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Le football de base en position de survie

Le football de village ne résistera pas bine longtemps aux aléas de la vie sociale. Saison après saison le nombre de clubs diminue ou stagne selon les régions face à des difficultés essentiellement financières. Le poids des contraintes édictées par la technostructure de la Fédération et ses déclinaisons régionales, étouffe les budgets. Ayant assisté à l’assemblée générale du club du Créonnais émanation de celui où j’ai été joueur, éducateur, entraîneur, dirigeant et soutien en temps qu’élu, je retiens que la ponction est d’environ au plus bas niveau de l’échelle de 23 000 € pour les licences et les engagements des équipes. La Communauté de Communes accorde une subvention financière de 20 000 € soit 53 € par jeune de moins de 18 ans. Elle part donc dans ces frais.

Il faut ajouter une amende de 100 € pour chaque feuille de match mal remplie est infligée aux bénévoles, qu’une sanction de 100 € supplémentaires par mutation effectuée après le 15 juillet peut tomber et bien d’autres sanctions de ce type. Et tout est à l’avenant. Bien entendu ces tarifs sont actualisés chaque saison selon les besoins constatés par les responsables de chaque niveau. On en arrive à des sommes considérables. Dans un tel contexte, les collectivités locales contraintes à rogner sur toutes leurs dépenses ne suivent plus ou moins et les déficits ne sont plus rares.

L’entretien des installations qui doivent devenir de plus en plus performantes et surchargées par la multiplication des catégories d’âge est à la charge des collectivités. Le paiement de l’éclairage ainsi que le prix de l’eau accentueront en 2023-2024 une facture déjà élevée. Le Président de la CDC du Créonnais a d’ailleurs rappelé que le soutien matériel global devant être affecté aux comptes de la saison close, s’élevait à 200 000 € !Cette somme inconnue de la plupart des licenciés est totalement ignorée par les organismes dirigeants. Si demain les collectivités territoriales n’ont plus les moyens de faire face ces frais de fonctionnement (2024) il faudra revenir sur bien des exigences de la Fédération ou des Ligues en matière de normes.

L’une d’entre elles concerne l’encadrement des enfants et des jeunes. L’obligation d’engager des éducateurs brevetés sans reconnaissance de l’expérience ou des qualités humaines de ceux qui parfois se dévouent depuis des décennies, débouche sur l’existence d’un « marché » des personnes disponibles ayant les brevets. Là encore les amendes pleuvent (150 € par match) et le refus de prendre en considération des équipes démunies en matière d’encadrement officiel accentue le désarroi des responsables des clubs. Tout se monnaye puisque la rareté des bonnes volontés diplômées existe et favorise les exigences pécuniaires en hausse constante. Les labels fédéraux qui procurent quelques subsides en matériel collectif finissent par coûter plus qu’ils ne rapportent. L’engouement réel pour le football féminin a contraint les communes à des aménagements supplémentaires.

Les familles dans le contexte social actuel auront davantage de mal à assumer un prix toujours plus élevé d’entrée dans les clubs. Peu d’entre elles ont conscience que la gestion de ces derniers sera de plus en plus difficile. D’autant que la question du renouvellement de la participation désintéressée deviendra primordiale dans les prochaines années. Dans le milieu du sport rôde le fantasme de l’argent facile et pour une part infime mais agissante de parents, l’envoi de leur progéniture vers le foot constitue un investissement. Plus la cotisation est élevée, plus ils sont exigeants. Le plaisir de jouer de leur « prodige » compte peu ! Il faut des résultats.

Le football des clochers n’appartient plus beaucoup au paysage sportif. La concurrence entre les sports s’affirme. Les 13-14-15 ans zappent entre plusieurs activités si elles existent dans la proximité. Une grande majorité d’entre eux victimes d’emplois du temps scolaires coercitifs souvent plombés par les temps de déplacements, abandonne les pratiques collectives. L’étalement sur le territoire des habitations ainsi que le fait que les clubs soient moins proches constituent des handicaps supplémentaires. En milieu rural il faut parfois effectuer des dizaines de kilomètres pour trouver une équipe viable et fiable de son âge.

