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Des listes électorales déconnectées de la réalité sociale

Le système électoral français mériterait une refonte complète en tenant compte des constats effectués sur les participations aux scrutins nationaux et même depuis quelques années, locaux. Il n’est absolument plus adapté aux modes de vie moderne et il contribue à fausser la perception qu’à l’opinion dominante de la vie démocratique. Il n’y pas un seul politologue qui n’annonce pas par exemple un désastre aux élections européennes avec beaucoup moins d’un Français sur deux qui se rendra aux urnes. L’indifférence en est la première cause. Le rejet de la vie politique en est la seconde. La sensation que le vote ne sert plus à rien achève le triptyque. L’abstention est devenu le parti le plus important en France. Et il le restera tant que rien ne changera.

Il y a longtemps que la fameuse phrase d’Abraham Lincoln voulant qu’ « un bulletin de vote est plus fort qu’une balle de fusil » n’a plus sa signification originelle. Au fil des élections l’expression dans les urnes est devenu en France essentiellement une manifestation de rejet d’une(e) candidat(e) et plus du tout une adhésion à un programme. On jette. On ne soutient plus. Le mode de calcul des résultats basés sur les exprimés masque totalement la réalité des votes. La non reconnaissance du vote blanc (et pas du vote nul) accentue ce décalage entre la représentativité d’un résultat et la perception que les médias en donne. Une première réforme serait de publier les scores en pourcentage sur les inscrits ! Ce serait moins flamboyant et plus honnête.

Le gros problème réside dans les inscriptions sur les listes électorales dont le système repose sur le domicile. Dans une période sociale où la mobilité s’accentue cette notion disparaît. Pour le travail, pour les études, pour des séparations familiales les électrices et les électeurs perdent tout lien avec leur premier lieu d’inscription. Selon l’Insee 7,7 millions de Français étaient, en 2022, inscrits dans un bureau de vote différent de leur résidence principale – soit 16 % du corps électoral (48,9 millions d’électeurs). Parmi eux, beaucoup d’étudiants ou de jeunes travailleurs qui ont effectué une mobilité récente ; 39 % des 18-25 ans seraient ainsi mal inscrits.

En effet, le système ne prend pas en compte cette réalité. Une personne qui quitte une ville (c’est le pire) ou une commune doit être radiée de la liste électorale par une commission composée d’élus et de citoyens cooptés pour ne pas y demeurer alors qu’il habite parfois à des centaines de kilomètres. Comme la loi a supprimé la déclaration effective de domicile (mesure qui éviterait des milliers de fraudes) la personne ne connaît pas sa situation réelle. Il lui faut effectuer une démarche volontaire sur la collectivité territoriale de son domicile pour être inscrit et par conséquent radié de celle qu’il a quitté parfois depuis des années. S’ils sont rayés et que personne ne connaît leur nouvelle adresse ils ne sont pas prévenus et se retrouvent sans inscription.. Résultat, volontairement ou involontairement ce sont près de 3 millions d’adultes qui sont inscrits nulle part.

On arrive donc à quasiment 11 millions de Françaises et de Français considérés comme abstentionnistes alors qu’ils sont dans l’impossibilité matérielle de voter. La mal-inscription touche toutes les différentes classes d’âge, toutes les catégories sociales étant concernées par des changements réguliers de résidence : étudiants, jeunes cadres du privé, nouveaux retraités, travailleurs en reconversion dans un autre secteur… Au total la bagatelle de 21 % du corps électoral ne peut pas dans les faits s‘exprimer ce qui relativise considérablement le volume des véritables abstentions volontaires. Si l’on prend le nombre de personnes qui par exemple n’ont pas voté aux premier tour des présidentielles de 2017 il est de 10 578 455 électrices et électeurs. Un nombre qu’il faut comparer à ceux des non ou mal inscrits.

