Durant des décennies les « hussards noirs » de la République ont considéré que leur métier ne s’arrêtait pas avec le son de la cloche indiquant que l’école était finie. La très grande majorité d’entre eux passée par le creuset de l’École Normale avait appris que l’éducation suppose l’exemple de l’engagement. Les patronages laïques, les clubs sportifs, les foyers ruraux, la mutualité, le soutien scolaire, les mouvements pédagogiques ou les associations de solidarité : chaque personne de ma génération a forcément un exemple de ce rôle social au sens large du qualificatif joué par un « instit’ » ou un prof. Combien d’entre nous ont découvert le foot, le rugby, le basket, l’athlétisme ou se sont produits en public grâce à cette investissement hors temps scolaire d’un enseignant dont il conserve le souvenir.
Cette place dans le quotidien des villages ou des quartiers appartenaient à la fonction elle-même. J’ai moi-même en mémoire des dizaines de noms de ces animateurs dont on parle encore dans l’histoire locale. Je suis certain qu’il vous est aisé de trouver ces porteurs passionnés de l’action collective marqué par la volonté de conjuguer instruction et éducation. Certains ont tenu toute leur vie sans défaillance à développer la citoyenneté sous ses formes élémentaires mais exemplaires pour bien d’autres. Il a été assez reproché aux enseignant(e)s leur participation à la politique surtout dans les années d’après la dernière guerre mondiale. Les partis de progrès leur doivent beaucoup !
La disparition des écoles normales a généré une dislocation du socle d’une formation qui constituait véritablement une incitation à agir pour le respect et le développement des principes républicains. La notion de « mission » imprégnait avec plus ou moins de force le fonctionnement de ce « séminaire laïque ». Dans tous les domaines la nécessité de construire la fraternité par des actes concrets, respecter l’égalité d’accès au savoir et aux développement culturel, la liberté vis à vis des pesanteurs sociétales était à la base de leur dévouement. C’est ainsi que voyages, classes de mer ou de neige, études du soir, sport scolaire éducatif, concerts mobilisateurs, kermesses rassemblant dans l’action la communauté éducative constituèrent des éléments formateurs d’une vraie démocratie participative locale.
Les réformes successives basées strictement sur des évolutions de statut pour les enseignant(e)s et des ajustements de contenus du temps scolaire ont inexorablement détruit cette extension d’un métier soumis aux aléas des ministres pensant surtout à leur popularité. Faute de « moteurs » convaincus les initiatives péri-scolaires ont totalement disparu et l’engagement dans la société s’est étiolé. Les récentes crises ont achevé les quelques structures restantes surtout que la « consommation » du système éducatif s’est dans le même temps accentué. L’école dont a vanté l’importance durant la pandémie a surtout servi à éviter l’effondrement du monde du travail tributaire de la « garde des enfants ». En première ligne et avec la volonté réelle de maintenir un lien avec leurs élèves, les profs ont majoritairement fait face à un contexte délirant.
La cacophonie pour ne pas écrire la pagaille causée par les directives ministérielles resteront dans l’Histoire de la pandémie. Encore une fois le service public a été mis en confrontation avec les usagers que sont devenus les parents. Quand le maximum a été réalisé pour conjuguer ouverture des établissements et consignes sanitaires dans une ambiance chaotique la tendance aura été de lui faire porter les manquements du pouvoir centralisé et déconnecté des réalités. L’éternel système des « primes » a été utilisé pour éteindre les velléités de révolte comme dans tous les autres secteurs de la fonction publique. Il ne tiendra pas à l’épreuve du temps. Le système est à bout de souffle car il est confronté aux limites de son pouvoir en matière éducative. Les inégalités culturelles, matérielles, sociétales accentuent les difficultés d’un métier sans cesse montré du doigt directement ou indirectement.
La défiance présente à tous les niveaux dans le pays est énorme au sein de l’éducation nationale et il paraît difficile qu’elle s’évapore après les échéances électorales. Coincés entre un Etat et des parents qui leur refusent la reconnaissance que majoritairement les profs méritent, les voici accusés de ne pas en faire assez. Lors de la présentation du programme « présidentiel » il n’a pas fallu être dupe pour comprendre que les enseignants ne fournissaient pas suffisamment d’efforts. Les fonctionnaires de la rue de Grenelle sont donc passés en deux ans de pandémie du statut de cueilleur de fraises à celui de bonnes grosses feignasses. Si depuis de nombreuses années, la mode est de critiquer les profs, la tendance lourde du prochain quinquennat sera de les clouer au pilori des idées reçues de l’opinion dominante. Bien entendu cet anathème ne vise pas le système privé lucratif qui lui aurait parfaitement rempli le contrat et n’a connu aucun manquement. La leçon du service public de santé n’a pas été retenue et on ira donc vers des périodes difficiles !
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« La disparition des écoles normales a généré une dislocation du socle d’une formation qui constituait véritablement une incitation à agir pour le respect et le développement des principes républicains. »
La disparition des écoles normales !
