Belles fêtes vous vous faites rares !

La fête correspond parfaitement à l’été et à ses effets sociaux. Le seul problème, c’est qu’elle oscille de plus en plus entre les extrêmes. D’un côté, elle autorise tous les excès dans des mouvements collectifs se voulant débridés, et de l’autre côté, au plus près dans les villages, elles se meurt dans l’indifférence de proximité. Les grandes manifestations bénéficient d’afflux massifs de gens venus spécifiquement pour transgresser les règles habituelles de leur quotidien. On y vient pour boire, vivre avec les copains, la famille, les proches…dans un contexte réputé libre et euphorisant. Toutes les villes du Sud se parent de couleurs particulières traduisant leur besoin d’affirmer une identité forte. De Dax à Bayonne en passant par Mont de Marsan, Vic Fezenzac ou tant d ‘autres lieux plus modestes, comme Saint Vincent de Tyrosse, les gens ne viennent que pour « faire la fête », ce qui est totalement différent de sites où l’on vient d’abord avec un but culturel au sens large.

Retour sur des racines pour certains ; découverte d’une ambiance déstructurée ; mise en danger personnelle ou collective ; affirmation d’une indépendance supposée valorisante : les choix sont différents mais comme une interaction se crée très vite, tout le monde prend du plaisir à côtoyer l’autre. L’alcool aidant, les rapports humains se simplifient pour donner la sensation rassurante d’un vrai partage conduisant à gommer les différences habituelles. On en arrive au mimétisme des tenues vestimentaires et surtout au mimétisme des consommations… alors que tout le reste du temps le culte de l’individualisme prend le pas sur le reste. Il s’agit en quelque sorte d’un « bain de purification » social, permettant d’échapper à cet esprit concurrentiel qui habite, le reste du temps, tous les esprits. On ressort de ces fêtes là avec un brevet « d’anarchiste » qui méprise les principes de vie bourgeois et conventionnels. Et osons l’écrire : elles n’ont de populaires que le nom, tellement le coût des prestations devient prohibitif ! Le sandwich ou le verre de blanc limé atteignent parfois des sommets en matière de profits circonstanciels pour les vendeurs du temple ! Il est vrai que, comme pour les anciens combattants, il est important de pouvoir inscrire des faits d’armes véridiques ou inventés à son palmarès estival. Le malheur, c’est que c’est parfois l’essentiel !

On est loin de tout cela dans ce qui ne mérite que le nom de fête locale. Toutes sont en perdition, car elles n’offrent plus l’attractivité suffisante pour drainer du monde. Les métiers des forains doivent être démesurés, fracassants, hurlants pour espérer recevoir un brin d’attention des jeunes. Le bal n’a plus de succès que dans les coins reculés, où survivent les passionnés de l’accordéon musette, préférant le talent du musicien à celui du sonorisateur ! Les repas sont jugés trop onéreux et souvent ringards, et non conformes aux exigences estivales de la diététique. Et la belote, la pétanque, le concours de pêche ou la course en sac n’ont rien à voir avec les concours ou les compétitions qui envahissent les écrans de ces télévisons, castratrices des repères du vivre ensemble. Sur les places des villages, ne viennent que les enfants émerveillés car encore naïfs. Et encore ça ne dure pas longtemps…

Il faut une sacrée motivation pour tenter de convaincre, à une échelle locale, du bien-fondé d’une fête  « ordinaire », reposant uniquement sur le partage individuel. La nostalgie constitue souvent la principale source de motivation. Les grands-parents conservent le souvenir ému de leur impatience de voir arriver les métiers forains dans les jours précédant le rendez-vous institutionnel. Ils étaient là, sur leur vélo, à guetter les nouveautés, les montages et les coûts. Souvent, au tir au fusil à bouchons ou au tir à la carabine pour ceux qui avaient quelques poils de barbe naissants, on espérait, avec adresse, décrocher l’un des ces lots réputés royaux, constitués par une peluche synthétique géante, un lot de bouteilles de vins mousseux ou des œuvres d’art en plâtre moulé. Aucun deux n’était « made in China » puisque le pays n’était pas encore éveillé ! Les filles lorgnaient à la tombola vers des poupées aux robes espagnoles qu’elles poseraient sur leur lit, et toutes espéraient qu’un copain les entraînerait dans ces carambolages excitants des voitures tampons ! Sur des camions de pompiers, des chevaux hennissants ou des soucoupes volantes clouées au sol, les gamins se démenaient pour attraper la fameuse queue de Mickey permettant de recevoir les compliments des parents ravis de l’adresse du « petit ». L’extraordinaire reposait sur la rareté des distractions, mais pas nécessairement sur la qualité des produits. L’été portait aussi les rêves de flirts sous contrôle dans des salles champêtres montées durant plusieurs jours par des spécialistes itinérants. On y étouffait ! Les plus maladroits, les plus mal à l’aise, les plus renfermés se contentaient de siroter à la buvette provisoire des boissons en bouteille consignée. Les autres tentaient leur chance sur les chemins de la vie à deux, en espérant qu’un nuit noire artificielle leur permettrait d’avancer dans leur connaissance du sexe opposé ! Ah ! Ces fêtes-là s’éteignent lentement, puisque leur seule utilité reste de faire partager le bonheur d’être ensemble… Un « truc » inutile et anachronique !

