S’il est une constante qui traverse tous les pays, c’est bien le fait que dans les rapports entre la justice et les puissants qui y sont confrontés, elle est toujours injuste à leur égard. Même si souvent ce sont les mêmes qui réclament une sévérité accrue pour les autres, ils expliquent à qui mieux mieux que pour eux le verdict est partial, manipulé ou exagéré. Et c’est valable partout sur la planète puisque bien des « maîtres du temps » considèrent qu’ils sont au-dessus des lois qu’ils ont parfois rédigées ou au moins votées. Cette tendance se répand comme une tache d’huile : les juges ont trop de pouvoir et ils l’utilisent à mauvais escient contre les gens possédant une certaine notoriété.
La Cour pénale internationale créée il y a un peu plus de 20 ans a recueilli le soutien de 123 états pour effacer le fait que toutes les juridictions qui avaient eu à juger des crimes liés à une guerre avaient été mises en place par les vainqueurs. Permanente, et à vocation universelle, chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d’agression, et de crime de guerre. La Cour inscrit également son action dans une dimension préventive et dissuasive : l’objectif est de responsabiliser les individus, qu’il s’agisse d’autorités civiles ou militaires. Son indépendance lui permet de lancer des enquêtes sur malheureusement des comportements aux conséquences terribles pour les peuples.
Certaines Organisations non gouvernementales et la CPI s’intéressent à eux qui sont réprimés, torturés, écrasés ou détruits par de plus en plus de fous destructeurs. Il n’y a que très peu de ses décisions qui sont acceptées par les dirigeants civils et militaires incriminées. Comme la Russie, les USA, la Chine, l’Inde n’ayant pas signé les actes officiels de créations du Tribunal Pénal International ils manœuvrent à leur guise en refusant toute mise en cause de leurs dirigeants et même de leurs affidés.
Récemment la chambre de première instance du TPI a condamné sans que personne ait émis la moindre réserve Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud à 10 ans d’emprisonnement à la suite de charges portées à son encontre concernant des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis entre début mai 2012 et le 29 janvier 2013, à Tombouctou, dans le nord du Mali. Plus de 10 ans d’enquêtes et de procédures pour des faits dont on a oublié l’existence. Il pourra faire appel de la décision et sera si la décision est confirmé emprisonné dans un pays désigné pour l’accueillir. Rien. Pas un commentaire.
Par contre quand la Cour émet officiellement des mandats d’arrêts contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la défense Yoav Gallant pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis dans la bande de Gaza occupée c’est l’indignation sélective dans trop de pays. Or un mandat d’arrêt a également été émis contre le chef de la branche armée du Hamas, Mohammed Deïf pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis à partir du 7 octobre 2023. Il s’agit d’une décision majeure qui rappelle que personne n’est au-dessus du droit international, qui doit être désormais appliquée. Enfin on peut y croire dans ce monde où l’ONU est un « machin » inefficace et tout les consciences sont anesthésiées.
Sur les 56 mandats délivrés depuis la création de la CPI en 2002, seuls… 21 ont été exécutés. Benyamin Netanyahou le sait : se moquer des mandats délivrés par la CPI n’est pas impossible. Avant lui, d’autres chefs d’État ont été recherchés. Parmi ceux en exercice, c’est le Soudanais Omar el-Béchir qui a le premier défié ouvertement la Cour, en se rendant notamment en Égypte, signataire du traité de Rome, alors qu’il était recherché. Destitué depuis, il reste au Soudan, où les autorités actuelles, malgré leurs promesses, ne l’ont toujours pas livré à la CPI.
Sous le coup d’un mandat similaire depuis mars 2023 pour crimes de guerre en Ukraine, le président russe a certes dû revoir ses déplacements. Il a renoncé à se rendre au sommet des Brics à Johannesburg ou plus récemment au G20 à Rio. Mais en septembre, il s’est ouvertement moqué de la justice internationale en se faisant accueillir avec les honneurs en Mongolie, coincée entre la Chine et la Russie, deux pays qui ne reconnaissent pas la CPI. La Mongolie, toujours sous influence soviétique, a préféré rompre son engagement juridique face à la CPI que de décevoir son puissant voisin. Les missiles intercontinentaux sur les populations continueront donc à pleuvoir et les bombes à écraser Gaza. Ainsi va le monde et sa justice.
