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Les exploiteurs sachant exploiter pour leurs biens

« Nouvelle affaire de trafic d’êtres humains dans le vignoble bordelais » Tel est le début d’un article de Sud Ouest qui met en lumière des comportements d’exploiteurs de l’immigration. Au moment où ces lignes sont écrites il n’y a guère de prise de position dans le milieu politique sur ce sujet ou elles sont tellement discrètes qu’elles sont introuvables.Bien entendu sur les chaînes à plateaux avariés, sur les radios pour grandes gueules et même sur le service public national cette information répétitive sur les réalités du monde viticole n’ont pas leur place. Pensez donc un peu la misère, la traite d’hommes non payés et logés dans des taudis, ne correspondent aux choix éditoriaux en cours. Aucun des leaders politiques qui se succèdent devant les caméras ou les micros ne sera intérrogé et donc inquiétés sur ces réalités.

Les organisateurs marocains de cette exploitation de la misère humaine ont été interpellés et passeront en justice le 10 juin prochain. Ils effectuaient leur juteux trafic depuis déjà pas mal de temps. Ces « ouvriers » agricoles interviennent dans des vignobles dont on ne connaît pas les noms alors que leur responsabilité dans l’entretien de ces filières relève de leur responsabilité. Il serait intéressant de savoir comment les fournisseurs de main d’œuvre étaient rémunérés par les exploitants. Facture ? Chèque ? Liquide ? A quel tarif ? Avaient-ils sollicité les déclarations sociales de la part de leur fournisseur d’intervenants à bas coûts ? 

La crise actuelle du monde du vin excuse probablement ces manquements. N’empêche qu’il ne faut pas effectuer de grandes enquêtes pour savoir que les travaux dans les vignes ne déclenchent pas des surveillances très nombreuses. Le recours aux entreprisses de services avec un prix forfaitaire à l’hectare ou au ceps, ne nécessite pas une vérification réelle de la situation des travailleurs présents. « Je ne vois rien, je n’entends rien, je ne vois rien je paye » et c’est déjà pas mal. Il est certain que des centaines de ces « ouvriers agricoles » ne sont pas déclarés mais on ne va pas réveiller les tracteurs.

« C’est assez facile m’a récemment expliqué un jeune qui rassemble des volontaires divers pour « tirer les bois », « plier les astes », « épamprer » ou « effeuiller » le moment venu. «  J’en déclare trois et j’en mets au travail six. Qui va cerner une pièce de vignes de plusieurs hectares pour contrôler tôt le le latin et même parfois tard le soir les personnes dans les rangs. Et s’il y avait un contrôle je sera appelé. J’ai des contrats signés en blanc sans nom pré-signés que j’apporterai sur le terrain! » Il faut donc une plainte pour qu’une enquête débute. Le parquet de Libourne a pris la dimension de ces pratiques et à mis la pression dans le milieu de la viticulture.

Plutôt que de renforcer les conditions d’emplois des salariés saisonniers ou permanen ts, la loi sur l’immigration adoptée dans la douleur mardi 19 décembre 2023 par l’Assemblée nationale prévoit de durcir les conditions d’accueil des personnes étrangères. Le manque de main d’œuvre est permanent et ne date pas de ces dernières années. Rien n’a changé depuis un siècle : Italiens, Espagnols, Portugais, Marocains, Roumains, Bulgares et bien d’autres nationalités se sont succédées dans les vignes des « saigneurs ».

Il y a un mois Sud Ouest soulignait que le tribunal de Libourne avait prononcé une peine de trois ans de prison dont deux avec sursis en mai 2023 à l’encontre d’un Marocain possédant deux entreprise de prestations de service dans les vignes du Grand Libournais. Il avait été reconnu coupable de traite d’êtres humains à l’égard d’étrangers. D’autres dossiers avaient suivi puisqu’en octobre 2023 sept personnes ont été arrêtées pour le même motif et, début 2024, deux grosses affaires ont été renvoyées à l’automne pour des raisons de procédure.

Lorsque vous boirez une bonne bouteille de vin de Bordeaux, rappelez vous tout ce qui est déversé sur le travail des enfants à l’étranger, sur les conditions de fabrication de produits venant de pays lointains, sur le rôle des immigrés dans notre économie. Sommes-nous très différents ? Le paradoxe c’est que le 9 juin ce sont les secteurs ruraux de la Gironde qui apporteront un soutien massif aux idées les plus néfastes à l’égard de ces immigrés qui permettent encore aux grands propriétaires de survivre.

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Cette publication a un commentaire

  1. Philippe CONCHOU

    Quand on vit comme moi au milieu des vignes, qui plus est en hauteur (j’ai vu sur quelques dizaines d’hectares), et ce depuis 30 ans, j’en ai vu défiler des troupes de travailleurs des vignes.
    Au début on les voyait surtout le week-end (pas de risque de contrôle), maintenant c’est à longueur de semaine puisque personne ne contrôle.
    Le monde du vin est depuis toujours un monde d’exploiteurs.
    Un des mes voisins maintenant dcd, s’est apercu , en voulant solder sa retraite, qu’en 50 ans chez le même patron, il n’avait jamais été déclaré.
    D’origine espagnole, sachant ni lire ni écrire, il ne s’était aperçu de rien.
    Il n’y a pas si longtemps, avant (et même après) la guerre, les « domestiques  » avaient droit à un logement dont on peut imaginer le luxe, un bout de jardin, et les bois de taille pour se chauffer…. c’est tout!

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