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Le cache-misère de l’enseignement public

C’est à Béziers que les familles ont bénéficié du colis « uniforme scolaire » payé par la puissance publique afin de lutter contre le harcèlement scolaire lié aux tenues vestimentaires. Cette initiative « attalesque » est présentée comme étant un retour sur une époque où l’égalitarisme des tenues aurait favorisé le climat scolaire. Or il se trouve que l’uniforme n’a jamais été obligatoire dans le système scolaire public depuis qu’il existe. Il s’agit d’une sorte de fantasme historique anglo-saxon qui frappe encore et toujours l’opinion dominante. Dans de nombreux pays cette prescription destinée à masquer les éventuelles discriminations sociales par les vêtements, a persisté devenant seulement au fil des années une marque identitaire d’établissements chics ou bien-pensants. Un communautarisme de classe. 

Le trousseau fournit aux enfants bitterrois par l’ex-président des reporters sans limite de pensée déshumanisée, a eu l’heur de satisfaire les familles immigrées les plus modestes. C’est un avantage social fournit avec les deniers de la mairie et du ministère de l’Éducation nationale toujours bon à prendre. Si par exemple la mesure était appliquée à tous les collégiens dépendant du conseil départemental de la Gironde la dépense pour la collectivité atteindrait, selon une première estimation, plus de 6,5 millions d’euros. Une dépense obligatoire qu’il faudrait en plus gérer (concertation, appel d’offres, distribution, suivi du renouvellement…) avec le personnel ad-hoc.

Si l’on prend une commune comme Créon, le coût estimé sur la base de ce qui a été fait à Béziers (140 000 € pour 700 élèves) atteindrait 30 000 € dont 15 à la charge des contribuables propriétaires seuls assujettis à une contribution locale. C’est vrai que à ce tarif là il faut considérer que les financeurs ne sont pas soumis à des contraintes budgétaires, ce qui est loins d’être le cas. Créon a choisi d’attribuer lors de la rentrée une dotation individuelle de fournitures scolaires de base et de poursuivre son effort sur toutes les autres tout au long de l’année; de construire un tarif de restauration scolaire indexé sur les revenus des familles; de proposer une opération d’apprentissage de la musique collective dans le cadre d’orchestre à l’école; d’attribuer à tous les enfants un carnet de chèques pour l’entrée dans le monde associatif local. Dans le fond c’est moins spectaculaire et moins rentable électoralement et selon les déclarations des gamins bitterrois ça « fait moins Harry Potter ! ». A l’arrivée la lutte contre les iénaglités socio-culturelles n’a vraiment pas la même dimension. 

En fait si jusqu’à la fin des années 1950 certains écoliers et écolières portaient des blouses (grises pour les premiers et de couleur pour les secondes) c’était simplement pour éviter de tacher avec l’encre des vêtements que les familles considéraient comme précieux en raison de leurs prix. Le choix n’était en rien celui des instituteurs mais bel et bien celui des parents de manière purement pragmatique. Étions nous ainsi mieux protégés du harcèlement ? Il était plus rude et plus pervers sans le relais des réseaux sociaux. « Macaronis », « Espadres », « Polaks », « batards » : les adjectifs de la cour de récréation avaient l’effet de claques permanentes qui éveillaient l’envie de démontrer sa capacité à damer le pion aux « demeurés » rapportant des poncifs familiaux.

Ainsi selon l’avis d’un sociologue (1) « Un enfant pauvre portant un uniforme restera un enfant pauvre ». Selon lui, l’habit est loin d’être le seul marqueur de la position sociale. Des signes extérieurs, tels que le sac de classe, le téléphone portable, la coiffure ou les bijoux deviennent autant d’indicateurs socio-économiques. « Il y a aussi les connaissances, la manière de s’exprimer, de se tenir », ajoute-t-il. La « tenue unique »  (uniforme c’est trop militaire ne permettra donc pas d’éradiquer les inégalités socio-économiques mais seulement d’en atténuer les aspects les plus visibles. »

En fait ce furent les enseignants qui durant des décennies avaient l’obligation morale de porter un tablier. Celui gris ou noir des instits des hussards la III° République est entré dans l’Histoire. A l’école normale ma promotion s’était vu infliger la couleur blanche. Et dans une grande partie de ma carrière j’avais choisi un tablier d’ébéniste ou de menuisier bleu que je portais en permanence alors qu’aucun des élève n’en portait un. Je n’ai jamais eu le sentiment que cette situation ait été contraire à leur réussite scolaire. 

Un « déguisement » bitterrois que Le Figaro trouve « élégant et classique » et qui permet à ceux qui le portent d’affirmer dans tous les médias qu’ils se croient dans « Harry Potter », ne redressera pas un système scolaire en péril. Les apparences n’ont jamais sauvé l’essentiel des maux d’une société devenue violente, intolérante, fracturée et acculturée. Mais c’est vrai je sui un vieux con d’instit dépassé par les réalités de son temps.

