Le jour où la mutation de la médecine arrivera n’est pus très lointain. François exerce déjà depuis quelques décennies comme dermatologue et il regarde l’évolution de sa spécialité avec une certaine inquiétude. « Nous sommes de moins en moins nombreux avec des motivations bien différentes dans l’exercice de la profession. Certains consacrent par exemple toute leur activité à l’esthétique et ne prennent plus de clients nécessitant d’autres soins. Récemment j’ai reçu un appel d’une vigneronne girondine ayant un mélanome qui virait mal et qui avait appelé une dizaine de confrères ayant répondu qu’ils ne prenaient plus de patients. Pour moi ce phénomène explique l’évolution des cancers pris trop tard ». Il comprend ses consœurs et ses confrères mais son constat reste pessimiste.
« Avec le numerus clausus les politiques ont cru bêtement qu’en diminuant le nombre des praticiens ils feraient baisser le nombre d’actes médicaux. Il faudra de longues années avant de s’en remettre. La demande a augmenté, les maladies deviennent plus graves car elles sont détectées plus tard, des facteurs environnementaux et professionnels aggravent les situations et à l’arrivée ça coûte plus cher car la durée des soins et leur niveau de prise en charge ne cessent d’augmenter. Je vois bien quels sont les délais pour obtenir un rendez-vous chez moi ». Tous les jours dans les conversations les délais d’accession aux cabinets de ville font augmenter la grogne chez les personnes malades.
« Quand vous pensez qu’une ville comme Libourne n’a plus qu’un seul dermatologue et que bientôt il n’y en aura plus dans un secteur géographique où les maladies liées au travail dans les vignes s’accroît je ne sais pas comment ça va se passer. En plus, et je ne critique pas mais les modes de vie, les aspirations, la vision du métier ont beaucoup changé. On ne retrouvera plus des spécialistes volontaires pour s’installer loin des zones métropolitaines. C’est ma certitude. » François annonce une crise grave d’inégalité vis à vis de soins.
Pour lui ces phénomènes ont été aggravés par le système d’études pour accéder au titre de spécialiste. « Autrefois il y avait le concours très difficile de l’internat complété par la possibilité après quatre ans d’études complémentaires d’obtenir des certificats. Cette filière augmentait le nombre des médecins spécialistes sans que leur qualité soit remise en cause. Toutes celles et tous ceux qui ont effectué leurs études au début des années 1980 (et ils sont nombreux) partent les uns après les autres à la retraite ». La situation est donc devenue très critique avec un effet ciseau qui s’annonce à cour terme. Le nombre de demandes augmente et le nombre de praticiens diminue.
Les cancers de la peau pourraient en effet constituer dans les prochaines années le cancer le plus fréquent en France. Attribuables dans plus de 85% des cas à une exposition excessive aux ultraviolets (UV) naturels ou artificiels leur nombre évolue entre 141 200 et 243 500 cas diagnostiqués en France. Ce constat s’applique à bien d’autres spécialités. Inutile d’évoquer la situation des médecins dits de famille qui se raréfient aussi dans bien des secteurs. Les semaines et les mois passent et rien ne change vraiment. L’avenir ? François en a une approche très étonnante.
« Un jour qui approche il y aura des cabines médicales dans les centres commerciaux ou d’autres lieux reliées à un centre ressources dotée de l’intelligence artificielle. En entrant elle prendra la température, la tension, le rythme cardiaque. Vous pourrez photographier la partir de votre corps malade et elle effectuera un diagnostic. Soit elle considérera que vous n’avez rien de grave soit elle vous dirigera vers un spécialiste. C’est vrai que l’IA peut améliorer considérablement un diagnostic ou en confirmer un mais ce n’est pas la solution idéale dans tous les domaines. » Selon lui les grandes entreprises préparent déjà ces lieux qui s’amélioreront au fil de l’évolution des technologies : « le marché est très rentable et ces avis médicaux n’auront rien d’officiel et donc ne seront pas remboursables. Tout le monde y gagne ! »
François, le docteur continue à travailler à l’ancienne. La semaine du 15 août il est à son cabinet et il tente de caser des rendez-vous de patientes ou de patients venant parfois de très loin. « Je vais vous faire un aveu : j’aime bien travailler et au bout d’un certain temps les vacances me pèsent. » Il enchaîne les rendez-vous. Il arrivera pourtant un jour où sonnera l’âge de la retraite. Sa succession ? Il n’y pense pas même s’il sait qu’elle sera difficile car son cabinet ne se trouve pas sur la métropole et c’est déjà devenu un handicap. En plus sa patientèle très importante sur un vaste territoire rural risque bien de rebuter les rares repreneurs ! Alors les cabines médicales ? Vous y croyez ?
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Effectivement Jean Marie la situation est grave.
Personnellement j’ai subi 2 interventions bénignes mais urgentes à quelques années d’intervalle.La première à Robert Piquet J’avais été opéré le lendemain du diagnostic,et suivi annuellement.Le service a fermé…..!
J’ai donc consulté un cabinet de la rive droite où j’ai été opéré du nez cette fois-ci en 2021,greffe nécessaire.
Le suivi a été fait jusqu’en 2022.En 2023 je me rends au cabinet pour un contrôle annuel.Accueil très froid,ma dermato passablement débordée m’informe que le cabinet reçoit 1000 appels par jour,qu’elle ne peut plus assurer un suivi annuel,une dermato ayant quittée le cabinet,qu’i n’y a plus de dermato et que son patron cessera un jour son activité;
Donc « adressez-vous à votre médecin traitant qui jugera de l’utilité » d’un RDV!!!!!