You are currently viewing Les amendes  liquidées et encartées

Les amendes liquidées et encartées

Lorsque vous êtes maire, l’un des sujets les plus sensibles pour les personnels placés sous votre responsabilité concerne la manipulation d’argent liquide. La loi est formelle : l’instauration de ce que l’on appelle une régie est obligatoire avec une régisseuse ou un régisseur dédié, responsable à tout moment des fonds qu’il manipule. Chaque euro doit être comptabilisé et un état des encaissement tenu de manière stricte. C’est ainsi que bien des secrétariats de mairie qui pratiquaient la possibilité de fournir à bon marché des photocopies ou qui récupéraient le paiement des restaurants scolaires ou des garderies ont abandonné.

Des contrôles inopinés des fonctionnaires du Trésor Public avaient parfois les allures de la vérification du montant des pièces de monnaie d’un troc d’église. Très souvent ces vérifications débouchaient sur la fermeture de la régie et celles qui demeurent nécessitent une attention particulière. Le plaçage sur un marché, la vente de billets ou de tickets pour un spectacle organisé par la puissance publique ou la récupération de fonds en liquide concernant l’utilisation du domaine public ne relève pas de la sinécure.

Quel que soit le secteur, le paiement des sommes dues à la puissance publique relève en France du parcours du combattant. Découvrir cette situation conduisant à un taux d’impayés volontaires ou involontaires illustre bien la déconnexion entre le pouvoir central et le terrain. Ce travail de recouvrement d’une dette appartient aux fonctionnaires du Trésor Public de moins en moins nombreux et surtout confrontés à la réalité sociale. Une saisie sur le salaire ou sur les allocations de solidarité après moultes rappels nécessitent des enquêtes quasiment policières. Les demi-pensions, les factures d’accueil périscolaire, de restauration scolaire atteignent un niveau de non-règlement de près de 25 % !

Quand le Président de ce qu’il reste de la République décide donc que les policiers ou les gendarmes auront en charge cet acte comptable il a une vision du fonctionnement de l’administration très approximative. Devront-ils créer une régie et où devront-ils remettre les sommes en liquide collectées ? Comment remettront-ils la « monnaie » ? Se promèneront-ils avec un mini-coffre en intervention dans le véhicule ? Bref pour une fois je partage le sentiment des syndicats de policiers qui dénoncent une mesure poudre aux yeux dont la mise en œuvre paraît au minimum compliquée.

Lorsque le paiement d’une amende ou d’un service public n’a pas été effectué ou recouvré, il appartient au Trésor Public après qu’il ait démontré avoir effectué toutes les démarches de solliciter de la part de celui qui a émis la facture l’admission en non-valeur. C’est à dire qu’il doit annuler la dette car le « recouvreur » a une obligation de résultat et peut-être considéré comme responsable. La complexité du processus méconnue du grand public mais bien possédée par les malins permet d’échapper à tous les contrôles. Les policiers ou les gendarmes qui ne pourraient pas recouvrer l’amende seront-ils considérés comme fautifs ?

L’annonce d’un règlement possible par carte bleue n’est guère plus probante. Un terminal par équipe de contrôle ? Qui paye les abonnements, les frais et la maintenance ? Comment contraindre quelqu’un a utiliser sa CB s’il affirme par exemple ne plus se souvenir du code ou s’il en tape un faux ? Les mineurs échappent à cette solution du paiement immédiat. Les personnes sans argent, sans CB aussi. Ils resteront dans les 65 % d’impayés. Bref l’annonce de l’installation de 5 000 terminaux d’ici la fin de l’été sans que soit réglé aucun problème d’utilisation constitue encore une idée de génie sortie pour tenter de juguler un phénomène non-maîtrisé : le trafic de drogue.

Les sommes colossales de l’économie parallèle sont beaucoup plus difficiles à contrôler, à saisir, à récupérer. Désormais inclus dans le calcul du PIB par l’Insee, le trafic de stupéfiants génère 2,7 milliards d’euros en France, soit un peu plus de 0,1 point. Sur cette somme, un milliard d’euros sont générés par le trafic de cannabis et 800 millions d’euros par celui de cocaïne. Le montant des sommes liées aux amendes se situe à environ 48 millions d’euros si elles étaient toutes payées dans les délais.