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Aucun commentaire, sujet trop polémique malgré l’incontestabilité des faits, et certaines honteuses prises de position et accusations indéfendables : torde la vérité et l’évidence
Bonjour,
et oui sujet difficile à traiter sur le fil du rasoir, la justice internationale tombe sous le poids des mots détournés de leur sens en fonction de l’interlocuteur. C’est ce qui s’appelle glissement sémantique, procédé linguistique naturel par lequel un mot change progressivement de sens à mesure que les locuteurs l’utilisent et le comprennent comme désignant quelque chose de légèrement différent du désigné précédent. C’est ainsi que le mot complot(iste) est entré dans l’histoire par plusieurs glissements sémantiques. Ainsi l’expression « conspiracy theory » (« théorie du complot ») a été popularisée dans les années 1960 par la CIA pour discréditer ceux qui remettaient en question les conclusions de la Commission Warren, chargée d’enquêter sur l’assassinat du président Kennedy. Noam Chomsky spécialiste des médias avance : « à mon avis, » théorie du complot » est devenu l’équivalent intellectuel d’un mot de cinq lettres. C’est quelque chose que les gens disent quand ils ne veulent pas que vous réfléchissiez à ce qui se passe vraiment ».
Il arrive aussi qu’une institution juridique considère un « complot » comme étant à l’origine d’événements historiques d’une certaine ampleur : au procès de Nuremberg, le chef d’accusation no 1 contre les responsables nazis était « plan concerté ou complot » (tandis que « crime contre la paix », « crime de guerre » et « crime contre l’humanité » étaient les chefs d’accusation nos 2, 3 et 4).
Je constate que dans votre billet du jour JMD a contourné l’obstacle du glissement sémantique en évitant de citer les arguments du premier ministre d’Israël. Le Premier ministre Netanyahou a réagi à la décision de la CPI en déclarant qu’il s’agissait d’un acte « antisémite » visant à « dissuader Israël de se défendre ».
Le glissement sémantique s’opère actuellement en établissant une équivalence entre deux mots différents.
Pour résumer à grands traits, l’antisémitisme est, selon les mots du journaliste et historien Dominique Vidal, « la haine des juifs, qui s’exprime sous des formes très diverses ». Une forme de racisme donc, envers une religion et non une ethnie.
L’antisionisme, en revanche, est, toujours selon Dominique Vidal, « la critique d’une pensée politique, celle de Theodor Herzl », inventeur du concept à la fin du XIXe siècle, qui vise à établir un État juif en Palestine. Il peut s’agir alors de critiquer la politique menée par l’État d’Israël et son expansion territoriale, ou bien de considérer l’existence même du pays ou ses frontières comme critiquables ou illégitimes. Racisme d’un côté, opposition doctrinale de l’autre, donc. Mais les deux termes tendent de plus en plus à se lier. En juillet 2017, Emmanuel Macron lançait ainsi : « Nous ne céderons rien à l’antisionisme, car il est la forme réinventée de l’antisémitisme », lors de la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv’.
Pour autant, et c’est ce qui crée de la confusion, l’antisionisme politique, celui qui se rapporte strictement à l’État d’Israël, ne doit pas être menacé : « On doit pouvoir continuer à critiquer la politique de l’État d’Israël », tempère le député de Paris Sylvain Maillard (Renaissance), ancien président du groupe d’études sur l’antisémitisme de l’Assemblée nationale.
Source Le MONDE 31 octobre 2023 « Antisémitisme : aux origines du glissement de vocabulaire de « juif » à « sioniste » »
« Les mots ont toujours plus de pouvoir que le sens. » (Joseph Conrad).
Bon repos de fin de semaine