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Ici et ailleurs (47) : l’homme à la guitare aux douze cordes

Avant même la naissance de « Point Zéro », Alain avait un vêcu musical assez conséquent. Il a appartenu à divers groupes de rock ou d’accompagnement ayant eu des existences plus ou moins compliquées. « Le plus important fut celui des « Nashmen ». Nous étions en 1964-65 quatre musicos avec d’improbables pseudonymes. Pour ma part je me faisais appeler Phébus et les autres étaient devenus Dany, Cambouille ou John Perkins . Nous répétions dans une petite cour d’un appartement de la rue Kléber à Bordeaux. Nous donnions des soirées ou nous assurions quelques bals dans le département ». Ils connurent un réel succès malgré un nombre croissant d’ensembles similaires. 

Les Nashmen eurent durant quelque temps une figure sadiracaise comme impresario autoproclamé, un certain Jacky de Oliveira prompt à jongler avec les principes établis du milieu des contrats. Alain en rit encore sauf de la soirée où Jacky sortit de la boite à gants de son automobile un « pétard » lorsque le bassiste annonça le départ du groupe pour une autre destinée musicale. Une anecdote qui correspond tout à fait au personnage ayant fréquenté les franges risquées de la vie sociale.

Les Nashmen (en hommage à la célèbre cité américaine de Nashville) parvinrent à subsister durant trois ans. Une période au cours de laquelle en 1965 alors que le quatuor répétait dans son local bordelais exigu, il vit arriver un duo dont ils ne connaissaient que l’un des membres. « C’était un copain qui passait de temps en temps nous voir. Il nous expliqua qu’il revenait de Paris en deux Chevaux. Il nous présenta celui qui l’accompagnait comme étant Michel un musicien très doué mais n’entra pas davantage dans les confidences. Comme le voulait les habitudes d’alors nous n’en avons guère sollicité d ‘autres.»

Les seuls vrais souvenirs marquant d’Alain de cette rencontre concerne la participation du nouvel arrivant à la pause casse-croûte des Nashmen. «  J’eus l’impression qu’il n’avait pas mangé depuis assez longtemps car il s’attaqua au saucisson et aux cacahuètes avec entrain. L’autre particularité c’est qu’il possédait une guitare douze cordes ce qui révélait son goût pour les sonorités acoustiques américaines. La douze cordes était mythique. » Michel ne put résister à la tentation de la sortir de son étui pour décliner son savoir-faire. Le gars était incontestablement doué.  Quand la soirée s’acheva, Alain apprit que le Beatnik à l’opulente chevelure brune ondulée s’appelait Polnareff sans que bien évidemment ce nom corresponde à ce qu’il allait porter quelques mois plus tard.

Au fil des jours, sans domicile fixe, il s’installa et se réconforta chez le copain qui lui avait servi de chauffeur. Il revint donc de nombreuses fois aux répétitions du groupe étalant un savoir-faire musical hors du commun. Il n’était guère disert sur son parcours. Michel était parti de chez lui pour tenter sa chance dans la chanson. Il fuyait son père russe, compositeur reconnu qui distribuait généreusement des baffes et des coups de ceinturon. Le guitariste avait survécu en faisant la manche à Paris aux terrasses des cafés ou sur les marches du du Sacré-Cœur.

« Il fredonnait un air et des paroles que nous ne connaissions pas avec comme sujet une histoire de poupée… qui ne parlait guère au rockers présents. Un soir de concert Michel se mit au piano (1) et ce fut un régal. Là il fredonna un refrain autour de « Love me » qui tapa dans l’oreille des présents. Il inventait sans arrêt et améliorait ses trouvailles au fil des jours. » se remémore Alain. Discret, un brin réservé, pensant musique, mangeant musique, respirant musique Polnareff n’avait absolument aucune notoriété.

