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Le jour où ma vocation de chasseur a eu du plomb dans l’aile

A force de lire et relire « La Gloire de mon père » j’avais acquis la certitude que la chasse avait permis à Marcel de se rapprocher du monde des adultes. Que ce soit avec Lili des Bellons ou dans le sillage des adultes il avait découvert le plaisir de la promenade dans la nature pour y traquer un gibier proportionné aux ambitions des chasseurs. La quasi-totalité des hommes du village de Sadirac possédait le fameux permis permettant de tenter de ramener essentiellement des grives, des cailles, des palombes, des lapins, des lièvres ou ces gibiers d’élevage lâchés la vielle du fameux jour de l’ouverture. Les récits des jours de l’ouverture enflammaient le comptoir du bar du village et alimentait avant l’arrivée des cèpes le livre des records sadiracais. 

Bien entendu dès que j’eus seize ans je prétendis au statut de chasseur pour le jour où une bombe agricole annonçait dans le village l’ouverture. La seule volonté de rejoindre les troupes arpentant dans les première rosées automnales, les prairies sadiracaises suffisait pour obtenir le précieux sésame. Cette opportunité de se prendre pour un tireur d’élite avait été précédée d’un apprentissage de « braconnier » beaucoup plus subtil.

Notre grand-père disposait d’une vaste panoplie de pièges à ressort nous permettant de nous roder à la « récolte » de divers passereaux occupant les fourrés ou les haies. Ces instruments devaient être installés avec soin et discernement sur les branches , les piquets de vignes où les oiseaux étaient supposés se poser ou se reposer. Il fallait observer les habitudes des « culs blancs » ou des « batales » pour repérer ces perchoirs naturels incontournables.

La venue des orages étaient signalée par la migration par les airs des fourmis ailées. C’était le meilleur moment pour dans une boite ou un bocal d’en récupérer le maximum sur le sol ou sur les murs pour constituer une réserve d’appâts potentiels. Il fallait faire vite avant que les premières et lourdes gouttes s’écrasent sur le sol et aller disposer la batterie de pièges ad-hoc.

Ces derniers ligaturés au bout d’une branche et dotés sur leur pic central d’un insecte volant disposé avec délicatesse afin qu’il se tortille le plus longtemps possible, étaient relevés dès le lendemain matin. Le nombre limité de dispositifs à ressort, l’inexpérience des poseurs ou la méconnaissance des lieux propices à cette chasse prohibée, faisaient que le nombre de prises était extrêmement réduit.

Avec un brin d’imagination le poseur de pièges pouvait se prendre pour un trappeur, ce qui donnait tout son piment à ces pratiques désormais formellement interdites. Mon oncle, dès son retour de sa tournée de facteur estivale se consacrait avec talent à cette pratique mesurée de la chasse. Les retraités avaient tous leurs lieux favoris dont souvent leur jardin qu’ils occupaient aux bons moments et de manière intermittente afin de ne pas se faire repérer.

Avec mon frère nous avions envie de passer au statut supérieur d’utilisation d’une arme. Le travail de l’été nous permit d’acheter deux carabines calibre 12 chez l’armurier créonnais, Monsieur Robert. Nous étions très fiers de cette acquisition qui s’accompagna de celle du matériel nécessaire pour les « bichonner ». L’achat des munitions ne constitua jamais le budget le plus important compte tenu du fait que nous n’étions que des tireurs très occasionnels. Au bout de quelques semaines, nous avions décidé de fabriquer nous-mêmes nos munitions.

Une décision importante car elle nécessitait la confiance de nos parents et plus encore un degré d’autonomie et de responsabilité que nous nous efforcions d’obtenir. La description de Pagnol convenait parfaitement comme mode d’emploi de la poudre, des plombs, des bourres grasses et du sertisseur fixé au rebord de la table. Le seul véritable dosage consistait dans le choix de la grosseur des plombs. Pour le jour de l’ouverture la réserve était largement suffisante.

Avec Hoopie, un épagneul breton fantasque nous nous sommes lancés sur la trace des perdreaux, des faisans ou des cailles… Une matinée harassante qui se solda par une absence totale de tirs avec en corollaire un énorme sentiment de frustration. Le chien vivait sa vie loin de nous levant un gibier hors de portée et nous regardant extrêmement déçu de ne pas entendre de détonations.

Au cours de mes quelques mois de Mermod d’opérette je n’eus qu’un opportunité d’approcher un faisan égaré Il se promenait sereinement dans les rangs de la vigne proches de la Mairie… Je me ruais vers la carabine calibre 12 pour découvrir que nous n’avions plus de munitions puisque notre motivation était en berne.

Je récupérais à la hâte le matériel pour fabriquer une cartouche avec une bonne dose de poudre d’autant plus inutile que les plombs manquaient. Je récupérais ceux de la boîte de pêche… Un coup de sertisseur et je courus vers le gibier que je voyais déjà dans la gibecière que je n’avais pas. Arrivé sur place, j’avançais à la manière d’un Sioux traquant les bisons pour constater que le faisan avait fait la malle. Je renonçais définitivement à la chasse !

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Cette publication a un commentaire

  1. A. Blondinet

    Sais-tu que Ducrottin a débuté comme chasseur? Non pas alpin, car il était zouave si j’en crois Nono et M. Robert, mais chasseur à Sud-Ouest comme d’autres l’étaient à l’hôtel Hilton? Un chasseur sachant tchatcher. Un groom. Un garçon de… courses pour tout dire, qui se cachait derrière le pseudonyme de Mystero.

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