Dans le journal l’Humanité une chercheuse universitaire souligne que « c’est un vrai sujet démocratique. En 2022, la majeure partie des abstentionnistes constants, c’est-à-dire ceux qui n’ont voté ni à la présidentielle ni aux législatives, que ce soit au premier ou au second tour, sont des mal-inscrits. Ce n’est pas le seul moteur de l’abstention, mais c’est un facteur aggravant, surtout dans des élections qui mobilisent moins, comme les européennes. » Qui se préoccupe vraiment de cette situation alors qu’elle montre les limites d’un système que l’on n’ose pas remettre en cause car il profite au monde politique puisque ses subsides sont calculés sur le nombre des voix exprimées… Les autres ils s’en moquent !

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Cet article a 6 commentaires

  1. J.J.

    « La sensation que le vote ne sert plus à rien achève le triptyque. » Et cette sensation est renforcée par des décisions, comme le fait de faire adhérer la France à la constitution européenne , malgré un rejet important exprimé par le corps électoral. Cette Sensation a encore été accentuée par la représentante de la très relative majorité, aux élections européennes, la flamboyante Valérie Hayer (plus réac qu’elle, tu meurs) qui a déclaré que même si les députés et sénateurs rejetaient le projet CETA, il serait appliqué quand même.
    Dans ce cas pourquoi se déplacer pour aller voter ? Vous avez dit démocratie ? Comme c’est bizarre. Comme c’est drôle .

    « On jette. On ne soutient plus. » Ce principe a été vraiment mis en évidence au moment des élections présidentielles de 1969 où l’on a eu le choix entre Poher et Pompidou qui sont vite devenus le choix entre la Peste et le Choléra. Le choix s’est élargi, on a maintenant en plus la Covid, mais ça ne change pas grand chose.

    Fidèle aux principes que m’ont inculqués mes maîtres de l’École Républicaine, je vais toujours voter pour exercer mon droit et mon devoir de Citoyen, tout en sachant que c’est parfaitement inutile. Et souvent pour ne pas avoir à choisir entre la peste et le choléra, toujours présents, je mets un bulletin nul.

