Soigneusement peignés les rangs des vignobles se collent aux formes oblongues de sols de qualité. Les paysages s’offrent de ci de là des esquisses toscanes surtout présentes à Haux grâce aux pins parasols étalant paresseusement leurs coiffure rasta et aux ifs pointant leur doigt menaçant vers le ciel, entourant des demeures aux teintes ocres. Ailleurs c’est une « Petite Sussie » qui réjouit les cyclistes avec ses petits cols, ces montées raides ou ses vallées profondes comme celle de l’Engranne, de la Pimpine ou du Gestas. Le bel ordonnancement de vastes parcelles cultivées avec minutie est parfois gâché par de longues traînées de désherbage chimique massif. Les baraganes de la fin du printemps, les aulx sauvages du début de l’été, les rosiers d’alerte au mildiou et tant d’autres fleurs qui autrefois, parsemaient de notes gaies ces étendues verdoyantes sous un ciel clément, bigarrées au début de l’automne ou dénudées en hiver ont disparu. Il ne reste souvent que des tontes rases ou des sols chauves. Ce sont les vignes des saigneurs de la nature !
L’Entre-Deux-Mers, premier territoire de production de l’appellation Bordeaux a pourtant trouvé sa place sur des créneaux annexes : le clairet à Quinsac village berceau de sa résurrection ; le Bordeaux rosé coloré comme les joues d’un enfant dans le froid matinal ou pâle comme le visage de la dame aux Camélias et surtout un vin blanc fruité mais sec qui porte d’ailleurs fièrement le nom de son terroir. Dans la grange dimière magnifiquement restaurée de l’abbaye de La Sauve-Majeure les dégustations d’Entre-Deux-Mers permettent de mesurer la qualité d’un vin de plaisir que bien des connaisseurs partagent avec les huîtres du Bassin d’Arcachon. Le couple est inséparable mais les infidélités sont possibles car le « blanc » s’accommode de plus en plus des moments conviviaux de l’apéro.
Un château « Turcaud », un « Thieuley » sur La Sauve-Majeure constituent des valeurs sûres pour le blanc sec à des prix abordables compte-tenu de leur qualité mais ne vous faites surtout pas prier pour accepter un « Sainte-Marie » (Targon) tout aussi alléchant ! Bien évidemment au hasard des rencontres parmi les verres on trouve des arômes ou des saveurs tout aussi agréables que celles de ces bouteilles ci. Le rosé a ses amateurs de plus en plus nombreux quand la chaleur est venue. Quand la bouteille rosée sue de bien-être en retrouvant l’air d’une soirée de partage elle porte souvent le nom du château Landereau ou celui de Belrose Moncaillou (Sadirac tous deux). Le bio a aussi sa référence avec le château Farizeau lui-aussi de Sadirac qu’il ne faut surtout pas oublier au moment du choix.
L’Entre-Deux-Mers regorge de vins qui ne se poussent pas du col mais qui comme le rouge du Domaine du Buisson (La Sauve) ont un rapport qualité-prix exceptionnel. Il suffit de se donner le vrai plaisir de découvrir dans les nombreuses propriétés ou à la SICA des Chais du Prévôt à Créon, ouvertes au public, sans préjugés, des productions dont les références ne sont pas toujours dans les panels de juges dont on ignore s’ils ne se valorisent pas autant en notant que les vins appréciés !
Entre les deux mascarets les hommes ont tracé dans ce triangle isocèle une bissectrice artificielle à la fin du XIX° siècle. Elle offrait, au temps où les trains avaient des vapeurs, un splendide voyage entre Bordeaux et Eymet que Pierre Benoit a minutieusement décrit lors du retour d’André de Saint-Avit après son voyage onirique dans l’Atlantide. Il y propose des paysages, des odeurs, des couleurs que l’on a perdues depuis la disparition de la voie ferrée. La construction en lieu et place de cette voie ferrée de la piste cyclable des Deux Mers allant de Bordeaux à Sète offre désormais sur son tronçon Roger Lapébie entre le Pont de Pierre et la halte nautique de Castets en Dorthe, le plus fabuleux voyage au long cours naturel à accomplir paisiblement à la force des mollets.
On finit rassasié par la beauté des tunnels de verdure ou de pierres, l’ivresse des grands espaces, la traversée de vignobles, une flore étonnante et une faune présente par les sons venant des bois proches, par les couleurs changeantes. Le kaléidoscope de ce territoire change en effet sans cesse au fil des mois avec les évolutions naturelles. On y revient avec toujours le même plaisir d’être chaque fois un découvreur de sensations et d’émotions individuelles dépaysantes alors que l’on est dans la proximité, immergé dans cet Entre-Deux-Mers des terres négligées durant trop longtemps et qui ressurgissent dans l’actualité avide de… nouveautés !
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Bonjour jean-marie,
Voici un texte magnifique qui décrit bien cette région girondine. Il faut quitter les RD de communication et prendre les routes et chemins de traverse, ou les chemins de randonnée. On fait alors des découvertes étonnantes et magnifiques. Je randonne sur ces chemins et découvre plein de merveilles cachées.
Bon week-end