Entre la désinformation, la non-information, la manipulation, la propagande, l’approximation il faut une dose de citoyenneté considérable pour dénicher des éléments de réflexion permettant de comprendre les événements. Tous les jours de manière obscure ou insidieuse le système médiatique s’enfonce dans le marécage de l’assujettissement à des pouvoirs mettant en péril ce qu’il nous reste de la démocratie.
Tout le week-end la marche vers Moscou des mercenaires de Wagner a mobilisé des heures et des heures de supputations, de péroraisons, de satisfactions ou de jubilations révélatrices de ce qu’est devenu une large part du milieu médiatique. Peu ou pas de place pour l’un des faits les plus inquiétants : l’arrivée sur décision de l’actionnaire majoritaire d’un directeur de la rédaction ayant affiché clairement des positions discutables dans l’un des journaux référence de la presse nationale.
Geoffroy Lejeune bombardé dans le siège de directeur de la rédaction du Journal du Dimanche a été viré de Valeurs actuelles en raison de la stratégie adoptée par ce magazine durant la campagne présidentielle, notamment une trop grande proximité avec le candidat Zemmour et Marion Maréchal qui le soutenait. Le Libanais Iskandar Safa propriétaire du titre aurait plusieurs fois demandé lors des comités stratégiques et des conseils de surveillance du journal que Valeurs actuelles ne ne soit pas le journal d’un seul candidat mais rester celui de toutes les droites. Une orientation restreinte qui a le mérité d’être un minimum pluraliste et qui n’a même pas été respectée.
Le propriétaire de Valeurs actuelles reprochait aussi au directeur la responsabilité d’une dégradation des comptes du journal qui pourraient basculer dans le rouge sur l’exercice 2023 alors qu’ils étaient excédentaires lors des exercices précédents. A la fois un problème d’éthique et de gestion pour ce licenciement qui n’a pas soulevé la moindre contestation au sein de la rédaction tant la situation devenait compliquée. Il n’est pas resté longtemps sans emploi !
Un média quel qu’il soit ne saurait être considéré comme une entreprise « ordinaire » en raison de la nature même de sa mission. Incapable de vivre du seul produit de la vente de leur publication, les journaux s’en remettent à la manne financière de la publicité ou de « patrons » venus pour constituer des empires diversifiés pouvant servir leurs intérêts économiques et… politiques. Cette tendance s’accélère et les faits démontrent un cynisme concret reposant sur un simple principe, celui de la mainmise directe ou indirecte sur le réseau d’information.
Les sociétés des journalistes et rédacteurs de BFMTV, Challenges, Courrier international, France 24, France 3 Rédaction nationale, franceinfo.fr, France info TV, France Télévisions Rédaction nationale, L’Express, L’Humanité, L’Informé, L’Obs, L’Usine nouvelle, LCI, Le Figaro, Le Monde, Le Parisien, Les Échos, Libération, M6, Mediapart, Midi libre, NRJ Group, Paris Match, Premières Lignes, Radio France, RFI, RMC, RTL, Sud Ouest, Télérama ont apporté leur soutien à leurs collègues du JDD. Une réaction qui aurait du être bien plus large tant cette situation témoigne d’un mépris absolu pour le métier de journaliste. Probablement que certaines rédactions n’ont pas pu être contactées ?
Le vrai problème réside dans le fait que tous les pouvoirs politiques ont toujours imaginé qu’une presse indépendante était dangereuse et qu’ils n’ont jamais vraiment préservé son statut. Affaiblies par l’indifférence et la baisse de la capacité à lire, les publications écrites ou numériques nationales sont ignorées par 41 % de la population française et seulement 12 % en lisent une partie quotidiennement. Un constat alarmant ! Pour survivre les éditeurs ont besoin des soutiens de l’État votés chaque année dans la loi des finances et donc aléatoires et plus encore des fonds apportés par l’actionnaire principal.
L’indépendance reste donc un concept que seuls les rédacteurs peuvent défendre. A 99 % les salariés du JDD ont témoigné de cette volonté de la préserver après l’annonce de l’arrivée du Directeur d’un journal plusieurs fois condamné pour des contenus extrémistes ne permet pas de garantir. Cette nomination devrait provoquer un vrai débat dans un pays comme la France. La Ministre de la Culture a fait part de sa vivre inquiétude pour les « valeurs républicaines ».
L’étendue de l’empire Bolloré sur les médias français constitue déjà une atteinte profonde et durable à ces valeurs. Il serait temps d’agir plutôt que de s’indigner. Une préservation de l’indépendance des rédactions n’est pas encore prête à voir le jour. Pourtant ça urge puisque 66 % des Français estiment que les journalistes ne résistent pas aux pressions des partis politiques, du pouvoir ou de l’argent. C’est faux mais… le mal avance. Bolloré comme ses confrères pratique en effet le coup d’état médiatique permanent. Le problème c’est qu’il laisse indifférent tout le monde. Ou presque
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Le fait que vous ayez mis le titre de Sud-Ouest en gras ne m’étonne pas du tout en tant qu’abonné. C’est un journal de province, jadis valeureux qui aujourd’hui accumule les ratages – dont celui tout récent de la vieille agressée par un fou cours de la Martinique à Bordeaux – pour ne faire de peine à personne, essentiellement à gauche. Il est désormais incapable d’obtenir la moindre information culturelle, le moindre reportage de faits divers, et la moindre analyse politique sur le marasme ambiant. C’est bien dommage car on ne sait plus à quel journal se vouer.
C’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures recettes
Un pays qui par le passé a rayonné dans le monde entier grâce à son Histoire tombe-t-il plus facilement que ses voisins dans le recyclage permanent des pratiques fallacieuses du pouvoir en place ? Personnellement je le crois. Depuis la « fin » de l’épisode retraites, il est difficile de ne pas voir dans l’hyper activité tout azimut de son président un retour à un sarkosysme saturant tout l’espace médiatique. Un feuilletonnage dont les annonces successives permettent d’oublier la précédente dès qu’elle est consommée… Ce gavage à l’excès d’un système contrôlé politiquement et phagocyté par l’économie relègue toute opinion non mainstream au souvenir d’une presse libre d’antan. Ce constat fait, n’en est-on pas collectivement responsable ? Même les télés et radios que l’on qualifiait de publiques sont polluées par des publicités de plus en plus intrusives. Ce n’est que la conséquence normale de l’abandon de leur financement par la redevance à celui du privé sans qu’aucun mouvement de contestation d’envergure ne vienne troubler un objectif pourtant facilement identifiable. Quand leurs ondes sont expurgées des poils à gratter que sont les humoristes dérangeants, ne s’agit-il pas là du signal ultime que l’idéal de démocratie est d’ores et déjà passé par pertes et profits ?
Finalement, ne sommes-nous pas devenu le peuple le plus stupide des pays dits avancés pour ne pas nous rendre compte que nous sommes précipités « manu-militari » vers une gouvernance totalitaire sans espoir de retour rapide ?
« Tout le week-end la marche vers Moscou des mercenaires de Wagner a mobilisé des heures et des heures de supputations, de péroraisons, …. »
Ça me rajeunit et me rappelle l’événement crée par « un quarteron de généraux factieux » que l’on soupçonnait de nous envoyer les braves parachutistes « putchiser » en métropole.
La mobilisation avait été générale, et je m’étais retrouvé, arrivant de mon poste en campagne, à défiler en manif de soutien au gouvernement avec entre autres, la CGT, le « patron » et un maître d’application.
Quand on voit ce qu’est devenu le Canard, qui fut un journal sérieux, il n’y a pas de quoi être optimiste.