Le revenu de solidarité active (RSA) change de modalités d’application en ce début d’année 2025. Son versement sera lié à un maximum de 15 heures d’activités visant à favoriser un retour vers l’emploi avec un doute encore sur le fait que les personnes handicapées ne seront pas exclues de cette obligation. Certaines des mesures prévues par la loi dite sur le plein emploi sont en fait déjà en vigueur depuis le 1er janvier. L’une des plus spectaculaire concernera l’inscription automatique des bénéficiaires du RSA (les allocataires et leurs proches) à France Travail. En théorie, c’est la promesse d’un meilleur accompagnement vers l’emploi ou en parcours d’insertion mais en pratique, c’est encore beaucoup d’incertitudes, en particulier sur les sanctions possibles en cas de non-respect des engagements par les personnes accompagnées.
L’inscription sera automatique et France Travail dont on connaît déjà les difficultés de fonctionnement pour prendre en charge les chômeurs verra débouler sur ses fichiers plus d’un million de personnes. Alors que le chômage remonte, que l’activité économique baisse, que les associations traversent des difficultés financières cet afflux devra être digéré par une structure n’ayant aucune expérience de ce genre de public. L’étude individuelle en Gironde par exemple de plus de 40 000 situations différentes et souvent complexes nécessitera c’est certain des mois. En effet la loi fait obligation d’effectuer le diagnostic socioprofessionnel immédiatement. Sur quelles bases ? A quel rythme ? Où ? On a vite trouvé la solution : c’est un algorithme qui s’en chargera après un questionnaire…
Un élément important devra être pris en compte. Toutes les personnes qui ont un brin d’expérience de ces publics savent que deux phénomènes pèsent sur la situation des ressortissants du RSA : la santé et la mobilité. Deux paramètres que l’algorithme aura bien du mal à identifier à leur juste niveau. Bien des personnes ont du mal à revenir ou à entrer dans l’emploi en raison de troubles physiques ou psychiques plus ou moins soignés. Les structures d’insertion doivent en effet souvent traiter des problèmes d’addictions ou de handicap avant de penser remettre les gens qu’elles ont en charge sur le chemin d’un emploi. C’est un accompagnement indispensable que France Travail aura bien du mal à réaliser.
L’autre constat effectué par les membres des associations gestionnaires de l’insertion met en évidence les difficultés de déplacement rencontrées par les gens au RSA. Pas de moyens individuels ou pas de possibilités de mobilité collective permettant de se rendre sur un lieu d’activité. Il sera aisé pour l’intelligence artificielle de programmer des heures d’activités sans référence avec les moyens nécessaires pour s’y rendre. Les allocataires des zones rurales sans structure de suivi médical et sans transport collectif fiable seront une fois encore pénalisés. Je connais des structures dont les responsables doivent transporter chaque matin avec leur véhicule les « salariées » dont ils ont la charge car autrement elles ne pourraient pas se rendre au boulot. C’est une réalité vérifiable.
Un million de personnes de tous les âges, de tous les niveaux socio-culturels, dans toutes le situations de précarité (logement surtout) qui normalement bénéficieront dans quelques semaines d’un entretien avec des professionnels de l’accompagnement pour construire un contrat avec les allocataires actuels ou à venir. Il est en effet prévu d’ adapter au mieux le nombre d’heures d’activité à leur situation. Une dispense pourrait aussi s’appliquer. Autre exception promise : celle accordée aux aidants, notamment de personnes en situation de handicap, qui devraient se voir exemptées de ces heures d’activité.
En fait même si un quota d’heures est proposé il faudra trouver le lieu d’accueil et d’accompagnement pour que cette obligation favorise le retour à l’emploi. Ces activités peuvent être des formations pour développer de nouvelles compétences, des stages ou des immersions en entreprise. D’autres activités peuvent être valides, comme l’obtention du permis de conduire ou la participation à des activités associatives. ces heures ne pouvaient être « du travail bénévole réalisé en dehors du cadre du Code du travail » (sic). Bon courage. Comme le veut une tradition française il y aura bien des exceptions à la règle. Les expérimentations menées mettent en évidence que dans la majorité des cas la santé est celle qui est la plus souvent invoquée pour justifier un contrat sans heures de travail.
Le contexte économique qui se dégrade, l’absence de budget de l’État et les restrictions qui pèsent sur les collectivités locales ou les organismes publics comme France Travail relativisent l’effet de cette réforme déconnectée encore une fois de la situation réelle du pays.
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Beau travail de technocrates complétement coupés de la réalité, mesures parfaitement démagogiques et comme un retour à l’esclavage.