Bien évidemment dans les prochaines semaines s’étaleront les millions des transferts. La DNCG validera des budgets reposant sur des fonds privés aléatoires. Dans le fond cette tendance à transformer la quarantaine de clubs professionnels en sociétés « rentables » n’a rien de choquant. Il serait intéressant de connaître la situation réelle cumulée des 14 300 autres clubs sur le territoire français. L’aide totale qui leur est accordée par la fédération n’atteint pas 90 millions d’euros soit moins de la moitié de ce que le Réal offrirait pour obtenir la signature de M’Bappé. La Ligue Professionnelle renvoie une part de ses recettes vers le foot amateur. Certes mais elle ne compense pas loin s’en faut l’écart des moyens. 

Quelle belle motivation et quelle franchise salutaire ont été déployés par le nouveau Président du club créonnais assailli de multiples remarques de la part de l’assistance ! Chapeau. Je sais ce que représente ce rôle strictement bénévole mais tellement prenant. Il perd en plus l’élément clé de la réussite éducative du club au cours des saisons écoulées. Roland Beka, mineur non accompagné (MNA)  échappé à la guerre en ex-Yougoslavie, accueilli en gironde puis à Créon,  intégré brillamment grâce au football du village qui lui a redonné l’espoir, a tenté de rendre ce qu’il lui avait apporté. Il part vers d’autres horizons. Logique. Mérité. Compréhensible. Révélateur cependant de la situation actuelle du foot de base.

Cet article a 5 commentaires

  1. christian grené

    Bonjour à tou(te)s.
    Avant de pousser les portes de Jean Villar – avec deux « l » – je tiens à dire que je souscris à ton propos, cher Jean-Marie, mais tellement de gens s’en footent!

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami christian…

      ¡ Qué te pasa amigo…! Tu es à Jean Vllar… !

      1. christian grené

        Si, laurita mia. Un problema d’anévrisme de l’aorte abdominale. No se como traducer en el lenguaje de Cervantès.
        Abrazos.

  2. François

    Bonjour J-M !
    Ce phénomène « économique » ( ponctions des Fédés) n’est pas récent (soixante ans que je le constate !) mais, comme indolore au départ, il ne fait que s’amplifier jusqu’à devenir insupportable pour les clubs et assos surtout quand la colonne « Recettes » diminue. Au passage, remarquons, ainsi que tu le décris, que le point de vue change quand on passe sur un siège « Public » ! ! !
    Comme Bercy, les Fédés ont les poches percées.
    Certes, le prestige est moins grand mais l’on comprend mieux pourquoi beaucoup de sports (foot, cyclismeS, motoS, …) se tourne vers l’UFOLEP aux contraintes bien moindres….tant que le vice ne l’a pas atteint !
    Amicalement

  3. patrickG

    Le sport avatar du bizness
    Il fut un temps, avant l’avènement de l’omniprésence des médias, où le sport était accessible à tous. Il suffisait de prendre un ticket d’entrée au stade local pour assister à un match sportif qui le plus souvent mettait en valeur l’équipe locale face à une équipe de même niveau. A cette époque peu d’entre nous faisaient le parallèle entre sport et politique, bien que le monde entier avait en tête les Jeux olympiques de Berlin qui représentaient justement le contre-exemple. Puis vinrent l’engouement du grand public pour Le Tour de France grâce à la télévision qui s’imposait dans les foyers. Bientôt tout un chacun put suivre les sports les plus divers sans quitter son canapé. L’offre devenue pléthorique restait encore publique et populaire, le journal l’Équipe était un des plus diffusé d’une presse qui essaimait indifféremment dans toutes les couches sociales de la population. Fin des années 80, face à une professionnalisation de plus en plus visible, ce fut la création des Sociétés (sportives) d’économie mixte locale pour, disait-on, palier aux difficultés de financement des structures municipales et de leurs staffs de personnel dont les coûts de fonctionnement devenaient exponentiels. C’en était fini du sport amateur ! L’argent et son corollaire la politique avaient pris le pouvoir et les chaînes de télévision privatisèrent les diffusions de sports pourtant soutenus par de l’argent public ! A-t-on alors entendu des réactions d’indignation d’envergure à de telles spoliations ? Ben non, comme dans d’autres domaines le libéralisme triomphait dans l’indifférence générale et quand il n’existera plus de réservoir de talents potentiels, l’idée même de sport aura vécu

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