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Le consommateur, le contribuable et le citoyen

Dans un Français il y a trois statuts différents qui sommeillent avec des proportions différentes : le consommateur, le contribuable et le citoyen. Ils ne cohabitent pas nécessairement très bien car ils influent différemment sur le moral de celui qui les héberge. Le premier occupe une place essentielle depuis un demi-siècle sous l’influence des tenants de la croissance à tout prix. Certains prétendent que par rapport aux deux autres il doit avoir une place prépondérante pour assurer le bonheur de l’être humain. Tout tourne d’ailleurs autour de cet occupant des esprits : inflation, qualité et provenance des produits, économies potentielles, crédits… et le pays tremble en apprenant que le volet consommation se délite.

En décembre 2023, mois durant lequel toutes les folies sont habituellement permises en fin d’année pour celles et ceux qui le peuvent encore, la consommation des ménages en biens a augmenté de 0,3% en France par rapport au mois précédent, a indiqué mardi l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Cette faible augmentation s’explique par une accélération de la consommation… d’énergie, qui a augmenté de 1,7% après avoir progressé de 1% en novembre en données révisées, ainsi que par une nouvelle hausse, de 0,6% , de la consommation de biens fabriqués. La consommation alimentaire a malheureusement diminué de 0,7% en décembre, après être restée stable en novembre. Le consommateur s’est endormi ou plus certainement n’a plus les moyens de s’exprimer.

Selon sa stratégie libérale outrancière, le gouvernement établit pourtaant ses recettes sur les taxes (qui ne sont pas des impôts car payées indirectement) liées aux achats de toutes sortes. Il a réussi à augmenter celle sur l’électricité, a semble-t-il manqué celle sur le GNR (Gazole Non Routier) pour le milieu agricole et sera désormais méfiant sur des modifications de ce genre. Comme les tickets de passage aux caisses sont en voie de disparition, il ne sera bientôt plus possible au consommateur avisé de s’intéresser au montant de TVA qu’il acquitte.

Avec la réforme de la fiscalité locale, l’acheteur prend une place essentielle dans le financement des collectivités. Une fraction de TVA, les Droits de Mutations sur les achats de biens immobiliers, les taxes sur les produits pétroliers, les assurances, les permis de construire, les réseaux divers… forment par exemple le patchwork des ressources du Département. Tout ce maelstrom fiscale sert à financer la solidarité humaine ! On se trouve donc dans la situation aberrante où pour tous les services de proximité (routes, collèges, aides à l’enfance, aux personnes dépendantes, aux handicapés, aux gens en difficulté sociale…) il n’y plus de participation directe des bénéficiaires.

Une situation qui a réjoui le contribuable puisqu’il a l’impression de ne plus être réveillé en sursaut par des feuilles automnales qu’il trouvait forcément trop élevées. Le Français est bien un être d’une extrême complexité et n’est pas à un paradoxe près, particulièrement lorsqu’il s’agit d’analyser le système fiscal. 75 % d’entre eux considère en effer qu’il paie trop d’impôts et de cotisations sociales, selon un sondage publié par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). Est-ce vraiment une surprise ? Oui dans la mesure où ils ont été exonérés de la très grande majorité de ceux qu’ils payaient ?

Dans le même temps, seule une minorité des sondés accepterait une baisse des dépenses publiques contre une baisse de leurs impôts . Ce qui donne dans le détail 29 % qui l’accepteraient pour les dépenses publiques de retraites, 30 % pour la santé, 32 % pour la justice et la sécurité, 35 % pour l’éducation, 42 % pour la lutte contre la pauvreté et l’exclusion et 44 % pour la défense. La part du contribuable se colore de populisme quand elle avoue soutenir les pratiques d’évitement en matière fiscale (fausses déclarations, règlements en liquide) alors que 55 % des personnes interrogées souhaitent que l’État dépense davantage de fonds publics pour lutter contre la fraude fiscale et sociale.

Il reste quelque part au fond du fond de l’individu, le citoyen. Il s’est éteint au fil des années. Il renonce. Il cède à la facilité et mal informé il renoue avec le vieux statut de sujet. Étouffé par le consommateur, irrité par le contribuable ils e détourne de tout. La citoyenneté constituerait même un maladie grave à éradiquer. Refus de participer à la vie sociale, abstention lors des rendez-vous essentiels que sont les élections et le pire des maux : indifférence permanente sauf quand le problème le touche personnellement. Ce n’est pas une fable…

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Cet article a 6 commentaires

  1. christian grené

    Le consommateur, le contribuable et le… concitoyen. Tous trois des cons damnés.

    1. Laure Garralaga Lataste

      Je constate que tu as gardé ton humour… !

