A de multiples reprises dans ces chroniques j’ai indiqué que les Américains n’avaient pas racheté un club de football dont ils n’ont absolument rien à faire. Le fonds d’investissement King Street Capital est devenu le seul actionnaire des Girondins de Bordeaux dont il possède quasiment toutes les actions, depuis qu’il a acquis celles de General American Capital Partners. Il faut être aveuglé par je ne sais quel intérêt électoraliste, pour ne pas avoir décortiqué leur stratégie sans aucun rapport avec le sport. Elle apparaît brutalement au grand jour avec le changement du logo du club.
On peut en effet s’interroger sur la prééminence de « Bordeaux » dans ce nouveau design. La situation urgente des finances (on parle de plusieurs dizaines de millions d’€ de déficit) ont déjà généré des coupes sombres dans le budget de la structure. Il est devenu indispensable de vite « exploiter » la seul référence qui intéressait, avant les taxes Trump sur les vins : « Bordeaux ».
Il est impossible de s’acheter cette « marque » mondialement connue et que les instances gestionnaires de la vigne protègent au maximum. Ils attaquent systématiquement celles et ceux qui tentent de la récupérer directement ou indirectement à des fins commerciales. Une étude juridique avait conduit les Américains a constater que la seule manière de récupérer pour leur business « Bordeaux » était l’achat du club de football dont le nom portait certes celui des Girondins (ils s’en moquent!) mais surtout celui de la capitale de la Nouvelle Aquitaine.
La marque « Girondins de Bordeaux « étant déposée elle ne peut plus être modifiée. Les investisseurs ont donc uniquement récupéré la seconde partie du nom du club pour l’exploiter aux Etats-Unis et en Asie. Ils comptaient sur le vin, les alcools, les produits dérivés quand leur sont d’abord tombés sur la tête la taxe Trump et le Coronavirus. Ils ont, sans la pression, travaillé au cours des premiers mois de 2020 pour peaufiner leur stratégie autour de leur achat
Elle repose d’abord sur un changement de paradigme sportif. L’équipe masculine n’a d’intérêt que si elle génère des transferts juteux et aucun espoir européen ne sera affiché. La consigne a été donnée de dénicher des jeunes talents, de les mettre an avant durant une ou deux saisons, et de les vendre avec une plus-value. Jusqu’à présent la tactique n’a guère été payante sauf avec quelques éléments de l’ancienne gestion M6. Il ne reste plus « grand chose » à mettre sur le marché en cette période pourtant difficile. On ne s’arrache guère le Bordeaux « primeur » sur le marché !
Les actionnaires ont donc tablé sur le soccer le plus populaire aux USA : celui des féminines. Ils vont donc combiner la marque Bordeaux avec la notoriété d’une équipe des filles. En terme de marketing ce pari a grand l’intérêt outre Atlantique où l’on compte 1,7 million de licenciées. C’est devenu outre Atlantique le sport féminin par excellence réservée aux femmes jeunes, d’un niveau social élevé, et surtout ne reposant pas sur des minorités.
Les Bordelaises ont donc bénéficié de toutes les attentions. Un solide recrutement a été effectué avec l’espoir que, peu onéreux, il conduirait leur équipe devant Lyon et le Paris Saint-Germain la saison prochaine. Une tournée aux States, une promotion de « Bordeaux » avec les vins blancs ou les rouges, peuvent donner des résultats économiques intéressants. Les hommes y sont allés l’an passé avec beaucoup moins de succès que les filles. Ce constat a conforté les propriétaires dans leurs intentions.
Le logo devient donc une étape capitale du virage marketing. « Bordeaux » n’a aucun intérêt (référence à l’alcool) pour les investisseurs des pays du Golfe arabique. Les Chinois vont abandonnent de plus en plus leurs rêves de vendanger un jour l’Aquitaine. Il faut donc dans les prochains mois officialiser le repère « Bordeaux », le développer, le médiatiser pour mieux le revendre à d’autres fonds d’investissement asiatiques ou américains. C’est ce que l’on appelle en affaires valoriser son patrimoine avant mise sur le marché.
Baisser les charges fixes (personnel, salaires joueurs), acheter le stade à petit prix en raison du déficit récurrent et de la nouvelle donne municipale et communautaire, faire monter en puissance et en notoriété l’équipe féminine : depuis quelques mois le plan d’affaires se met en place. Le contexte de la crise économique laisse encore un peu de temps pour mettre sur le marché le club de football de… « Bordeaux » ! Sauf qu’il y a la vague verte qui va noyer ces efforts et c’est un vrai problème.
Il faudra cependant recoller les morceaux localement en 2020-2021. Le PDG consulte tous azimuts les anciens, des journalistes ou des personnes susceptibles de servir d’intermédiaires avec les supporteurs. La capacité du stade, la dévolution des concessions commerciales ont été revues. Ah ! Oui j’oubliais c’est un club de football … et il faut des résultats sportifs. Ce n’est pas l’essentiel.
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