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Du compromis à la compromission

La Constitution de la V° République a paralysé la vie politique française durant des décennies. Concoctée pour éviter les aléas permanents des majorités fluctuantes lors des législatures antérieures avaient incité les auteurs du texte à verrouiller le fonctionnement de l’assemblée nationale. Il faut reconnaître que la durée des gouvernements ayant en charge le fonctionnement de l’État avaient matière à inquiéter les citoyens beaucoup plus impliqués qu’en ce moment. Les multiples crises provoquées par la décolonisation fragilisaient la République, et de Gaulle ne souffrait pas la chienlit. Il aura fallu attendre soixante-sept ans pour que l’on découvre que l’Assemblée nationale avait la possibilité de refuser d’examiner un projet de loi proposé par le pouvoir en place.

Les vierges effarouchées qui commentent le vote préalable à la présentation du texte relatif à l’immigration oublient que cette opportunité au-delà de son caractère circonstanciel constitue peut-être un élément essentiel pour la défense de la démocratie. Inutile de préciser que ce raisonnement peut paraître bizarre. Et pourtant. Sans être oiseau de mauvais augure la possibilité de retrouver lors des prochaines législatives un groupe RN non majoritaire au sein du Palais Bourbon devient chaque jour plus probable. D’ailleurs son jeune et fringant président se sent déjà pousser des ailes de premier des ministres qu’il rassemblerait sous son aile comme le lui suggère le résultat du scrutin à l’intérieur du groupe LR.

Dans cette hypothèse que bien des médias travaillent à rendre plausible, la configuration actuelle de l’Assemblée nationale avec une majorité minoritaire produirait les mêmes effets. Et si par malheur des textes contraires aux valeurs républicaines étaient diligentés par un pouvoir avide de s’installer dans la durée, la possibilité de l’écarter avant son examen se révélerait d’une utilité avérée. Qui criera alors au scandale, aux alliances contre-nature, aux oppositions destructrices quand il s’agira de défendre loyalement les fondements du vivre ensemble s’ils étaient attaqués ?

Certes les raisons pour lesquelles le texte a été rejetée sont contradictoires, mais elles mettent un terme d’une certaine manière au mépris dans lequel l’exécutif tient les députés. On a beaucoup glosé sur les « godillots » du gaullisme qui avalaient le doigt sur la couture du pantalon toutes les propositions des gouvernements qui se sont succédé. Ce ne fut guère plus reluisant avec des groupes pléthoriques, car tous les députés que j’ai pu servir ou rencontrer avouent que leur rôle est extrêmement réduit lorsqu’il n’y a aucun risque de défaillance de la majorité. Ils enregistrent, émettent parfois quelques réserves et se conforment à la discipline dite de « groupe ».

Dans les déclarations ayant succédé à l’accident industriel du refus d’examiner le texte de Darmanin assaisonné à la mode RN par les sénateurs LR, un mot est revenu : « compromis ». En fait le matamore présidentiel espérait, dit-il, un « compromis ». Avec qui ? Sur quels articles ? Dans quel but ? En raison de quelle urgence ? Pour quel résultat ? La forme une fois encore l’emporte sur le fond.

Une méthode qui n’a absolument aucun fondement politique puisque ce qui aurait été valable sur l’immigration ne l’est pas sur les budgets documents essentiels pour la vie collective. Le fameux « compromis » ressemblait tellement à une compromission que les députés LR n’en n’ont pas voulu. L’utilisation du 49-3 serait donc le symbole du respect du débat parlementaire…

Il est certain que la parole de Gandhi n’a pas franchi les tourniquets sécuritaires du Palais Bourbon. « Tout compromis repose sur des concessions mutuelles, mais il ne saurait y avoir de concessions mutuelles lorsqu’il s’agit de principes fondamentaux.” Je veux croire que certains de ceux qui ont refusé le débat sur la loi modifiée par les sénateurs aient eu en mémoire qu’il s’attaquait aux principes fondamentaux de la République. Ainsi 141 députés classables à gauche ont voté pour le rejet du texte contre seulement 127 regroupant la droite… avec deux non-inscrits. Rappelons par ailleurs que l’initiative revient à un parlementaire hostile au texte, car contraire aux valeurs qu’il prône. Le compromis s’il y en avait un, aurait été de rechercher avec les opposants majoritaires. Ce ne sera pas semble-t-il le cas.

Le renvoi en commission paritaire constituée par quatre parlementaires de la droite, quatre soutenant le gouvernement aura une majorité (sur 14) qui favorisera le compromis et les arrangements potentiels sur des mots dont on oubliera qu’ils s’appliquent à des êtres humains les plus souvent en détresse. La politique politicienne a vraiment de beaux jours devant elle… et les valeurs s’effacent lentement, mais inexorablement. Entre le compromis et la compromission il y a parfois l’épaisseur d’un papier à cigarettes.

