Ici et ailleurs (4) : l’albatros survole mes souvenirs
C'était un lundi soir de 1963, il y a presque soixante ans. Inimaginable à notre époque, et encore plus surprenant en ce temps là. Il était là, devant moi, accoudé au comptoir nettoyé à la hâte par la main respectueuse de Marcelle l'employée des lieux, avec son torchon humide comme ce vent qui efface le brouillard là-bas, dans les plaines flamandes. Installé sur un tabouret, tirant sur des cigarettes Boyard énormes, le regard tourné vers un plat pays qui n'était que le sien ; des demi-bottes marron aux pieds, une allure dégingandée, nonchalante, absente ; enveloppé dans des volutes sveltes et argentées : Jacques Brel était ailleurs !