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Nous vieillirons dans la dépendance et l’inégalité croissantes

Préserver son autonomie, minimiser les conséquences de la dépendance et pour voir ainsi demeurer jusqu’aux derniers moments de la vie dans le cadre familier de son domicile : c’est la volonté de bien des personnes qui, inexorablement, sombrent dans la dépendance physique ou psychique. Cette intention louable sur le fond se heurte souvent à des paramètres qui échappent à celle ou celui qui l’exprime. Il y a en effet des éléments purement matériels qui conduisent à une véritable obligation de se rendre dans une maison ou un ensemble spécialisé.

J’ai en mémoire la venue à Créon du Président touareg en exercice de la région devenue tristement célèbre par les conflits terroristes qu’elle subit de Kidal aux confins du Mali, de l’Algérie, de la Libye et du Niger, Ag sid Ahmed homme politique cultivé et superbement porteur des valeurs de son peuple était venu observer le fonctionnement d’une mairie française… et avait certainement tout admis sauf un seul lieu qui était pour lui contraire à ses principes sociaux : l’Établissement d’Hébergement pour personnes âgées dépendante ! « Comment pouvez vous vous débarrasser de vos vieillards, de vos pères, mères, grands-pères, grands-mères pour les sortir du milieu familial et les isoler ensemble dans un lieu aussi beau soit-il ? » Difficile de lui expliquer que l’éloignement, la vie moderne, les contraintes d’emploi du temps, le besoin de soins spécialisés et certainement d’autres paramètres inavouables avaient contraint notre société à « oublier » les générations les plus âgées car le vieillissement et ses corollaires ressemblaient parfois à un naufrage physique difficilement admissible !

UN SUJET ESSENTIEL

Actuellement, dans la période post-fièvre jaune, le sujet de la dépendance est moins souvent évoqué que la résurrection indispensable, omniprésente de Notre-Dame alors que c’est le sujet clé de l’avenir de celles et ceux qui revendiquent une amélioration de leur pouvoir d’achat. Comment vieillir et éviter de se retrouver face à un destin sombre et surtout préoccupant au moment où ils bascule? Le « maintien au domicile » (quand les personnes âgées en ont un convenable) fait l’objet de toutes les préoccupations… financières des pouvoirs qui se succèdent. Chacun y va de sa solution : allongement de la durée des cotisations retraite, allongement du temps de travail hebdomadaire, suppression d’un ou deux jours fériés, institution d’un second « lundi de Pentecôte »… Bref on cherche partout du fric pour résoudre ce qui demeure un problème de société !

Une récente enquête de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Dress) produit beaucoup de chiffres pour évaluer les effets et les besoins de la perte d’autonomie à tous les âges. Ils sont certes intéressants sur le plan statistique mais ils mettent surtout en évidence globalement que dans ce domaine comme dans bien d’autres la République libre, égalitaire et fraternelle continue à devenir de plus en plus contraignante, inégalitaire et excluante ! Les résultats montrent en effet l’existence d’écarts importants dans la prévalence de la perte d’autonomie, sans qu’il soit forcément possible d’en identifier précisément les causes quand les écarts dans le recours aux aides peuvent s’expliquer, au moins pour partie, par les différences dans l’importance de l’offre départementale ou par des facteurs socio-économiques. Autant écrire que d’un coin de France à un autre, d’une situation sociale à une autre, d’une dépendance à une autre les différences sont criantes et surtout politiquement insupportables.

DES ECARTS INQUIETANTS

L’évaluation de la perte d’autonomie est par exemple très contrastée entre les régions de la Bretagne, du centre Val de Loire et d’ile de France par rapport à celle du sud de la France (Occitanie, Nouvelle Aquitaine, Provence Alpes Côte d’Azur) et celle des Hauts de France comme si un mouvement collectif envoyait davantage de personnes âgées aisées devant dépendantes vers ces contrées ensoleillées ! Les écarts entre départements existent aussi en matière d’aide à la vie quotidienne à domicile. Ainsi, la moyenne du recours à une aide de l’entourage chez les personnes de 75 ans et plus est de moins d’une personne dépendante sur deux (41%). Mais elle varie de 32% à Paris à… 65% à La Réunion.

Pour la Drees, « ces disparités peuvent traduire des habitudes de solidarités familiales différentes selon les territoires ». Les utilisations les plus élevées en matière d’aide de l’entourage s’observent ainsi plutôt dans les départements du Nord de la France, de l’Est et du Centre, ainsi que dans les DOM. Elles sont en revanche plus faibles dans les départements de l’Ile-de-France et autour de l’Ile-de-France, en Bretagne et dans quelques départements à l’Est et du… Sud-Ouest dont la Gironde ! A l’inverse, la prévalence moyenne de l’aide professionnelle à domicile (infirmier, aide-ménagère, aide-soignante…) n’est que de 32%. Les écarts entre les départements sont plus resserrés, puisqu’ils vont de 24% dans l’Oise à 45% en Haute‐Corse.

Mais l’étude met également en évidence l’existence de disparités de perte d’autonomie liées au contexte socio-économique et d’offre sur le territoire. Un certain nombre de variables – à commencer par les taux d’équipement – jouent ainsi, à des degrés divers, sur la prévalence du recours à des aides professionnelles à domicile. Il apparaît ainsi qu’une perte d’autonomie élevée à domicile est corrélée à un faible taux d’équipement en places en établissement d’hébergement pour personnes âgées (obligeant à rester plus longtemps au domicile malgré la perte d’autonomie), mais aussi à une offre et un recours à l’aide à domicile élevés (incitant à rester à domicile malgré la perte d’autonomie). Autre corrélation avancée par l’étude : le niveau de pauvreté comme facteur explicatif de la perte d’autonomie. Les chiffres montrent en effet des incapacités à domicile plus fréquentes dans les départements où vivent davantage d’anciens ouvriers, employés ou agriculteurs…. la France inégalitaire des territoires et des personnes se creuse inexorablement et explique souvent la peur, l’angoisse même des retraités actuels face aux mesures de perte de leur pouvoir d’agir financièrement en faveur de leur dépendance qui les a récemment frappées !

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