Cet article a 4 commentaires

  1. J.J.

    Je vois dans ma boule de cristal que la commission godillotesque soit disant parlementaire va adopter le projet retoqué par l’Assemblée(scandaleusement, à la grande colère de madame Borne et au désappointement des petits mamamouchis).
    Le susdit projet sera-t-il présenté à l’Assemblée ? Peu probable, et, passez muscade, un bon 49/3 fera l’affaire…
    Nous pouvons critiquer les pays dits totalitaires, nous vivons dans le pays des Droits de l’Homme et de la Démocratie.

  2. facon jf

    Bonjour,
    et une belle victoire à la Pyrrhus pour les forces de gauche à l’assemblée . Une victoire à la Pyrrhus est une victoire obtenue au prix de pertes si lourdes pour le vainqueur qu’elle équivaut quasiment à une défaite. Une telle victoire est contraire à tout sentiment d’accomplissement ou de gloire, et compromet le progrès à long terme du vainqueur. Le contraire d’une victoire à la Pyrrhus est une victoire irénique. Les opposants à la Mac- Ronnie ( Mac kinsey ou Macdo si vous préférez) se sont ligués contre le projet de Dard-malin en faisant alliance de carpes et de lapins ou des loups avec les agneaux. Une courte victoire de 5 voies résultat de l’abstention involontaire ou pas de 9 voies du parti méprisentiel. Le scrutin était pourtant annoncé comme serré à 5 voies près disaient les vieux routiers de l »A.N a un point tel que la méprisante de la dite assemblée a pris part au vote.
    Les oppositions n’étaient pas non plus présentes à 100%, puisque 10 députés de gauche n’ont pas voté.
    Le grand perdant est sans conteste Dard-malin qui prend la gifle destinée à Mac-ronds et son enmêmtemtisme.
    Comment expliquer une déroute pareille ? Le ministre a fait le pari que la gauche, la droite et l’extrême droite n’arriveraient pas à s’allier contre lui. « Si LR dépose un amendement, la gauche le repoussera et inversement », plastronnaient ses soutiens la semaine dernière. Mauvaise pioche. L’ambitieux sinistre de l’Intérieur a jeté toutes ses forces dans la bataille, usant de tous les moyens à sa disposition pour décrédibiliser les associations d’aide aux migrants comme la Cimade, n’hésitant pas à mentir sur le droit d’asile et à instrumentaliser la menace terroriste. « Si dans un mois quelqu’un va dans la rue donner trois coups de couteau à des enfants alors qu’on aurait pu l’expulser, alors quelle est la responsabilité de ceux qui ne le votent pas ? », déclarait-il dimanche lors d’un direct sur Brut, surfant sur les récents attentats à Arras et à Paris. Pire, son cabinet est allé jusqu’à envoyer la liste des étrangers inexpulsables département par département aux parlementaires et à la presse locale. ( source Politis)
    Le calcul cynique du sinistre de l’intérieur s’est pris de plein fouet toute la haine qu »il a accumulé sur son immodeste personne. Dans l’imaginaire politique, c’est le traître. C’est une façon de le tuer politiquement, que ce soit pour Matignon ou l’Élysée en 2027.
    En coulisses, Bruno Le Maire, Gabriel Attal et ses autres rivaux se réjouissent de la longue liste de ses échecs : « Il y a eu la catastrophe de la ligue des champions au Stade de France, la dissolution annulée des Soulèvements de la terre, l’humiliation des services de renseignement qui n’ont pas su empêcher les attentats, sa rentrée politique parasitée par Élisabeth Born. Une équipe très soudée autour d’une ambition … personnelle évidemment.
    Une opération archi-gagnante pour le RN, mais qui met la zizanie chez les ripoublicains, chez les mac-ronistes et aussi à gauche qui a voté avec le clan droite extrême et extrême droite. C’est cet attelage des droites qui va finalement imposer un texte durci. Les loups extrémistes des droites vont dévorer les agneaux en violant au passage les mac-ronistes qui voulaient maintenir un semblant d’humanisme.
    En fait cela constitue une aubaine pour ces deux partis (RN et LR) qui doivent essayer de se décoller au maximum du mac-ronisme après avoir maintenu à ses côtés un équilibre très précaire qui avait permis de faire voter de nombreuses attaques à l’image du refus d’augmenter le SMIC, des attaques contre les chômeurs, les allocataires du RSA etc.
    Pour éviter pareil scénario, le gouvernement pourrait mobiliser à l’issue de la Commission Mixte Paritaire un énième 49-3 palais Bourbon. Le recours à un nouveau 49-3, hors texte budgétaire, sera contesté par le RN devant le Conseil Constitutionnel. Surtout, le coût politique d’un tel recours serait énorme pour la mac-ronie qui pourrait risquer le vote d’une motion de censure et la dissolution de l’Assemblée nationale.
    Bon c’est pas joli joli tout ça! C’est pas comme cela que les Français vont se rabibocher avec les politiques.

    bonne journée

  3. facon jf

    Zut et re zut Voix et pas voies, j’en reste sans voix !!! Grrrrr.

  4. Laure Garralaga Lataste

    Quand le loup entre dans la bergerie, ce sont les agneaux qui trinquent… !

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