(1) Michel Tondellier, sociologue, maître de conférences à l’Université des Antilles et auteur d’Uniforme scolaire à la Martinique, interroger l’évidence (Ed. L’Harmattan, janvier 2024)

La photo du bandeau est celle de la première classe de sixième du Cours complémentaire de Créon il y a 70 ans 

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Cet article a 5 commentaires

  1. P c

    Encore un fantasme de la droite rétrograde (pléonasme).

  2. J.J.

    Certains de nos inspecteurs avaient une idée très arrêtée sur la tenue des enseignants. Dans les années 70, un de nos collègues s’était « étroitement » fait rappeler à l’ordre pour avoir été pris en flagrant délit de « faire la classe  » en pull over !

    Parmi les sujets d’inquiétude développés par cette initiative attalesque, je constate la référence à Harry Potter qu’en tant que « vieux con d’instit dépassé par les réalités de son temps » j’estime parfaitement débile, ayant tendance à remplacer ou compléter certains textes de mythologie plus ou moins religieuse et irrationnelle.

    Hors sujet, mais à propos de notre premier ministre. Il y a quelques jours les élèves du LISA voisin (Lycée de l’Image et du Son) manifestaient sur la voie publique. Fait assez fréquent , ces jeunes gens souvent peu politiquement corrects sont assez remuants, ce qui a pour conséquences d’attirer le panier à salade et ses passagers.
    Parmi les slogans brandis, assez classiques, l’un deux plus original m’a beaucoup plu, il portait la mention : « L’Empire contre Attal ».

  3. faconjf

    Bonjour,
    ici en région AURA le sieur Wauquiez casaque rouge pantalon noir de l’écurie droite extrême vient de gagner d’une courte encolure la course aux uniformes devant l’extrême droite.
    Ici ce sont les lycéens de 5 établissements qui vont revétir un bout d’uniforme qui sera composé d’un pull et d’un polo bleu marine, portant le logo de la Région, du lycée et du drapeau de la France. Les tenues sont faites à 100% en Auvergne-Rhône-Alpes. L’entreprise Enitex, qui avait fourni les masques durant l’intense période de COVID dans la région, collabore encore une fois en fournissant les tissus. Dès la rentrée prochaine, les 3000 élèves concernés recevront un lot de 3 polos et 2 pulls pour un total de 224 euros pris à 100% en charge par la Région, afin de soulager le pouvoir d’achat des familles. Ce qui donne un montant de 672 000 € mais c’est pour la bonne cause, l’uniforme permettrait de diminuer les différences entre les classes sociales et le harcèlement scolaire. L’objectif second de la Région serait de créer une fierté d’appartenance à son établissement pour développer « un état d’esprit qui soit en équipe, qui soit collectif », poursuit-il. L’uniforme serait également une forme de soulagement pour les professeurs sur la question de la laïcité, en éteignant tout débat sur les tenues acceptées ou non.
    Si la mesure était appliquée à l’ensemble des établissements, sachant qu’en 2024 le nombre de Lycéennes et lycéens avoisinait 200 000 la dépense uniformes voisinerait les 45 millions d€ dépassant ainsi le budget Santé et action sociale : 25 millions d’euros… Le renouvellement annuel des uniformes estimé au 1/3 de la dépense initiale ne serait que de 15 millions chaque année en attendant la décision de basculer la dépense directement sur les parents, mais ça on attendra un peu pour l’annoncer.
    La course à l’échalotte est un sport très pratiqué par les politique$ dans notre pays pour tenter de chiper des voix à la Marine. Il faut bien dire que le feu est dans la maison en 2002 aux présidentielles le clan Le pen arrive au second tour avec 19,57% et en 2022 33,33% . Le clan de Wauquiez mordant la poussière avec moins de 5%, se souvient du score de Sarko 31,18% et Le pen 10,44%. Aujourd’hui l’objectif c’est de faire du Sarko quoiqu’il en coûte!
    Les récentes déclarations du Méprisant au sujet de l’Ukraine vont relancer la fabrication d’uniformes pour remplacer ceux de nos troupes qui vont s’user très vite sur le front Russe.
    bonne journée

  4. christian grené

    Bonjour M’sieur.
    Elle m’plait bien vot’ histoire du jour. Elle me rappelle l’époque où mon père, instit’ comme vous, portait sa blouse grise qu’il ne quittait qu’en allant se coucher. Ma blouse à moi, mais au Lycée d’Etat Mixte de Libourne (futur Max Linder), que j’ai fréquenté en même temps que notre Gilou, était bleue. J’étais fier de ma blouse, et elle de moi parce que je l’avais couverte de graffitis qui n’avaient rien de revendicatifs. 1968 n’avait pas encore pointé son mufle. J’emploie ce mot à dessein quand je vois ces têtes de… qui défilent quotidiennement au Salon de l’Agriculture. Peut-être qu’ils attendent la blouse qui va sortir au cul des vaches.

  5. Laure Garralaga Lataste

    Souvenir ! Souvenir !… Quand on me parle du cul des vaches, on me rajeunit de… 70 ans, quand, à 15 ans, pour les grandes vacances, je partais chez l’oncle Martín… à Oloron St Croix, au-dessus d’Oloron St Marie (64.
    Un grand merci pour ce rajeunissement !

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