  2. J.J.

    « Comme les tickets de passage aux caisses sont en voie de disparition, il ne sera bientôt plus possible au consommateur avisé de s’intéresser au montant de TVA qu’il acquitte. »
    Je ne sais si statistiquement les tickets sont en voie de disparation, mais lorsque je passe à la caisse, l’hôtesse ou l’hôte me demandent systématiquement si je veux le dit ticket. et si elles ou ils omettent de le demander, je le réclame, ce que font la plupart des acheteurs que j’ai pu observer.
    Evidemment ça aurait bien arrangé certains que ce ticket disparaisse en même temps que la mention de la TVA sur les produits de « consommation courante ». Je me suis amusé à faire le calcul : pour un ménage de deux personnes pas particulièrement voraces ou dépensières, il faut compter environ 400 € par an au moins rien que sur la nourriture et les produits ménagers. Pas mal pour certaines personnes sensées ne pas payer d’impôts.
    _ « Pardon ? Ce ne sont pas des impôts ? Ce sont des taxes, oui bien sûr ! Mais au niveau de mon portefeuille, je ne saisis pas très bien la différence. »
    En fait, et j’apprécie l’évolution à mon niveau, je constate que plus en plus de consommateurs réclament leur ticket de caisse et ne le jettent pas !
    En fait cette suppression des tickets de caisse est illégale et pourrait peut être se voir « retoquée » par le Conseil Constitutionnel, si quelqu’un avait l’audace de la mettre en cause. J’ai appris, au cours de mes années de trésorier dans diverses associations qu’un ticket de caisse est un document comptable indispensable , au même titre qu’une facture, pour justifier un achat et officialiser une transaction, même pour un simple particulier, même pour l’achat d’un modeste camembert.

  3. facon jf

    bonjour,
    les 3 statuts confondus du Français ( le consommateur, le contribuable et le citoyen ) ont un point commun celui de se faire rouler dans la farine ( française) des communicants friands d’une autre poudre blanche . Tout compliquer pour faire oublier la réalité des choses c’est le rôle des spins-docteurs de la com. Le modèle a été éventé par Pasqua qui disait  » quand on est atteint par une affaire, on créé une affaire dans l’affaire puis une affaire dans l’affaire de l’affaire, ainsi plus personne ne comprend rien ». Dans l’affaire des paysans aucun merdia ne souligne que 90 % des exploitants agricoles sont propriétaires de leur logement, sans parler de la propriété de l’outil de travail la terre et les engins pour la cultiver. Les merdias parlent des revenus (déclarés) beaucoup trop faibles c’est vrai pour la quantité de travail réalisé sans mentionner les 30% de logement que les autres salariés en grande majorité dépensent . C’est sans doute anecdotique et le fait de le dire va susciter des jugements peu amène à mon endroit, j’assume. Personne ne vous dit que les aides perçues ( PAC, dégrèvements, défiscalisations, aides locales ) sont financées par le citoyen contribuable pour rendre la facture d’achat du citoyen consommateur moins douloureuse. Personne ne souhaite clarifier la situation réelle des prix qui est pourtant constituée de l’ensemble coût de la filière moins les aides perçues. Aides financées par une cascade de taxes payées par le contribuable qui est en fait la même personne que le consommateur. Si l’on veut être plus complet il faut aussi ajouter la myriade de gratte-papiers nécessaires à concevoir, éditer, remplir et contrôler les formulaires indispensables au versement des aides, tout cela n’est pas gratuit. Consolez vous braves contribuables vous créez des emplois.
    Le trop gros serpent de mer de la baisse des dépenses publiques reste le justificatif pour paupériser ceux qui bénéficient de la béquille sociale des dites dépenses. Nous vivons en pleine contradiction sur la fiscalité et la redistribution censée réduire les inégalités, force est de constater que les plus « malins » contournent le système en échappant aux prélèvements tout en empochant des aides indues. Loin de desservir l’oligarchie en place le battage merdiatique sur ces dérives volontairement incontrôlées plaide pour une pseudo remise à plat du système qui bénéficiera en fin de compte à qui? je vous laisse deviner.
    « […] on est dans une période, où on refonde, on est en train de réinventer un modèle. C’est plus dur de le réinventer quand tout n’a pas été détruit. » ce sont les propos tenus par Mac-Ronds à Vendôme, le 25 avril 2023.
    Vous pouvez admirer le glissement sémantique du « je » présidentiel vers le « on » tout un art de communicant pour masquer l’intention de briser le frein du vieux monde qu’IL veut détruire. Je renvoie les lecteurs à l’ouvrage de Naomie Klein  » la stratégie du choc » où le préalable d’une réécriture d’un monde nouveau passe par la destruction de l’ancien monde. S’appuyant sur plusieurs recherches documentaires, Naomi Klein soutient que, de la même manière, des désastres (catastrophes naturelles, changements de régimes, attentats), qui conduisent à des chocs psychologiques, permettent aux chantres du capitalisme d’appliquer la doctrine de l’école de Chicago dont Milton Friedman est l’un des représentants les plus connus. Ils imposeraient, à l’occasion des désastres, des réformes économiques que Naomi Klein qualifie d’ultra-libérales telles que la privatisation de l’énergie ou de la Sécurité sociale. Ben c’est pas déjà dans le tuyau ?? En fait nous sommes dans la phase préparatoire il manque encore un petit détonateur pour tout péter, un peu de patience ça va arriver le big-bang est en vue.
    bonne journée

