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« Devenir un passeur de mémoire »

Voici un entretien accordé autour de mon livre « Les 9 vies d’Ezio » en pré-vente sur https://jeanmarie-darmian.fr/

 Pourriez-vous en quelques lignes vous présenter et présenter votre parcours professionnel et littéraire ?

    Fils et petit-fils d’immigrés italiens ayant connu un parcours commun à tous les gens espérant une vie meilleure loin de leurs racines, j’ai bénéficié de leur volonté farouche de s’intégrer  et de me permettre d’accéder à l’ascenseur social.

Devenu instituteur en 1963 via le creuset laïque de l’École Normale j’ai pu ainsi leur apporter la satisfaction qu’ils attendaient de moi : être mieux socialement qu’eux! Ancien élève de la pédagogie Freinet puis enseignant sur les principes de cette méthode d’émancipation, d’autonomie, de responsabilisation et d’expression personnelle j’ai exercé dans le villages de mon enfance, privilège rare.

    Mon goût pour l’écriture m’a conduit à devenir journaliste professionnel ou pigiste dans l’actualité locale ou le sport avant de me tourner vers la publication d’ouvrages très diversifiés toujours liés à mes parcours personnels. La volonté permanente d’utiliser tous les supports pour transmettre, pour devenir un passeur de mémoire est omniprésente dans mes livres.

Tant comme enseignant, comme journaliste ou comme élu local (maire de Créon, l’une de mes communes d’origine, durant 20 ans) engagé sur l’autogestion associative citoyenne j’ai accumulé les expériences, le sensations, les histoires qui meublent les livres que je publie. Tous sont en effet les reflets de mon parcours ou de ceux des personnes attachantes que j’ai pu rencontrer.

    Je suis un enraciné sur cet Entre-Deux-Mers girondin, tellement attachant mais méconnu que je n’ai jamais quitté, un enraciné dans les origines de ma famille et viscéralement attaché à ce que je dois à cette force qui se dégage du chemin parcouru par mes grands-parents et mes parents.

D’où vient votre idée pour les 9 vies d’Ezio ?

Le débat actuel sur l’immigration occupe de manière totalement absurde une société française ayant oublié ce que les »gens venus d’ailleurs » lui ont apporté. En tant qu’élu local et militant associatif je suis au contact de ces jeunes et moins jeunes qui bravent tous les dangers, affrontent toutes les vexations, se retrouvent dans des situations déplorables mais qui gardent ancré dans leur esprit et leur cœur l’espoir de pouvoir, un jour, accéder à un monde qu’on leur a présenté comme meilleur que celui qu’ils ont quitté.

J’ai voulu à travers l’histoire des 9 vies d’Ezio démontrer que la société a immuablement le même comportement à l’égard de ces femmes et ces hommes qui arrivent. La rencontre avec l’histoire d’un vieil homme, immigré italien, ayant traversé le XX° siècle, dont les épreuves réelles et vérifiées m’ont inspiré et permis de rassembler des personnages adaptables à notre monde moderne.

Pour vous le racisme « anti-rital » décrit dans votre livre est-il toujours d’actualité ?

Je l’ai rencontré tant dans mon enfance, mon adolescence et ensuite dans la vie publique. Quoi que j’ai pu faire j’ai toujours été, pour certain.e,s avec plus ou moins d’intensité, un fils de « macaronis » dans le dit et le non-dit! Je crois que j’ai transformé ces attitudes en atout pour doper ma volonté de réussir comme Ezio.

Le racisme traverse les époques. Il ne change pas. Il s’adapte en adoptant d’autres mots, d’autres attitudes, d’autres reproches mais demeure plus fort que jamais. C’est une gangrène sociale parfois silencieuse mais permanente surtout lorsque les crises sociales apparaissent que cette histoire d’Ezio concrétise.
Quel message voudriez-vous faire passer à vos lecteurs ?

Le parcours d’un immigré est universel. Il passe par des étapes immuables. D’abord tout être humain qui quitte son village, son pays, ses racines est animé de l’espoir d’une vie meilleure dans un monde différent de son quotidien. Il fuit souvent l’oppression sous toutes ses formes (économiques, religieuse, sociale, ethnique…) Il affronte la misère, les dangers, la peur avec souvent une solidarité des gens qui ont la même envie de réussir ailleurs. Il s’accroche à des bribes de sa culture que l’on cherche à lui faire oublier.

Dans le fond il ne peut compter que sur lui-même, la solidarité de son « clan », et une volonté personnelle de résister, de vaincre, d’arriver à un objectif aussi modeste soit-il. Il subit l’Histoire de son pays d’accueil et il en est encore plus victime. Les 9 vies d’Ezio sont un voyage au cœur du parcours d’un immigré italien en la circonstance mais qui pourrait être dans in autre contexte celui de millions de « déplacés ». C’est un hommage à  leur volonté.

Quels sont les passages de votre livre sont à vos yeux les plus importants ?

Dans les 9 « vraies »vies d’Ezio il y en eu trois qui sont décisives : l’affront du certificat des Fin d’études; la mort brutale de son père et enfin son envoi au service du travail obligatoire puis dans un camp…deux d’entre elles reflètent le comportement d’une société vis à vis des immigrés.

S’il y avait des critiques à faire sur ce roman, quelles seraient-elles ?

D’être à la fois un roman et un récit qui n’est pas historique… Un mélange qui fait que la vérité des 9 vies d’Ezio apparaissent parfois comme exagérées alors qu’elles ont été encore plus fortes et violentes pour lui que ce que reflète le livre. En ça, un immigré actuel traverse des moments à la fois similaires sur le fond mais différents sur la forme.

 La photo symbole du bandeau : de gauche à droite Silvio et Pasqua Darmian mes grands parents avec dans les bras le petit Ugo Pin avec ses parents italiens

 

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Cet article a 4 commentaires

  1. Laure Garralaga Lataste

    Merci à mon « frère jumeau… »!

  2. J.J.

    « Quoi que j’ai pu faire j’ai toujours été, pour certain.e,s avec plus ou moins d’intensité, un fils de « macaronis » dans le dit et le non-dit!  »

    Ce sort n’était pas réservé aux « étrangers » , dans notre société des années 50/ 60 (et probablement encore plus avant), il ne faisait pas bon se distinguer par une situation familiale sortant de la « norme ». Jusqu’à l’âge adulte, j’ai dû vivre avec ce handicap social et m’en accommoder…. difficilement.
    Heureusement, cet ostracisme s’est atténué en partie, mais il a laissé des traces et des blessures.

  3. Maria LAVIGNE

    Comme je me retrouve dans ce récit, moi qui ai quitté mon pays natal à l’âge de 6 ans. Combien de fois ai-je entendu que je venais manger le pain des Français, pain durement gagné par mon père qui a fait les travaux que ne voulaient plus faire les autochtones dans les vignobles pentus et sans mécanisation aucune. A l’âge de 50 ans, il avait perdu la santé.
    Tout cela a fait de moi une écorchée vive

  4. GRENE CHRISTIAN

    Jean-Marie,
    si Laure est bien ta soeur jumelle, alors je suis le frère d’Ezio bien que mon patronyme ne résonne pas en Toscane ou en Vénétie, pas davantage dans les Abruzzes ni même en Tanzanie ou au Zimbabwe. Puisque instit’ tu as été, comme mes parents, je suggère qu’on lise ton livre dans toutes écoles. Ma devise: Fraternité, Laïcité, Liberté.

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