Depuis maintenant près de deux décennies Michel expose des sièges au coin de la Place de la Prévôté. Des chaises ou des fauteuils d’antan dont le siège mérite d’être rénové ou même totalement restauré. A partir du moment où le « squelette » du mobilier tient encore le coup il est toujours possible de redonner une allure conquérante à ces espaces où le commun des mortels peut poser son séant. Rares sont les artisans de son espèce capables d’effectuer des travaux de paillage ou de cannage dans les règles de ce qui est un art. Des spécialités en voie de disparition.
« Chez nous c’est une tradition familiale. Mon père avant moi travaillait sur l’osier. Il tressait des paniers, des corbeilles, des plateaux comme savaient le faire bien des gens du voyage. C’était un travail compliqué mais moins précis que celui que j’exerce actuellement. Je l’ai appris mais j’ai préféré apprendre les techniques d’autrefois sur les sièges. » Michel attend le client ou plus souvent la cliente qui témoignerait d’un attachement à des legs du passé en plus ou moins bon état.
« Le métier est devenu extrêmement difficile car on sent bien que ce qui appartient au siècle dernier n’est plus à la mode. Les « vieilleries » se jettent facilement. On remplace l’assise de chaises ou de fauteuils par des matériaux réputrés plus solides et moins chers venant de Chine. » avoue le « rempailleur » désabusé. « J’ai des demandes et des contacts mais de moins en moins de commandes. Ce n’est pas qu’un problème de coût mais surtout de goût et de priorité dans les dépenses. »
Les vieilles chaises cannées ou paillées ont pourtant un charme particulier et apportent une touche rustique très appréciable aux intérieurs des maisons anciennes. Mais ce paillage et ce cannage ont tendance à s’abîmer avec le temps même s’ils sont souvent extrêmement solides et résistent des dizaines d’années. Il est alors indispensable de rempailler ou refaire le cannage. Même si ces opérations ne sont pas très complexes, elles demandent méthode et patience à cause de la précision de l’opération.
« Il me faut entre 6 et 8 heures pour refaire entièrement un cannage ou un rempaillage selon la surface concernée et surtout le motif. Je ne tiens pas cette durée d’ une seule fois car le boulot à l’aiguille nécessite une attention particulière et les mains souffrent. Le plus exigeant reste le rempaillage que l’on pense facile mais qui ne l’est pas ! » En effet si l’on veut rester fidèle au matériau d’origine qu’est la véritable paille utilisée depuis des siècles. Elle est extrêmement difficile à mettre en œuvre.
« Normalement, on utilise plusieurs brins de paille de seigle que l’on torsade régulièrement pour en faire une sorte de corde, qui sert au rempaillage de chaise. C’est long, pénible et peut donner un résultat très aléatoire si l’on maîtrise mal cette technique. Je l’achète toute prête du coté de Nîmes et je suis incapable de vous dire son pays de fabrication. La solidité du rempaillage dépend de la grosseur de la ficelle mais aussi de son serrage » Michel sait fort bien que la relève n’existera pas parmi ses fils et que son savoir-faire se perdra.
Les temps changent et la paille qui nécessitait une longue préparation manuelle avec du raphia, des tiges de céréales, de la paille des marais ou laîche, de la paille de seigle traitée ou paille dorée, du carex, des feuilles de maïs, du scirpe ou jonc a cédé la place à des matériaux artificiels d’imitation.
Pour le cannage la technique est différente. La réparation ou le remplacement devient alors le choix essentiel. « Les brins de rotin viennent là aussi de Nîmes où il y a une boutique spécialisée. La rénovation c’est comme la reprise d’une dentelle. La patience et la précision sont essentielles. Maintenant on remplace l’assise par du cannage industriel. Il suffit alors de bien l’adapter au siège, de la fixer ou de la coller. Rien de facile malgré ce que l’on pense » Michel retrouve souvent des chaises très vite abîmées qui ont été bricolées.
En cette rentrée sur la vaste terrasse de la place de Prévôté, les chalands ne semblent guère préoccupés par d’autres soucis que celui de l’état de santé… de ces sièges de parents ou de grands-parents. Masqués et pressés ils ne jettent même pas un regard aux « objets témoins » disposés sur la rue. « Ou il n’y a plus d’argent ou celles et ceux qui l’ont ne veulent pas le dépenser » constaté Michel. Dans le fond il est fort possible que personne ne souhaitent se mettre sur la paille en cette période de doute.
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« ….on sent bien que ce qui appartient au siècle dernier n’est plus à la mode »…..Jusqu’à ce que ça y revienne, mais il sera trop tard.
Ce genre d’objet sera alors très recherché et se vendra ou s’échangera contre des choses « à la mode » .
Cela s’est produit dans les années 70 où les antiquaires et autres brocanteurs couraient les campagnes à la recherche de meubles rustiques qu’ils échangeaient contre du « formica qui n’avait pas la cote auprès des amateurs d' »authentique » :
« Depuis longtemps ils en rêvaient
De la ville et de ses secrets, du formica et du ciné…. »
Ce qui se révèle à l’usage une opération moins désavantageuse qu’on l’a cru : le formica coté « vintage », introuvable en neuf, est particulièrement solide et garde un bel aspect par rapport à la pacotille scandinave par exemple.
« Se mettre sur la paille… » c’est peut-être pour bientôt, si j’en crois les annonces des nombreuses augmentation… !
Sont-elles vraiment finies ? En réalité, n’est-ce pas le/la Covid qui nous ont mis sur la paille ? !
La Covid a le « dos large ». Comme bien d’autres calamités c’est souvent l’argument, en organisant la pénurie, pour procéder à des augmentations et surtout les surévaluer, au détriment du consommateur, et pour le plus grand profit de portefeuilles déjà débordants.
OUPS ! nombreuses augmentations…
Là aussi le carburant a bon dos, c’est en fait une stratégie mise au point par les possédants ou vautours en puissance en temps de crise, et largement exploitée en pendant les périodes troublées : ça a fait les beaux jours des adeptes du marché noir pendant l’occupation.
Certains disposaient en abondance de toutes sortes de biens sur lesquels ils faisaient des bénéfices énormes pendant que la population subissait la pénurie plus ou moins organisée.
Lire ou relire le livre, ou voir le film « Au Bon Beurre » de Jean Dutour, qui décrit avec fidélité et exactitude les activités peu honorables et lucratives d’un couple de commerçants.
Je profite des dimanches sans « Roue Libre » pour reprendre la lecture de nos échanges passés entre amis-es…
Pour expliquer toute société, gardons en mémoire cet adage : « L’homme est un loup pour l’homme »!
Je suis tentée d’y rajouter le mot « louve », car il existe aussi des femmes dont l’ambition est si grande que leurs
ratiches (dents en argot) traînent par terre…