Le Président de ce qu’il reste de la République emprunte souvent des formules et des attitudes à ses prédécesseurs. Avec la nomination du Premier des ministres il a vraiment illustré la formule de Georges Pompidou voulant qu’il y ait des « changements dans la continuité » mais en adaptant cette dernière de telle manière qu’elle corresponde à ce qu’il souhaite pour son avenir personnel.
Le premier changement consiste à, sans aucune complexe, ouvertement utiliser la technique gaulliste du pouvoir centralisé dans les mains du Président. La Constitution de la V° République prétend depuis longtemps que l’occupant de Matignon conduit les affaires de la France quand à l’Elysée on l’inspire. En fait chaque fois qu’un chef du gouvernement a cru qu’il pouvait incarner le politique indispensable selon lui au pays, il a été contraint à la démission. Si en plus il incarnait des valeurs différentes de celles de celui qui l’avait fait vice-roi ses jours devenaient comptés.
Les cotes de popularité constituent les repères en matière de gouvernance partagée. Aucun Président n’a accepté que celui qu’il considère comme l’exécuteur des ses directives ait une initiative différente ou plus encore des résultats de sondage meilleurs que les siens. La personnalisation outrancière du pouvoir conduit à cette guerre larvée permanente sur les annonces, les propositions et les orientations. Bien qu’il soit le Premier des ministres le locataire de Matignon ne doit être qu’un fusible, qu’un manœuvre ou un fidèle serviteur sans visibilité excessive.
Emmanuel Macron a tranché. Brouillon, abstrait, obstiné il est au plus bas dans les sondages, devancé par celui qui a été clair, concret et rassurant. Le divorce était donc inévitable puisque depuis le déconfinement et après les déclarations pour le moins ostentatoires de son chef hiérarchique Édouard Philippe a engrangé sans gros efforts les dividendes de son action prudente, cohérente et efficace.
Le second changement consiste à prendre dans la famille Les républicains une personnalité du même type mais n’ayant ni les mêmes ambitions et surtout n’ayant aucun existence antérieure sur la scène politique nationale. Quand on ne supporte plus le premier rôle le metteur en scène donne sa chance à un habitué des seconds. S’il réussit il devra tout à celui qui l’a recruté et ne pourra jamais le combattre. Il n’ira pas « dans la lumière » abandonnant ce positionnement capital pour les prochaines présidentielles à son mentor.
Jean Castex, un clone de son prédécesseur sans son éclat et sa superbe. Il offrait trois atouts de choix. Il a travaillé avec Nicolas Sarkozy (qui sait si ce n’est pas lui qui l’a chaudement recommandé) et pourra maintenir le lien avec celui qui rêve d’être un influent partenaire des tenants du pouvoir. Ayant été proche de Xavier Bertrand il met très mal à l’aise celui que l’on présente comme un rival potentiel de macron en 2022. On ne saurait oublier qu’il a été un soutien de premier plan de François Fillon ce qui en dit long sur sa navigation à vue dans le marigot gaulliste ou ce qu’il en reste.
Au carrefour des tendances essentielles du parti Les Républicains il sera inattaquable par les caciques en place. Castex devient l’arme de neutralisation avant les sénatoriales. Comme l’a fait François Mitterrand avec le Parti communiste le Président-déjà candidat tente de « digérer » morceau par morceau, lentement mais sûrement, LR.
Les responsables de ce parti ne sont pas dupes et vont trembler en attendant le générique du second épisode de la première série. Qui Macron va-t-il débaucher pour affaiblir ce que les stratèges de l’Élysée considère comme l’entité la plus dangereuse car dotée d’un espoir en la personne de Baroin. Il va vite relancer les sujets qui fâchent de telle manière que le Premier Ministre soit contraint d’y faire face : retraites, santé, transition écologique, décentralisation, report des régionales et départementales, situation financière globale de l’Etat ! Autant de sujets qu’Édouard 1° désormais replié sur un havre de paix n’a pas su régler !
La nomination de Jean Castex relève d’une habile manœuvre. Elle ne changera rien au quotidien des Françaises et des Français mais facilitera le retour en haut de l’affiche de son impresario qui l’a fait vedette politique de l’année. Le pari a du sens à un an du début de la campagne présidentielle mais risque bien de laisser le pays en déshérence politique ce qui arrange bien le pouvoir en place.
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Rien de neuf sous le soleil, on pérennise le règne des copains et des coquins.
Rien que l’énumération de ses anciennes fréquentations font présumer que monsieur Castex est un honnête homme, incapable s’une compromission.
