La crise sanitaire aura permis au télé-travail, manière marginale de « bosser » pour un certain nombre de métiers du tertiaire, d’émerger et de bouleverser durablement les rapports sociaux dans le monde de l’entreprise. Des centaines de milliers de personnes ont basculé dans une nouvelle approche de leur contribution à la production collective. De nombreuses enquêtes en cours évaluent ce processus qui est brutalement entré dans la société française. L’une d’entre elles démontrent que les dégâts sont profonds.
En fait le constat est implacable : les modifications ne sont pas fondamentalement favorables. Parmi l’ensemble des actifs qui occupaient un emploi au 1er mars 2020, 30 % se trouvaient à l’arrêt deux mois après et 70 % travaillaient encore, dont 41 % depuis leur domicile et 59 % à l’extérieur. La pandémie a cependant mis en évidence que les inégalités face à l’emploi ont été renforcées par la disparité de conditions de travail.
Ainsi les cadres, davantage épargnés par la crise, ont massivement « télétravaillé », tandis que les ouvriers et les employés – à l’arrêt pour près de la moitié – ont quasiment toujours été sur site quand ils avaient conservé une activité. Les risques ont donc été bien plus grands pour la frange des travailleurs les moins rémunérés et travaillant dans ces conditions difficiles.
86 % des cadres continuaient normalement leur activité professionnelle lors de la septième semaine de confinement et parmi eux 55 % bénéficiaient du télé-travail. Leur présence dans leur administration, leur entreprise, leur bureau ou leur établissement n’était pas requise et n’a pas provoqué de pertes réelles de productivité. Les professions intermédiaires ont elles-aussi massivement continué à travailler (80 % d’entre elles) mais en exerçant le plus souvent leur activité à l’extérieur du domicile (48 %).
L’écart s’aggrave par contre entre ces catégories de « travailleurs » puisque les employés et les ouvriers ont été les plus touchés par la crise sanitaire. Respectivement 42 % et 43 % d’entre eux ne travaillent plus début mai 2020. Ils ont été contraints pour les autres à se rendre sur le site de leur activité à raison de 73 % des employés et 97 % des ouvriers. Le travail à distance, et la flexibilité horaire qui l’accompagne, ont donc été le privilège des cadres pour qui l’essor des technologies numériques a entrainé une évolution majeure des manières de s’adapter sans trop de difficultés.
L’enquête détaille le groupe qualifié de « travailleurs du confinement ». Celles et ceux qui ont été les moins à l’arrêt ont été les professions intermédiaires administratives de la fonction publique, les policiers et militaires, les cadres de la fonction publique et les cadres d’entreprise. Pour les autres l’activité s’est réduite massivement sans solution à domicile. Les ouvriers qualifiés et non qualifiés de type artisanal, les employés de commerce, les employés des services directs aux particuliers, et les chauffeurs ont été lourdement pénalisés. La crise va donc peser lourdement sur les prochains mois car les revenus n’ont pas été au rendez-vous alors que les charges n’ont pas été atténuées.
C’est en définitive les femmes qui auront vu, durant la crise sanitaire et le confinement, leur situation nettement se détériorer. Parmi celles qui étaient en emploi au 1er mars 2020, deux sur trois seulement continuent de travailler deux mois plus tard, contre trois hommes sur quatre. Dramatique quand on connaît le nombre de famille monoparentale et la fragilité de leur situation sur le plan matériel.
L’arrêt de l’activité professionnelle, cumulé à la fermeture des écoles, a évidemment produit des effets différents sur les familles. Si le temps libéré a par exemple augmenté le temps parental pour certaines et et favorisé l’amélioration des relations à court terme il a généré aussi une baisse des revenus du ménage qui a accompagné très souvent un arrêt d’activité.
Dans les prochains mois l’isolement de certaines familles, le repli sur soi faute de moyens et les difficultés financières risquent de détériorer la relation aux enfants. La pandémie de Covid-19, a donc affecté en premier lieu les moins diplômés et les précaires, comme à chaque grande récession dans l’Histoire. Apparu sous une forme nouvelle, le télétravail en continu se développe massivement pour les cadres, sans que le logement ne soit toujours adapté.
Mais c’est pour les femmes que la situation s’est le plus dégradé à tous points de vue. La pandémie et la crise économique qu’elle a engendrée des écarts pour elles avec les hommes, après un demi-siècle de réduction des inégalités entre les sexes. Le Coronavirus a donc accentué les fractures qui traversent la société française en matière d’emploi comme de conditions de travail. Et ça le remaniement ministériel n’y fera pas grand chose surtout avec sa relance reste basée sur une forte reprise de la consommation. Attention destination danger pour le pouvoir s’il ignore cette réalité.
Cette chronique a été inspirée d’un article intitulé « Le travail et ses aménagements : ce que la pandémie de Covid-19 a changé pour les Français » publié dans la revue Population et Sociétés n° 579.
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Merci de nous présenter ce constat implacable et sans concession, que les princes qui ont la prétention de nous gouverner auront du mal à camoufler sous de creux propos, comme ils ont coutume de le faire.
Le Quatorze Juillet dévoyé(Fête Nationale en souvenir de la Fête de la Fédération) sera sans doute encore l’occasion de nous infliger une fade logorrhée sur les Étranges Lucarnes.
Une petite idée de ce qui nous attend le 14 juillet ….
Bel exemple de xyloglotte.
http://chrisferon.free.fr/technologies-langage/images/cours-langue-bois-ena.jpg