Cet article a 4 commentaires

  1. ELI

    Bien que n’étant pas de Créon , j’ai toujours aimé cette fête de la Rosière et du Rosier..Elle rassemble les gens de tous les âges, aînés comme jeunes et moins jeunes.Le village est en fête ; les employés municipaux ont donné un grand coup de neuf dans toutes les rues , tout le monde peut admirer le monument , route de La Sauve,qui représente pour l’éternité la Rosière dans sa magnifique robe de pierre.Et puis il y a l’Histoire de ce Monsieur qui s’appelait Bertal à l’origine de cette grande manifestation .Les anciennes Rosière, c’est sans doute un titre, se rappelleront l’unique,l’extraordinaire, l’admirable journée qu’elles ont passé et voient une certaine continuité de la vie à travers la nouvelle promue qui sera photogrphiée,embrassée ;;ainsi que ses filleules.Le Rosier, artiste en herbe ,sera lui aussi félicité. Ce n’est pas une fête populaire , c’est un hommage rendu à une famille qui va être récompensée , elle-même, à travers sa fille qui représentera toutes celles qui n’ont pas été élues et qui seront présentes cependant. Je le dis ,encore et encore, j’adore cette fête.
    N.C

  2. Nouaille C

    Bien que n’étant pas de Créon , j’ai toujours aimé cette fête de la Rosière et du Rosier..Elle rassemble les gens de tous les âges, aînés comme jeunes et moins jeunes.Le village est en fête ; les employés municipaux ont donné un grand coup de neuf dans toutes les rues , tout le monde peut admirer le monument , route de La Sauve,qui représente dans l’éternité la Rosière dans sa magnifique robe de pierre.Et puis il y a l’Histoire de ce Monsieur qui s’appelait Bertal à l’origine de cette grande manifestation .Les anciennes Rosière, c’est sans doute un titre, se rappelleront l’unique,l’extraordinaire, l’admirable journée qu’elles ont passé et voient une certaine continuité de la vie à travers la nouvelle promue qui sera photogrphiée,embrassée ;;ainsi que ses filleules.Le Rosier, artiste en herbe ,sera lui aussi félicité. Ce n’est pas une fête populaire , c’est un hommage rendu à une famille qui va être récompensée , elle-même, à travers sa fille qui représentera toutes celles qui n’ont pas été élues et qui seront présentes cependant. Je le dis ,encore et encore, j’adore cette fête.
    N.C

  3. Cubitus

    Je voudrais apporter une précision concernant les bals de campagne. Étant plus jeune, dans le village où je vivais (et où habitais aussi l’un de vos adjoints dont le frère, devenu je crois instituteur, se trouvait dans la même classe que moi et prenait le même bus pour aller au lycée à Libourne, le monde est petit), dans ce village disais je donc avait lieu un bal une fois par mois.Donc pas uniquement pour la fête locale. Et c’était également le cas de bien des villages environnants. Nous y allions en groupe, en convoi de Mobylettes et prenions en passager ceux qui n’avaient pas la chance d’avoir de moyen de locomotion. Il nous fallait bien sûr souvent passer par des chemins de traverse afin d’éviter les gendarmes qui nous guettaient car à cette époque là, il était interdit d’avoir un passager sur des cyclomoteurs pourtant équipés d’origine de selles biplaces et de reposes pieds. Mais je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître (et même les moins de 50 ans). Bref, cela nous permettait, en nous déplaçant dans les différents villages, d’aller au bal quasiment tous les samedi soirs. Par contre, je voudrais m’inscrire en faux contre une idée répandue et à laquelle vous semblez souscrire selon laquelle les bals de campagne ne sont que des bals musette. A l’époque dont je vous parle, nous pouvions danser sur tous les succès récents que les différents orchestres incluaient dans leur répertoire et il y avait en réalité peu de musette. Il y en avait pour tous les âges, tango, paso, valses, rock et variétés (en grande majorité) et parfois seulement un peu de musette. C’étaient les années 60 : on n’était plus dans les années 30, les années glorieuses du piano à bretelles.

    Malheureusement, toutes les meilleures choses ont une fin. Au début des années 70, le préfet Doustin, suite à plusieurs incidents sur une période assez brève, estima que ces bals généraient de la violence et les interdit purement et simplement en Gironde. Ce fut non seulement la mort de ces petits bals de campagne mais de nombreux musiciens se retrouvèrent privés de gagne pain et de nombreux orchestres disparurent au profit des dancing champions de la musique pousse-disque. Car lorsque l’interdiction fut levée quelques années plus tard, c’était fini. Les orchestres Michel Cursan, Marcel Debernard et autres était partis dans d’autres directions ou sous d’autres cieux pour survivre, les boites dites de nuit où la frime est reine faisaient le plein, parfois avec les dérives que l’on connait encore aujourd’hui (alcool, drogue, traffics divers) et les jeunes de nos campagnes n’avaient plus ces bals du samedi soir pourtant si conviviaux qui permettaient, outre de créer de l’animation dans les villages, des rencontres et de tisser des liens entre jeunes de villages différents. Je ne sais si c’était le cas partout, mais dans le village où j’habitais et ceux où j’allais, Vayres, Izon, Camarsac, St Germain du Puch, Créon parfois etc. on s’amusait bien sans avoir besoin de casser quoi que ce soit ni de brûler des voitures.

  4. J.J.

    Ah ! l’orchestre Marcel Debernard !!!!

    Quand on organisait un bal (j’ai participé à pas mal « d’organisations « ) et qu’on pouvait se payer Marcel Debernard, c’était le « must »,comme on ne disait pas encore à l’époque, c’était le succès assuré, la classe….
    J.J., un ancien du temps perdu des baluches ….

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