Les infractions au code de la Route rapporteront en 2023, 1,9 milliard d’euros à l’État. Un chiffre qui augmente de 150 millions d’euros par rapport aux recettes prévues pour 2022. Le plus rentable pour l’État, ce sont les excès de vitesse. Hors majoration, ils devraient rapporter plus de 750 millions d’euros en 2023. Il faut dire que le tarif des amendes pour excès de vitesse va de 70 à plus de 3.500 euros. Quel est le taux de recouvrement ? A vous de me le dire !

Cet article a 3 commentaires

  1. J.J.

    « C’est ainsi que bien des secrétariats de mairie qui pratiquaient la possibilité de fournir à bon marché des photocopies ou qui récupéraient le paiement des restaurants scolaires ou des garderies ont abandonné. »
    C’est le cas aussi des écoles ou les enseignants étaient chargés de collecter les fonds pour la cantine scolaire.
    Comme le paiement se faisait au trimestre à la perception, ne voulant pas garder de l’argent liquide, j’envoyais un chèque correspondant à la somme, évidemment en « contravention » avec le règlement et avec l’accord tacite des percepteurs : ça arrangeait tout le monde.
    Un jour j’ai eu la visite d’une nouvelle perceptrice, à cheval sur le règlement qui, au lieu de m’expliquer simplement qu’il fallait changer de méthode, m’a passé un savon mémorable, menacé de poursuites, m’accusant d’être « comptable de fait », et intimé l’ordre de lui apporter chaque semaine le résultat de ma collecte (24 km aller retour). Je lui ai demandé poliment qui me paierait mes frais de déplacement et le temps passé, ce à quoi elle m’a répondu que ça ne relevait pas de sa compétence.
    En réponse je lui ai signifié, toujours poliment, que ces tâches effectuées bénévolement ne rentraient pas dans mes attributions et ne relèveraient donc plus de ma compétence, qu’en conséquence, à partir de dorénavant elle ferait son affaire de la vente des tickets de cantine, et toujours très poliment je l’ai mise à la porte.
    C’est le garde champêtre qui a été chargé de cette mission, mais je me suis fait mal voir par le maire, accusé de « faire des histoires ».
    Il a d’ailleurs eu de la chance que je ne sois pas bavard(peut être auprès de la perception) , car de tous les maires que j’ai eu l’occasion de côtoyer, c’est le seul et unique que j’ai vu grenouiller et profiter de sa situation pour s’octroyer de nombreux avantages en nature(devis bidouillées, travaux curieusement entrepris par les mêmes artisans, et simultanément, comme par hasard, à son domicile et dans de locaux communaux etc.) probablement avec la complicité du conseiller général (un chaud lapin) avec lequel il entretenait des rapports quelque peu ambigus.
    Je le répète, je n’ai eu affaire qu’une fois avec ce genre d’individus qui déshonorent la fonction.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami J.J.…
      Mais qu’en termes galants ces choses-là sont dites… !

  2. patrickG

    Dans la continuité…
    Déconnexion avec le terrain, sentiment de toute puissance, amateurisme en tout, c’est le credo de la macronie qui n’entend pas se faire redresser par quiconque. Leur foi en leur vérité est sans limite et maudits soient les impudents qui tentent de se mettre en travers de leurs sinistres desseins. La République, c’est eux (tiens, tiens…) et ils n’entendent pas se laisser déposséder de la moindre parcelle de leurs acquis, comme leur usage de la Justice le montre. Ils sont aux manettes et n’imaginent aucunement que leurs actions puissent donner lieux à des poursuites judiciaires… à posteriori. Il est vrai que quand on voit le traitement médiatique réservé à un pourtant condamné (en appel…) il apparaît que le curseur de la bienséance s’est quelque peu déplacé. Alors permettre aux policiers de percevoir du cash c’est d’évidence les impliquer dans un système pervers dans lequel certains tomberont à pieds joints ! On ne peut que comprendre leurs organisations professionnelles qui ne veulent pas que leurs membres fassent l’objet de sanctions futures.
    Il n’y a pas si longtemps évoquer les démocraties « limites », les collusions mafieuses étatisées, les multiples mises en examen de ministre ou de député en fonction faisaient sourire les Français qui s’estimaient être à l’abri de ce type de dérives généralisées. Aujourd’hui, on ne peut que mesurer le degré de dégradation de l’esprit républicain réalisée en seulement quelques décennies. Le citoyen n’est plus qu’un objet jetable qui ne sert qu’au moment de se faire élire. Sa non-inscription automatique sur les listes électorales a d’ailleurs grandement facilité son déclassement… au seul profit de l’extrême droite

Laisser un commentaire