Elle avait déjà été effectuée brutalement pendant le règne du ci-devant maréchal.
Ses dignes successeurs ont agi de façon plus cauteleuse en les transformant d’abord en IUFM, puis en ESPE, puis en ENSPE devenus évanescents.
L’École normale de garçons la Charente a été regroupée avec l’ENF pour « raisons économiques ». L’ENF a abrité quelque temps ensuite les nouveaux machins. Elle est maintenant fermée et les services qui s’y trouvaient ont été exilés dans le « campus » (sic) d’Angoulême. Les anciens locaux que l’ancien conseil départemental (majorité de droite)se proposait de vendre à une école élitiste made in USA semblent maintenant à l’abandon. Désolant !
@ à J.J.
Coucou ! Me revoilà…
Personnellement, je ne me désole pas que le projet… » de vendre à une école élitiste made in USA semblent maintenant à l’abandon. » !
Une petite pensée aussi à ces instituteurs laïques, mutualistes, bénévoles, qui en 1937 ont crée le Groupement des Campeurs Universitaires (GCU), pour faire vivre l’été, sur des terrains loués et autogérés, leurs idéaux de liberté, d’égalité, de fraternité et de solidarité…
Comme elle est loin aujourd’hui cette belle utopie de la « Républiques des campeurs » dans un monde de la marchandisation des loisirs!
@ à Jean-Pierre
L’emploi de certains mots nous a coûté très cher… celui « d’autogestion » est de ceux-là !
Extrait de ma revue de presse de ce matin(je lis aussi le Figaro).
https://www.legrandsoir.info/les-sanctions-de-biden-contre-l-afghanistan-affamer-un-peuple-commettre-un-genocide-counterpunch.html
Bonjour,
Fin de l’École Normale, les IUFM prendront le relais pour la formation des futurs instituteurs. Interviewé, Jérôme CHAPUISAT, recteur de l’Académie d’Amiens, explique ce qu’apportera ce changement : « L’adjectif universitaire signifie qu’à la formation professionnelle dont les maîtres ont besoin, nous souhaitons ajouter une formation universitaire très complète ». Et voila tout cela date du début des années 1990, la même démarche voulue en hauts lieux correspondant avec l’arrivée des chargés de Ressources Humaines dans les entreprises et toute la société Française. L’individu transformé en ressource interchangeable et jetable comme tout produit de consommation. La dimension Humaine, qui sous-tendait l’ensemble des relations inter-personnelles dans les structures de la société, gommée, effacée définitivement laissant place à des logiciels et des gestionnaires inhumains.
Il fallait détruire à la racine tout esprit de corps dans les professions, esprit de corps jugé comme un frein aux changements. Et c’est ainsi que furent fermées TOUTES les institutions de formation des jeunes gérées par les entreprises nationales SNCF, EDF et autres. Il fallait détruire ces entités, chaudrons maléfiques qui formaient si bien l’esprit de service public au service de la nation. Entités qui forgeaient l’élite des mouvements sociaux politiques et syndicaux, porteuses de l’esprit « maison » au service du bien commun.
Tout cela augurait l’adhésion à l’indispensable mondialisation ou chacun est en concurrence avec une autre « ressource humaine » ( sans majuscule cette fois! puisque la ressource est maintenant mondialisée). Il fallait détruire ces lieux de communauté d’esprit qui voulaient construire un autre monde avec l’aspiration vers le meilleur pour le collectif. Détruire le collectif pour prôner l’individualisme forcené, faire entrer de force les bas instincts de réussite individuelle justifiant toutes les formes de prostitution morales … Trente années plus tard, le plan a bien fonctionné chacune et chacun ne se préoccupe plus que de sa propre personne, ainsi tout est en passe de privatisation et nous nous retrouvons privés de tout !! Les services publics regroupés dans des maisons » France Services » la médecine de plus en plus lointaine résumée aux » cabines de téléconsultations » et bientôt la coloscopie au bureau de tabac ! Le bénévolat ne repose plus que sur des « vieux » militants humanistes épuisés et usés par le manque de relève.
Les militants politiques » purs et durs » se réunissent maintenant dans les cabines téléphoniques, recyclées à cet usage, tellement ils sont peu nombreux face aux arrivistes prêts à vendre mère et enfants pour réussir à gagner plus… Gagner plus, gagner plus le moteur de la société de consommation, pour acheter des choses aussi clinquantes qu’inutiles contribuant ainsi à l’épuisement des ressources et aux pénuries mortelles génératrices de guerres encore plus mortelles!
Une campagne présidentielle où là aussi on flatte les bas instincts individualistes et on met à l’index les « assistés », lamentable !
« On a les hommes politiques que l’on mérite », dit le philosophe André Comte-Sponville
Bonne journée
@ facon jf, pas tout à fait en accord avec ce philosophe que je ne connais pas.
Les politiques font leur tambouille ensemble. Voter ou non ce sera la même chose que ce que nous avons connu. Je sais bien que la pandémie revient.
Ce qu’il me faudrait est un président de la République ouvrier.