  4. Laure Garralaga Lataste

    Et je fais le même constat… !
    Et j(i la même exigence… !
    Serions-nous des consommateurs jumeaux… et heureux de l’être… ?

  5. Caron Michel

    C’est le propos légitime d’une personne expérimentée et éclairée,qui mériterait d’être soumis à l’analyse et au commentaire de nos enfants et petits enfants:du collège à Sciences po…
    Pour autant,une proportion importante des Français n’accède pas à la consommation;les étudiants se sont ajoutés à l’ensemble de la pauvreté. ET 8000 personnes appellent le 115 chaque jour,pour être hébergées,dont 1400 mineurs ,sans résultat. La consommation alimentaire recule,y compris en qualité.
    La taxe sur l’électricité mériterait un débat,sur ce qu’elle est capable de générer en capacités d’investissement et en mesures de solidarité. On sait que le coût met en péril la gestion des entreprises,des commerces,des associations autant que le budget de nos concitoyens. Le temps inspire la révolte contre la pauvreté autant que le développement de la force des CONSOM’ACTEURS.
    Quant au contribuable qui ne sommeille pas en nous,il serait bien que les routes,les collèges,la protection de l’enfance,l’accompagnement des personnes handicapées et de celles qui sont en difficulté sociale ,apparaissent comme une politique d’investissement -économique et social- plutot qu’une charge. Ainsi,le débat politique gagnerait il à être mieux partagé quant à savoir quelle dépense on diminue et quel investissement on augmente,et pour quel résultat. Tout cela devrait relever d’une instruction civique modernisée dans le cours de la scolarité obligatoire.
    Sur le plan de la citoyenneté ,le renoncement s’accompagne aujourd’hui de l’affaiblissement des corps intermédiaires et de la progression des formes et structures populistes. L’indifférence est l’autre nom de la rupture du lien social:la fraternité est abandonnée en tant que principe constitutionnel et comme valeur républicaine ; reste ce que Pierre Rosanvallon nomme l’individualisme de singularité,en recherche de reconnaissance et de dignité:vaste programme.
    Rude bataille que celle contre le mépris et l’indifférence,notamment à l’égard de la caste de « ceux qui ont toujours raison »! 1789,1948,deux grandes dates pour réaffirmer l’EGALITE EN DIGNITE ET EN DROITS…
    Faut il rappeler que la rupture du LIEN SOCIAL signifie deux choses: d’une part de ce qui rassure et nous enrichit par la solidarité,et d’autre part ce qui nous emprisonne dans la reproduction des inégalités et l’assignation aux territoires de la marginalisation sociale.TOUT sauf l’indifférence! Redonnons de la lisibilité aux liens « électeurs/élus,à l’exigence de vérité dans le débat politique et au sens des responsabilités des citoyens autant que des élus,sans oublier tous ceux qui ont en charge la mise en œuvre des politiques publiques.
    Lisons avec attention ce que dit Daniel Cohen d »homo numéricus » et ce que pense Pierre Rosanvallon des « Épreuves de la vie ».
    Contre les tentations de l’indifférence et de l’extrémisme,il nous reste la révolte et le sursaut: celui de l’éducation,pour comprendre le monde et le transformer,y compris pour sauvegarder l’environnement qui conditionne notre avenir. Il nous reste la politique du logement comme bataille majeure pour la dignité,il nous reste la politique associative pour consolider l’initiative citoyenne,et il nous reste la volonté de nous ouvrir au monde pour apprendre de l’expèrience des autres et comprendre les mouvements du monde.
    Bref,il nous reste,quand même,à ÉCRIRE ENCORE,À TÉMOIGNER ET À AGIR au niveau le plus modeste soit il,mais avec de grandes ambitions pour l’humanité en chacun de nous mêmes.

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