L’un de mes amis médecins membre du conseil d’administration de l’EHPAD de Créon me confiait que l’homme qui était le plus trahi dans le milieu médical était le fameux docteur allemand Alois Alzheimer puisque avec son nom on dénommait toutes les formes de démence sénile. Autrefois toutes les personnes qui n’avaient plus leur raison étaient vite classées dans la catégorie de celles qui avaient « perdu la tête ». On les regardait avec indulgence et un brin de tendresse au sein des communautés de vie. Désormais elles auraient toutes les symptômes de la dégénérescence lente des cellules du cerveau diagnostiquée en 1906 par le médecin bavarois.
L’Organisation mondiale de la santé vient de sortir des prévisions très angoissantes. Ainsi dans l’ensemble de la population, entre 5 et 8 % des personnes âgées de 60 ans et plus sont atteintes de démence à un moment donné. Elle constitue un problème de santé publique qui progresse rapidement, en raison du vieillissement de la population, et qui touche environ 50 millions de personnes dans le monde. Selon ces prévisions, ce nombre devrait tripler d’ici 2050, pour atteindre, 152 millions de personnes. Même s’il y a encore des cas différents il faut reconnaître que la maladie d’Alzheimer est la cause la plus courante de démence et serait à l’origine de 60 à 70 % des cas. C’est désormais un vrai problème de santé publique sur lesquels se penchent depuis longtemps les chercheurs.
Les causes de cette atteinte grave à la dignité des personnes et surtout à leur conditions de, vieillissement sont encore inconnues, mais des facteurs génétiques mais aussi environnementaux contribueraient à son apparition. Le premier facteur de risque reste l’âge mais il existe également des facteurs de risque génétiques, des facteurs de risque cardio-vasculaires ou encore l’intoxication par certains métaux lourds ou médicaments. Et ces derniers constats sont maintenant au cœur des analyses cliniques en cours. Certains parlent de l’aluminium, d’autres des pesticides mais rien n’est vraiment totalement établi. Les présomptions deviennent pourtant de plus en plus fortes.
Il n’en demeure pas moins que l’âge constitue le principal facteur de risque du déclin cognitif sans que l’on puisse assurer que la démence n’est pas une conséquence naturelle ou inévitable de la vieillesse. En fait selon l’étude il semblerait qu’un lien existe entre le développement de troubles cognitifs et de la démence, et les facteurs de risque liés au style de vie comme l’inactivité physique, le tabagisme, les régimes alimentaires peu équilibrés et la consommation nocive d’alcool… S’y ajoute un constat encore moins réjouissant : « l’isolement social et l’inactivité cognitive » jouent un rôle non négligeable dans le développement de ces formes de démence sénile.
Environ 60 % des personnes souffrant de cette lourde perte de leurs facultés mentales vivent dans des pays à revenus faibles ou intermédiaires or c’est chez eux que l’on est le moins préparés à faire face à cette charge financière et humaine croissante. Des coûts supplémentaires pour les familles, mais aussi pour les gouvernements, ainsi qu’une perte de productivité pour les économies ainsi que des dégâts sociaux très lourds. Les « aidants » sont souvent démunis et contraints de se mettre en retrait de la vie sociale pour soutenir un proche malade. On estime qu’en 2015, le coût social global de la démence a atteint 818 milliards de dollars dans le monde, soit 1,1 % du Produit intérieur brut (PIB). Il devrait s’élever à 2.000 milliards de dollars en 2030… Il s’agit d’un véritable fléau mondial contre lequel on commence à envisager une vaccination.
Très récemment une équipe de chercheurs américains a publié une étude dans laquelle ils signalent la responsabilité d’une bactérie déclenchant des maladies chroniques des gencives. Celle-ci se réfugierait dans le cerveau et y provoquerait des inflammations cérébrales, des lésions neuronales et donc un déclin cognitif. On l’aurait retrouvée sous une forme dérivée dans 96 % des 54 échantillons de cerveaux atteints par la maladie d’Alzheimer et les bactéries elles-mêmes étaient présentes dans trois cerveaux. Les chercheurs ont également trouvé la bactérie dans le liquide cérébro-spinal de personnes vivantes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Un bloqueur de cette « responsable » de la maladie, la gingipaïne, a été testé sur l’humain. Les participants atteints de la maladie d’Alzheimer ont vu leur état s’améliorer.
Souvent on repend l’expression du général de Gaulle voulant que « la vieillesse soit un naufrage » et il faut bien admettre que Alzheimer a beaucoup fait pour lui donner raison. Vous savez ce médecin dont on aurait oublié le prénom quand on vous le demande : signe d’une perte de la mémoire. Et alors là, ça concerne bien du monde !
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