Un haut fonctionnaire issu du sérail
Jean Castex gagne plus de 200 000 euros d’argent public par an grâce au cumul de fonctions
Jean Castex a été directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins au ministère de la Solidarité et de la Cohésion sociale entre 2004 et 2006, mais aussi directeur de cabinet de Xavier Bertrand au ministère de la Santé entre 2005 et 2007. Autant dire que le milieu de la santé, il l’a pratiqué – et ce en pleine réforme « hôpital 2005 ». Il l’a pratiqué non pas du côté du soin et des patients, mais au service d’une administration et d’une gestion implacables.
Lorsqu’il a quitté la Cour des comptes, en 2004, pour devenir directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, son « challenge » était clair : après avoir contribué aux préconisations de la cour des comptes pour ce qui deviendrait « l’hôpital 2005 », il s’agissait désormais pour lui de les mettre en œuvre, avec tout le « pragmatisme » dont il s’enorgueillit. En toute certitude, il affirmait alors : « Les acteurs du monde hospitalier, dans une très large majorité, ne sont pas défavorables aux changements. Il faut arrêter de flageller l’hôpital ou de s’autoflageller ». Il a donc bien été l’acteur conscient et délibéré de la « transformation » de l’hôpital et des soins qui a conduit à la situation totalement dégradée que nous connaissons aujourd’hui ainsi qu’à l’impossibilité où nous nous trouvons d’endiguer la pandémie autrement que par le confinement. Si bien qu’on pourrait pour le moment l’appeler « Monsieur confinement » en attendant de pouvoir l’appeler « Monsieur déconfinement ».
Comme on n’arrête pas cet homme « de conviction », ce parcours professionnel s’est doublé d’une carrière politique, ouvertement « de droite » comme il l’affirme lui-même. Sarkozyste, il est Maire (LR) de Prades depuis 2008 et conseiller départemental des Pyrénées-Orientales. En tant que président d’une communauté de communes, l’élu a du remplir une déclaration d’intérêts consultable sur le site de la haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Sa dernière déclaration date du 14 janvier 2020. Un article de l’OBS en rend compte en détail : « Président de l’Agence nationale du sport (depuis 2019), il est aussi le monsieur JO 2024 de l’exécutif en tant que délégué interministériel (depuis 2017) aux jeux Olympiques et Paralympiques et aux grands événements sportifs. Il a perçu, pour cette dernière fonction, une rémunération de 160 467 € net en 2019. Il faut ajouter ses émoluments de maire soit 22 044 € brut par an et 25 670 € brut annuel pour son mandat de conseiller départemental. Soit un total de plus de 200 000 € par an. »
Les « lettres de noblesse » de Monsieur Déconfinement
On l’aura compris, ce n’est pas pour sa compétence technique ni sa clairvoyance en matière de pandémie que Castex a été choisi. La mise en œuvre sociale et politique de la sortie du confinement sera un exercice de haute volée. Ils le savent et le redoutent.
Mais quel est donc ce profil rare dont semble doté Castex et qui lui vaut une mission aussi périlleuse ? Inconnu du grand public, on découvre son personnage à travers ceux qui le connaissent. Franck Louvier, ancien conseiller de Sarkozy le décrit ainsi : « C’est un vrai couteau suisse, il a des connexions un peu partout, il sait faire ce qu’il faut faire au bon endroit. ». Il précise : « Non seulement c’est un haut fonctionnaire qui connaît très bien l’administration, mais, avec son expérience d’élu local, il sait comment fonctionne concrètement le pays. Il a l’habitude de travailler avec tout le monde, à chaque niveau de l’État. Le genre de profil qui manque à la macronie. En cette période de crise, il en faudrait dix comme lui… ».
Ajoutons à cela son ancrage dans le milieu de la santé et les liens que sa position de maire peut lui permettre avec ses homologues locaux et territoriaux, et le tour est joué.
C’est clair, la Macronie est incurable. On peut se trouver face à une crise sanitaire dont les enjeux se comptent en milliers de morts, la stratégie est toujours la même : communication d’un côté, répression de l’autre. Il y a pourtant des dizaines, voire des centaines de milliers de vies à la clé. C’est aux soignants, aux travailleurs, aux associations aux organisations du monde du travail et de la santé qu’il revient de prévenir un éventuel rebond de l’épidémie, notamment en luttant pour imposer l’arrêt des productions non essentielles !
Bonsoir, Bienvenue à Jean Castex qui est le 1er ministre de la France essentiellement.
Bonjour Jean-Marie,
Ton point de vue n’est pas faux, seulement sévère; Il faudrait lui ajouter que, pour ce faire, nous devons changer de République et proposer aussi la suppression de la Loi PLM : le récent résultat des élections municipales à Marseille en est un bon exemple !
Mon amitié,
Gilbert de Pertuis