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La République doit respecter ses engagements

Dans l’un de mes livres « Jour de rentrée » (1) j’ai tenté de conter le parcours d’un enfant du peuple, comme tant d’autres, vers le métier d’instituteur et ce fameux jour du premier face à face avec une classe. Un périple jalonné, balisé et tracé par d’autres hussards noirs d’une République qui savaient encore donner de l’espoir à ses enfants. Avais-je la vocation pour ce métier ? J’avoue que je l’ignore mais j’aurais plutôt tendance à penser que non car à 15 ans pour ma première tentative et à 16 pour l’autre je n’avais pas un goût prononcé pour l’enseignement.

En fait comme beaucoup de mes copines et copains, l’accès à l’Ecole Normale représentait une chance exceptionnelle d’éviter le sort réservé aux gamins de familles ne pouvant assurer le passage vers le lycée bordelais. Mes parents et surtout les enseignants (dont le célèbre Camille Gourdon directeur fondateur du cours complémentaire devenu Collège d’enseignement général de Créon) connaissaient les avantages d’une entrée dans le « séminaire laïque ».

Tous les efforts consentis pour préparer le concours (et pas un examen) d’entrée avaient pour but d’assurer à celle ou celui réussissait à se glisser dans le palmarès final. Il serait vraiment malhonnête d’affirmer que les études gratuites liées à un engagement décennal à servir l’État n’a pas joué un rôle dans le souhait collectif de me voir tenter de passer les épreuves girondines de l’EN. Le statut de fonctionnaire ainsi que les avantages qui en découlaient participèrent également au choix… et à la motivation que l’on me demanda.

Ces « avantages » étaient accessibles à tout un chacun mais j’ai en mémoire des parents qui rêvaient d’un autre statut social pour leur progéniture. Instituteur ? Les « raisins étaient top verts » pour bien de mes camarades de troisième spéciale. Certains entrèrent à l’EDF, d’autres aux Ateliers Industriels de l’Aéronautique, dans l’aviation, à la Banque de France et tous optèrent en fonction des avantages.

La rémunération certes mais aussi les perspectives de carrière et peut-être aussi celle de l’âge de la retraite entrèrent en ligne de compte. Certes toutes et tous prenaient un « engagement » de service public mais ils avaient la garantie que le service public respecteraient ses engagements.

J’ai fini ma carrière comme simple professeur des écoles (j’ai toujours regretté l’abandon du vocable instituteur) et j’ai toujours le sentiment d’avoir redonné à la République ce qu’elle m’avait permis d’obtenir. Je pense ne l’avoir jamais trahie et j’affirme qu’elle ne m’a jamais trahi. J’ai bénéficié d’un « statut spécial » puisque le début de ma carrière a débuté à 18 ans alors que je n’exerçais pas encore devant des élèves.

J’ai fait valoir mes droits à la retraite après 37 années de carrière (dont un passage volontaire dans le privé) ce qui me vaut une pension de 2250 € nets par mois. Ce fut une volonté et je l’assume. Le statut d’instituteur ayant été supprimé avec des exigences de diplômes supérieurs le « contrat » a été modifié et l’âge de départ vers la pension porté à 60 ans sans susciter de vives protestations. J’aurais pu y prétendre mais je ne l’ai pas voulu comme bon nombre de mes amis.

Je voulais simplement rappeler des faits pour expliquer qu’une République qui abandonne en cours de route, les principes qu’elle a elle-même élaborés au prétexte qu’ils doivent varier avec les circonstances économiques ne durera pas. Comment ne pas comprendre que des fonctionnaires, des ouvriers, des employés, des cadres ayant fait le choix de servir l’État un jour soient à un moment ou à un autre oublié… ont-ils usurpé les avantages qui leur ont été consentis ?

Un conducteur de train, un cheminot, un policier, une infirmière, un enseignant, un agent d’une entreprise ayant appartenu au service public, une fonctionnaire hospitalier ou territorial est-il responsable de la mauvaise gestion d ‘un État contraint d’emprunter à tout va pour survivre ? A-t-il un lien avec le déficit budgétaire justifiant qu’on lui retire ce qu’il a acquis par la volonté que l’on a eu de le recruter ?

L’universalisation des régimes de retraite ne peut être que progressif, respectueux de la continuité républicaine et surtout juste, de telle manière que la confiance que doit avoir tout.e citoyen.ne dans l’Etat soit effective. Chaque pas qui renforce, comme c’est le cas actuellement, la fracture au nom du monde du profit, générera des dégâts épouvantables dans le tissu social. Celle ou celui qui a été trahi par la république trahira un jour la République. L’amertume, la déception, la haine ne renforceront ni l’égalité, ni la fraternité et encore moins la liberté… comme je l’avais appris à l’Ecole Normale.

(1) Jour de rentrée (épuisé) Photo du bandeau le chateau Bourran siège de l’école normale de la Gironde

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Cet article a 3 commentaires

  1. J.J.

    Avais-je la vocation pour ce métier ?
    Non, je désirais tout autre chose, mais je n’ai guère pu faire autrement que d’obéir aux ambitions de la « famille », qui comme le père, dans la chanson de Jacques Brel, veut que son fils soit pharmacien parce que lui ne l’était pas…
    J’ai cependant été fidèle à mes engagements et fait de mon mieux mon travail, en doutant toujours et me demandant si j’avais été efficace et la hauteur de ce que l’on attendait de moi.
    Et j’ai passé des décennies enfermé dans une classe, moi qui ne rêvais que de nature…
    J’aurais pu changer de métier me direz vous, c’est vrai. J’ai essayé, mais après dix ans de carrière (engagement décennal) et des responsabilités familiales, difficile partir à l’aventure, trouver autre chose et s’adapter.

  2. Bertrand Méallet

    Je me reconnais pour l’essentiel dans tout ce que tu écris là Jean-Marie mais regrette le qualificatif de simple «J’ai fini ma carrière comme simple professeur des écoles » ! Si comme toi « Instituteur » me plaisait davantage, « Professeur des Écoles » reste un métier qui n’a rien de simple et celui/celle qui l’exerce peut en être fier et ne démérite nullement s’il finit sa carrière en le restant.
    Amitiés

  3. Laure Garralaga Lataste

    BRAVO cher Jean-Marie ! Ta copine « sœur jumelle » qui a eu la chance d’être bilingue et a fini PEGC français-espagnol.

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