  2. facon jf

    Bonjour,
    en lisant votre billet, je le passe naturellement dans mon filtre préféré de communication, outil rustique qui consiste à dire:  » quand on veut faire quelque on cherche un moyen, quand on ne veut pas faire on cherche une excuse. ». Rechercher les causes de l’abstention dans les pas-inscrits ou les mal-inscrits, c’est essayer de cacher l’abstention derrière la bureaucratie. Vous voudrez bien m’excuser mais pour moi si il y a des erreurs ou des défauts dans les listes électorales c’est principalement le résultat de la négligence ou de la volonté des électeurs « super-abstentionnistes ».
    Mais alors quel serait le résultat si le vote était obligatoire et bien si l’on en croit l’étude réalisée par l’IFOP il y a 10 ans LE RÉSULTAT SERAIT LE MÊME ou très peu différent de l’ordre de 1 à 2 % en moins pour le FN ( RN) de l’époque.
    C »est aussi confirmé par l’IPSOS en 2022 qui déclare en expliquant les résultats  » Comme souvent, l’abstention est inversement proportionnelle au niveau de revenu : 23% d’abstention au sein des foyers qui disposent d’un revenu mensuel net supérieur à 3000€, 25% dans la catégorie 2000€ – 3000€, 29% dans la catégorie 1250€-2000€, 34% chez les plus défavorisés. La proximité politique confirme un différentiel de mobilisation favorable au Président sortant : 16% des électeurs qui avaient choisi Emmanuel Macron dès le premier tour en 2017 se sont abstenus cette année, pour 19% chez les électeurs 2017 de Jean-Luc Mélenchon et 21% dans l’électorat 2017 1er tour de Marine Le Pen. Parallèlement, ceux qui se déclarent « satisfaits à l’égard de leur vie » sont 23% à s’être abstenus, pour 29% chez les « pas satisfaits ». » .
    Le désintérêt de la chose électorale réside en fait dans la citation de Marc Twain disparu en 1910 « Si le vote faisait une différence, ils ne nous laisseraient pas le faire. ». C’est désespérant, j’en conviens, mais la grande majorité des abstentionnistes ou des non-inscrits sont convaincus que la démocratie n’est qu’une illusion.Certains vont plus loin encore et rejettent la société dans son ensemble renvoyant dos à dos les politiques et les structures sociales.
    J’entends dans mon entourage beaucoup de jeunes qui ne voient plus leur avenir en France, le malaise est profond.
    Notre prétendue démocratie se vide de sa substance sous l’action des politiques. « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». L’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est d’une clarté lumineuse. Dans une authentique démocratie, le peuple souverain est à l’origine de toutes les formes de pouvoir auquel il obéit, et il ne saurait voir l’exercice de sa souveraineté entravé par quelque instance ou par quelque norme que ce soit sur laquelle il aurait perdu tout pouvoir de contrôle ou de décision. Les engagements qu’il prend à l’échelle internationale dans le cadre de traités ou de conventions, pour contraignants qu’ils soient, ne sauraient avoir de caractère irréversible.
    Or de 1992 (Traité de Maastricht) à 2012 (Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance) en passant par 1997 (Amsterdam) et 2007 (Lisbonne), chaque étape de la construction européenne a placé un nombre toujours plus grand de domaines hors de portée de la délibération populaire.
    Lorsqu’en 2005, le peuple eut l’outrecuidance de s’opposer lors d’un référendum à la marche de cette Europe spoliatrice, en rejetant clairement, à 55 % des suffrages exprimés, le bizarrement nommé « Traité instituant une Constitution pour l’Europe », on lui fit comprendre qu’il avait agi en barbare et il fut tacitement décidé que cet exercice de démocratie directe sur un sujet d’une telle importance serait évidemment le dernier.
    On peut dire, cependant, que cette abstention possède une dimension civique ; elle exprime en creux le refus de la démocratie évidée et fragmentée à laquelle conduit la dépolitisation imposée depuis quarante ans par le néolibéralisme bruxellois. Ceux qui aujourd’hui croient pouvoir d’une manière ou d’une autre euthanasier la démocratie prennent le risque d’engendrer une conflagration qui mijote depuis 2005.
    bonne journée

  3. christian grené

    Comme eût dit Jacques Chirac: « ça m’en touche urne sans bouger l’autre ». Aux burnes, citoyens!

  4. Alain.e

    Je vote essentiellement parce que c’ est un privilège que tant d’ autres pays n’ ont pas , ce droit de voter , même si je m’ illusionne peu sur les résultats ou les changements que cela pourrait apporter ….
    Alors blanc ou nul , j’ irais remplir une urne, même taciturne ,et si besoin comme souvent , je participerais au dépouillement.
    Cordialement .

  5. Christian C

    Nous pouvons lire sur cette page :
    « Suite à une mise à jour du service d’interrogation de sa situation électorale sur le site service-public.fr, il n’est plus possible de vérifier son inscription sur les listes électorales sans au préalable créer un compte et se connecter.

    Nous regrettons profondément ce choix du gouvernement qui rend encore un peu plus complexe l’accès au droit de vote : nous ferons le nécessaire dans les prochains jours pour proposer un nouvel outil et continuer de permettre à des milliers de personnes de vérifier simplement leur inscription. »
    Source : https://onvoteinsoumis.fr/

    Est-ce un complot d’état ? Un coup des russes ? Une incapacité de nos hauts-fonctionnaires ? Une déficience du service numérique ? Toujours est-il que les citoyen.nes n’ont pas la tâche facile !
    Mais quid des pays ou le droit de vote est obligatoire comme en Belgique, un autre rayon de cette roue libre Jean-Marie ?

    P.S. : La date limite d’inscription sur les listes électorales pour ces élections européennes, que ce soit dans les consulats ou dans les mairies, est fixée au vendredi 3 mai 2024.

  6. J.J.

    « Les riches votent ! Les racistes et les golfeurs aussi »

    « Nathalie Saint-Cricq vote. Et vous ? » :

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