La tombe très discrète de Bernard Barthes abrite un aventurier des mers qui a participé à l’exploration de terres méconnues et a traversé les pires moments. Suite de son périple autour du monde.
Gabier sur la corvette Uranie, Bernard Barthes, au fil de son périple sur les océans du globe sauvera la vie de deux naufragés promis à une mort terrible dans les flots. Il gagnera l’estime de tout l’équipage par son courage et son esprit solidaire. En fait après de longs mois passés à explorer les îles de la Sonde, tous les archipels isolés du pacifique et une escale en Australie, de Freycinet décida de regagner la France par le mythique Cap Horn. Tout allait pour le mieux. Partout l’accueil avait été convenable ou parfois exceptionnel. Les cales étaient pleines de trouvailles inédites et tous les savants à bord savouraient à l’avance leur arrivée devant les académiciens de tous tricornes. Il leur restait encore bien des épreuves.
Après avoir doublé la pointe méridionale de la Nouvelle- Zélande, le 20 janvier 1820, et reconnu la Terre de Feu, l’ Uranie se dirigea vers la baie de Bon Succès dans le détroit de Lemaire. A peine y eut-elle mouillé, qu’une tempête furieuse s’éleva et la fit dériver. « Chaque homme cramponné à un cordage était plus souvent sous l’eau que dessus ? A qui obéir, quand tout commandement devenait inutile? L’Océan, tantôt sombre comme les ténèbres, tantôt éclatant comme un incendie, n’était plus un ennemi contre lequel il fallût tâcher de lutter. C’était un maître, un dominateur devant qui nous n’avions -plus qu’à courber la tête. A chaque secousse de sa colère nous croyions que c’était toujours le dernier cri de sa menace, et lorsque, après avoir été lancés dans l’abîme, nous nous trouvions encore debout, nous ne tardions point à voir s’avancer une vague nouvelle, qui. nous enlevait comme un flocon d’écume pour nous vomir plus tard contre une vague rivale. »
Les gabiers dont Barthes au péril de leur vie continuent à monter au sommet des mats pour tenter de percer l’obscurité… « Nous étions sans puissance, sans volonté, attendant qu’une dernière secousse finît nos angoisses ou qu’une lame nous engloutît dans son passage. Un matelot se précipite ; c’était Oriez, déporté échappé du port Jackson; seul de tout l’équipage, il avait osé grimper et interroger l’horizon. il nous fait signe que la terre est là, là, devant nous, qu’il l’a vue, et qu’elle va nous briser. C’est notre dernière heure. »
Barthes confie : « Chacun de nous cherche à voir, à la lueur des éclairs, si en effet la terre que nous croyions longer est bien là pour recevoir nos cadavres; on croit, la voir, on croit la reconnaître à la lumière de la foudre. C’en est donc fait, et la mort nous saisit au milieu de l’ouragan. On essaye de manœuvrer, de jeter à l’air un bout de voile : la voile n’est plus qu’une charpie. Adieu donc à la vie qui nous échappe car voilà une ligne blanche devant nous, sur laquelle nous courons sans pouvoir l’éviter. »
La corvette lourdement chargée tient bon dans une gigantesque tempête. Le récit se pourrsuit ainsi : « alors une lame immense nous prend sous la quille et nous fait traverser l’obstacle sans le toucher. Qu’était-ce donc? ,.. C’étaient des vagues rudes comme des montagnes. Cependant la colère des flots et celle des vents étaient loin de s’apaiser ; mais le navire,, déjà vainqueur de tant d’horribles ébranlements, semblait ne vouloir pas encore se lasser de la lutte, et de temps à autre redressait sa tête orgueilleuse (..) Parfois aussi une teinte bleue, douce comme un sourire, jetait l’espérance dans nos cœurs, et la régularité de la marche des masses vèsiculaires qui roulaient vers l’horizon et passaient à notre zénith rapides comme l’éclair, nous disait que la colère de la nature était une colère dans l’ordre des événements, et qu’il ne fallait plus maintenant que de la persévérance pour en triompher. »
L’Uranie finit par échapper à cet enfer et de Freycinet décide compte-tenu de l’état de la corvette et de son équipage de se diriger vers les Malouines pour s’abriter et reprendre des forces. Barthes a tenu son poste avec une solidité exemplaire. Il sera donc nommé quartier-maître ! Alors que le navire était tiré de ce mauvais pas il était déjà arrivée à la hauteur des Malouines, quand tout à coup filant vent arrière, il vint se heurter contre une roche sous-marine qui l’arrêta court. C’était le 14 février 1820; la secousse fut si violente, que tous les hommes de l’équipage en furent renversés, et qu’en se relevant, ils coururent instinctivement aux pompes. Malheureusement leurs efforts ne pouvaient rien contre le mal qui venait d’être fait : l’eau entrait avec trop d’abondance par la blessure faite au flanc de l’Uranie pour qu’il pût être sauvé. On le tenta néanmoins; pendant douze heures, cent hommes vigoureux se relayèrent aux pompes, et ils semblaient, pleins d’espoir, quand le maitre de l’équipage, pôle, défait, apparut au milieu d’eux.
« Enfants cria-t-il, n’épuisez pas inutilement vos forces tout est perdu ; nous avons six pieds d’eau dans la cale. Avant qu’une demi-heure se soit écoulée, le navire aura sombré ! »
(à suivre)
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Je reprends mon commentaire d’hier : « Pourquoi se fatiguer à inventer des récits fictifs tant qu’ on n’a pas épuisé toutes les chroniques de l’histoire ? »
Les aventures du quartier maître Barthe nous tiennent toujours en haleine.