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La panne révélatrice de l’addiction aux mobiles

L’opérateur 4 G Orange mobile traverse une période difficile sur Créon. Brutalement il a cessé de porter les appels des abonnés mardi, et la réparation dit-on aux obstinés ayant réussi à obtenir le service concerné, ne sera pas terminé avant demain vendredi. Des centaines de possesseurs de ce qui n’est plus dans la majorité des cas un téléphone, mais un outil global de communication se retrouvent en détresse. La dépendance psychologique à cet engin n’ayant plus rien de sa fonction originelle prend alors toute sa mesure.

Les détenteurs  d’un autre abonnement que celui du premier opérateur français, pavoisent en exhibant avec fierté leur appareil en ordre de marche. Ils jubilent. Eux qui, plus souvent que les pénalisés du jour, connaissent des chutes brutales de liaison, prennent leur revanche. Ils possèdent encore en état de marche ce qui constitue à la fois un fil à la patte et une part de leur liberté. Du moins le pensent-ils. Les frustrés prennent conscience de leur dépendance. Ils tripotent sans cesse leur téléphone « mort » avec l’espoir que le miracle d’une remise en route rapide de l’émetteur se produirait pour eux.

Devenue des accros du mobile, une grande majorité de la population mondiale a sombré dans l’angoisse de ne plus être reliée aux autres. Au fin fond des contrées les plus éloignées de la vie moderne, le rêve de l’accès à la téléphonie hante les esprits. Les deux repères de la réussite restent, pour les jeunes générations, le maillot de football du club de leur idole et un portable leur permettant de frimer. Il serait malvenu de railler cette attitude quand on sait que les écoles maternelles de notre pays inscrivent dans leur règlement intérieur que les enfants ne doivent pas venir avec un téléphone. Au restaurant pour éviter une trop grande impatience de leur progéniture entre les plats l’octroi de l’accès à une vidéo qui tient lieu de jeu de patience. Dans les salles d’attente on lit anxieux ses messages ou on en envoie. Partout les yeux ssont ficés  sur le petite écran sorti du sacs des poches ou d’un étui spécial ! 

Un téléphone qui ne sonne pas devient donc le signe inquiétant d’un manque flagrant de relations humaines. Alors depuis 48 heures, des regards inquiets se posent sur ces réceptacles des bonnes ou des nouvelles, des banalités ou des événements les plus graves, des réussites ou des échecs. Impossible d’imaginer que la panne puisse durer. Toute la vie semble tenir dans une sonnerie plus ou moins sophistiquée et l’allumage d’un écran permettant d’exister au milieu des autres. Sorti de sa cachette le mobile confère un rôle social que la panne mécanique d’Orange a fait disparaître.

Les commentaires sont véhéments. La contestation gronde. Les récriminations sur le manque de fiabilité d’un « opérateur » que « l’on paye très cher pour être mal servi » fusent. Comment va-t-on survivre à une telle absence ? Il faut une panne pour que l’on prenne conscience de ce nouveau comportement. Couteau suisse de la vie collective, le téléphone portable tient désormais une place inversement proportionnelle à sa taille. La défaillance du fournisseur d’accès prive des liens vers ces fameux réseaux sociaux qui nous suivent plus qu’on le suit. Une privation pour certains de contacts réputés « humains » similaires à celle qu’a du éprouver Robinson Crusoé sur son île déserte avant l’arrivée de Vendredi. Sans mobile on se sent en effet seul dans un monde qui met tout en œuvre pour nous persuader que nous n’avons jamais été aussi proches les uns des autres.

Comme la 5G a été installée dans le centre de la ville bastide, les fans des techniques de pointe jubilent. Eux ne sont pas touchés. « Regarde je suis plein pot avec cinq barres ! » lance à la cantonade l’un des heureux possesseurs d’un téléphone adapté. « Je me demande si ce n’est pas fait exprès pour que nous changions d’abonnement ! » ajoute un complotiste suspicieux. « Quand j’ai appelé le service des pannes, ils ne savaient même pas que le réseau était arrêté. Il m’a fallu tout l’après-midi et trois appels pour qu’ils finissent par me l’avouer. » explique un abonné ne souhaitant pas rester absent. Les hypothèses fusent. Les 72 heures de réparation annoncées laissent libre cours aux suppositions les plus hasardeuses : la canicule ? Un sabotage ? Une fausse manœuvre technique ? Une opération anti-Créon ? 

Quand hier soir les sonneries ont repris, Créon a retrouvé sa sérénité. Provisoire ? Service minimum ? Concession ? Promptitude inédite ?  Nul ne sait vraiment pourquoi n’apparaissent seulement que deux petites barres du réseau de téléphonie sur leur écran. Elles sont là et c’est providentiel… On ne réflechit plus ! On communique !

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Cet article a 3 commentaires

  1. François

    Bonjour J-M !
    Le téléphone portable ! ! ! ! Un fil à la patte … que dis-je… une chaîne de forçat qui s’ignore mais qui est bien …hameçonné ! ! Un exemple : mon épouse sortant de la grande surface créonnaise (oui, depuis l’accident de Mme Darmian, elle évite le centre ville ! ! !) , son téléphone sonne : « Carrefour vous remercie pour vos achats et vous souhaite bonne route ». Imagine, il y a soixante ans, l’épicier de Sadirac t’aidant à remonter sur ton vélo ! ! ! !!!!!
    Même dans les lieux « très privés », il officie ! Il est vrai que le PQ étant neutre, il ne faut pas perdre de temps. Dans ses toilettes, Robert Lamoureux aurait eu recours au téléphone !
    Perso, je continue ma route de réfractaire assidu … et je vais trèèèès bien. Merci !
    Amicalement

  2. J.J.

    Je suis vraiment un vieux snock has been ! Bien sûr, j’ai un « machin », comme aurait dit le Général s’il avait connu, mais il sonne rarement. Quand à appeler avec , il faut vraiment une situation exceptionnelle. Là où il me sert le plus souvent , c’est quand je trouve une plante ou un insecte inconnu, voir un objet étrange : je me sers du site de recherche (Plantnet, par exemple). Mais ça n’est pas toujours très précis ni fiable. Alors c’est là que l’accessoire le plus utile entre en scène : la fonction photo, qui me permet en transférant les images, des recherches plus avancées avec le bon vieil ordinateur des familles.
    L’appareil photo a quand même un inconvénient : quand je déclenche par inadvertance le selfie (que les canadiens, qui n’oublient pas leurs ancêtres latins appellent ego portrait) je me fais la peur de la journée et me rappelle ce vers de Racine, dans le récit de Théramène : « Le flot qui l’apporta recule épouvanté. « 

  3. Alain .e

    Je confesse une légère addiction à mon smartphone , si pratique et utile pour plein de chose ..
    Former des groupes WhatsApp de famille et amis et maintenir le contact .
    Faire une photo avec google photo d’ une plante ou animal inconnu et découvrir de quoi il s’ agit .
    circuler et se repérer avec google maps a pieds , ou transports en commun , ou voiture , c’ est si pratique , faire un petit jeu vidéo ,
    regarder un film , documentaire ou série lors d’ un voyage en train …
    Payer avec lyf pay en posant son téléphone plutôt que sortir sa carte bleue …
    Et aussi téléphoner au besoin bien sur et le géolocaliser si on le perd évidemment .
    Bref des choix personnels et je respecte celui de chacun , moi j’ essaie de suivre les évolutions , ça me motive et m’ occupe

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