« Un jour, il nous annonça qu’il retournait à Paris et nous ne l’avons plus revu avoue Alain. Sauf qu’un matin en allumant le transistor sur Europe n° 1 j’entendis début 1966 un gars chanter « la poupée qui dit oui, qui dit non ». Un choc ! Nous n’avions pas trop cru en lui quand il nous disait qu’il irait enregistrer ses chansons à Londres. Nous avons vite appris que c’était le cas. Et il sortit une suite de tubes dont le fameux « Love me, please love me » dont nous connaissions l’essentiel ». Celui qui allait devenir chef d’orchestre avoue qu’avec le recul du temps, il a côtoyé sans le savoir un grand de la musique. Les hasards des programmations avec bien d’autres artistes lui permettra de le croiser. « Il était sur une autre planète. Son passage avec les Nashmen était très loin ». Il en garde seulement quatre petites photos dans son classeur des souvenirs qui en regroupe tant d’autres dont nous parlerons demain (à suivre)

(1) Polnareff dont le père fut un compositeur reconnu, avait appris le piano sous la férule paternelle dès 4 ans avant d’obtenir un prix de solfège du conservatoire de Paris à 12 ans

La photo du bandeau : un duo entre Phébus (Alain) et Polnareff

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Cet article a 14 commentaires

  1. J.J.

    Ça fait drôle, ce genre de rencontre. c’est comme ça que le souvenir d’Eddy Mitchel était resté bien présent à Monthléry où il avait fait ses classes avant de partir en Algérie et où il m’est arrivé d’incorporer des guitaristes des Chaussettes Noires, Chats Sauvages et autres personnages plus ou moins connus, comme par exemple le futur maire du XIV ème arrondissement qui a marié Michel Rocard.

  2. Daniel Ducasse

    Merci pour ce rappel de souvenir trés bien écrit dans l’esprit de l époque, on peu faire plus long mais on à plus le temps ! DANY

  3. christian grené

    Y’en a marre de Lascourrèges et Cardona, Paul Nareff et le bal des nases, rendez-nous notre Johnny… Walker!

    1. Jacky Cardona

      Hé…Grené…! Tu vas te calmer? Prends tes pilules
      Oublie ton Johnny…Walker et pense à se pauvre
      Paul….Ricard qui a été oublié dans le tiroir d’un
      bureau de la rue Victor Hugo. Hi,hi,hi…
      Biz

      1. christian grené

        Salut Jacky, je ne savais pas que tu suivais en « roue libre ». Mais le vélo est bien l’anagramme de love. « Love me. Please love me! » qu’il chantait Paul Mc Cartney… Euh! Paul Nareff

  4. Pierre Lascourreges

    Ne te plains pas Chrichri , je n’ai pas encore chanté ce mois ci….

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à Pierre Lascourreges
      C’est pour ça que nous avons attendu aussi longtemps la pluie… !

  5. Bruno DE LA ROCQUE

    Chronique et… photos qui m’ont plus qu’intéressé ; Jean-Marie pour moi « démarre » fin des années 70 quand nous nous battions en soutien de Michel Rocard. Je me doutais (évidemment !) qu’il y avait un avant… mais ne soupçonnait pas celui-là.
    Un Jean-Marie qui doit ce jour me trouver bien couillon car j’avais vu ce matin ces photos sur fesse-bouc et j’avais tiqué sur une que j’ai ainsi commentée : « Michel Polnareff ? », puis voyant qu’en fait il y avait un groupe, je me suis repris, j’ai cherché dans les nez pointus et lunettes et j’ai trouvé… John Lennon. Alors j’ai modifié mon commentaire et ai ajouté quelque chose comme « plutôt John Lennon, non ? ». Couillon, mais tout de même un premier jet : ON DIRAIT POLNAREFF !

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mi compañero Bruno
      Nostalgie… Nostalgie… Je te garde dans mon cœur…

    2. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami Bruno
      Petite correction…  » je te garde dans mon cœur… »

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami Bruno
      « Faute avouée est à moitié pardonnée »… Mais comme tu es mon ami, je t’en excuse totalement…

  6. Philippe Conchou

    Polnareff vu en 70 au casinos d’Andernos. Un régal à la portée de tous.

  7. Sanchez henri

    Merci Jean-Marie et Alain (Phoebus) pour ce retour en arrière dans les Années Magiques que nous avons vécus tout en étant acteurs….Point Zéro évidemment, Momo a fait un passage chez nous Les goodwils et ensuite la création de Th Marcus qui a connu un parcours assez proche dans toute la France….J’ai rencontré plusieurs fois Phoebus et notamment à la présentation de ton dernier livre à Créon . On retrouve d’ailleurs ces belles histoires dans l’ouvrage « Bordeaux Rock .Merci pour cette chronique ciselée à toi et à Alain…. Merci également à Bernard Castaingt qui m’a permis de découvrir ROUE LIBRE …. Bises henri Sanchez

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