés à leur avenir.
Ronan, Prix Bertal 2009, a toutes les qualités requises pour entrer dans le monde des gens cultivés, des honnêtes hommes qui ne se contenteront jamais du savoir, mais qui y ajouteront le plus culturel qui éclaire le quotidien de la vie (…)
Il arrive très souvent que l’on m’interroge sur les motivations qui poussent mes collègues à choisir une jeune fille plutôt qu’une autre comme Rosière représentant leur ville durant une année. Comme le vote a lieu à huis clos, le secret, très mal gardé, se prête à toutes les interprétations.
D’abord il me faut vous dire que sauf circonstances exceptionnelles nous ne choisissons jamais l’enfant d’une ou d’un élu membre du conseil. Je sais pertinemment, pour l’avoir vécu moi-même, que cette interdiction est pesante pour des filles victimes de l’engagement social de leur mère ou de leur père. Je tenais à le redire aujourd’hui, devant vous, afin d’éviter toute interprétation malsaine, en une période où la tendance de l’opinion dominante serait plutôt de croire que les élus se servent au lieu de servir. A Créon il sera difficile de démontrer que cette croyance populiste immorale s’applique à la vie municipale, car nous avons su, quel qu’en soit le prix, conserver cet attachement à des principes. Dire que tout le monde le comprend serait aller trop loin.
Ensuite, nous prenons en compte non pas la naissance sur Créon, mais le durée d’installation de la famille de la rosière et son implication antérieure dans la cité. Nous tentons de jauger la part prise par la jeune fille dans la vie locale. Or, il se trouve que parfois ce choix devient compliqué, puisque nous sommes dans une ville où un très grand nombre d’associations accueillent les jeunes filles qui souhaitent faire autre chose que du traine misère nocturne dans les rues. C’est un choix collectif, assumé sans que personne puisse se sentir trahi, oublié ou meurtri, puisque normalement le résultat en est secret.
Or, cette année, Anne Sophie Odry portait sur ses frêles épaules plus de 80 ans de la vie créonnaise (…)
Anne Sophie, sensible, beaucoup plus timide qu’on le croit, indépendante, a les défauts et les qualités des jeunes filles de son époque.
C’est cette longévité de l’engagement dans la vie de notre commune que Anne Sophie symbolise aujourd’hui. Elle saura, j’en suis certain, dès samedi prochain, avec Ronan, à La Mothe Saint Heray où nous nous rendrons pour représenter Créon au rassemblement national des rosières, se montrer digne de l’honneur qui lui est fait aujourd’hui, 102 ans après Suzanne Salvet.
Le poète a toujours raison
Qui voit plus haut que l’horizon
Et le futur est son royaume
Face à notre génération
Je déclare avec Aragon
La femme est l’avenir de l’homme
C’est ce que je ressens chaque fois, depuis 14 ans, en couronnant une Rosière. Je n’ai eu que des satisfactions en témoignant de la confiance de Créon. Dans le même esprit qu’Antoine Victor Bertal, je me contente de croire dans les gens, de les aimer pour ce qu’ils sont, et pas nécessairement pour ce qu’ils doivent être. Merci à Anne Sophie d’être Anne Sophie et de ne pas vouloir être quelqu’un d’autre, ou de ne pas entrer dans un rôle.
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, à notre époque, où l’on sait trop souvent se contenter des apparences, des rumeurs, des cancans plus ou moins laborieux, nous préférons l’authenticité des comportements, même s’ils sont parfois excessifs. Le bonheur ne se consomme pas avec modération, et je sais qu’Anne Sophie et sa famille savourent cet instant avec le sentiment qu’il restera inscrit dans l’histoire créonnaise de leur famille. Au nom de tous les élus créonnais, en votre nom, au nom de toutes les Créonnaises et de tous les Créonnais, je vais donc poser la 103° couronne de rosière. Elle donnera à Anne Sophie le droit de se revendiquer d’une lignée séculaire qui a fondé notre identité, et elle impliquera le devoir de poursuivre sur cette voie, au bénéfice de la ville qui lui témoigne son affection.
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, une page du beau conte des fées créonnais d’un jour se referme. Il commence toujours de la même manière : il était une fois une jeune fille qui vivait dans un village pas tout a fait comme les autres… Chaque année on y célébrait la jeunesse, cette clarté du matin d’une vie que l’on espère jamais trop sombre. Que ce jour ne soit qu’un début dans la vie pour Ronan et Anne Sophie, qu’il marque d’une pierre blanche, grâce à vous toutes et à vous tous, un repère précieux sur le chemin de leurs vies. Qu’il leur permette de croire en leur avenir puisque déjà ils sont entrés dans l’histoire créonnaise… Mille fois merci pour eux. »
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La nuit doucement a tourné la page du livre de la 103ème rosière et du rosier de Creon. Il y a eu avant et après, et les sourires ont marqué le temps. Les fêtes étaient belles car elles ont été les nôtres et nous avons essayé de les partager.
Nos fêtes sont finies, nous avons les photos, les vidéos, mais le meilleur reste nos souvenirs… Chaque année est différente de celle passée, on ne sait jamais si « on fera aussi bien », mais on y arrive avec l’aide de tous. Merci à toi Jean Marie, de croire en ces Fêtes, et de les aimer.. Le comité des Fêtes sera toujours là pour aider, un grand merci à notre Présidente Florence, qui se démène depuis des mois (JP, va pouvoir enfin dormir!!), à tout le comité, sans oublier Anne Sophie et Ronan, qui pendant une année vont représenter notre belle ville qui est CREON…. A l’année prochaine…