Toutes les sociétés qui n’ont pas su ou pas pu maîtriser toutes les formes de violences ont été livrées aux dictatures les plus dures car elles n’arrivent plus à endiguer le pire des dangers : sa banalisation ! Avec le recul si la seule réponse est la répression, aussi dure soit-elle, elle provoque autant de maux que ceux qu’elle souhaite soigner. En fait c’est en grande partie grâce à l’éducation que l’on arrive à donner une réponse individuelle ou collective à une faiblesse générale d’un système ne reposant que sur les rapports de force. Attention la violence n’est pas que physique mais aussi économique, politique, sociale ce qui la fait déboucher à terme sur des actes démesurés et incontrôlables. Une dose plus ou moins forte de haine des autres en général, une pincée de détresse née d’un échec personnel ou collectif, une poignée de misère culturelle et un forte pincée de sentiment d’impunité venu de cas célèbres médiatisés constituent les ingrédients à partir desquels se forment le pire des explosifs sociaux.
La violence est en effet partout de la maternelle à l’université, du pied des immeubles des banlieues aux salons huppés où se trament les atteintes à la dignité humaine, des mains courantes de terrains sportifs de village au plus grandes enceintes sportives, des salles de prières aux manifestations intégristes contre les avancées sociétales, des écrans de tablettes aux écrans géants des cinémas, dans les EHPAD comme dans les familles, aux urgences des hôpitaux comme lors des secours dispensés par les pompiers, sur les routes comme dans les airs… On croise son chemin quotidiennement pour peu que l’on veuille bien ne pas s’y habituer. De actes devenus ordinaires, des paroles banalisées, des décisions arbitraires, des manquements répétés au bien vivre ensemble, des discours politiques provocants : chaque instant actuel oriente en effet les esprits vers le sentiment que tout est admissible. Les jeunes le plus souvent privés de repères construits dans le partage mais dans l’affrontement calquent vite leurs attitudes sur celles des adultes référent(e)s qu’ils soient réels ou virtuels.
Au cours de ces derniers jours les faits divers étalent les conséquences de cette poussée constante de formes de violences désormais ordinaires. Il y a eu l’attaque de l’autobus havrais sur la route du stade d’Ajaccio. Un traquenard que n’auraient pas désavoué les bandits de grands chemins d’antan. Injures racistes avérées, menaces de mort déclarées, utilisation de projectiles et d’une bombe agricole avec à l’arrivée une déclaration des dirigeants du club ajaccien consistant simplement à expliquer que la sécurité sur la route était de la responsabilité de cet État souvent accusé par eux d’être….trop répressif. Avez-vous entendu parler d’une enquête, d’une saisine du Procureur de la République et à fortiori d’interpellations 3 jours après les faits ? Le jour de la rencontre le Président havrais a reçu un coup dans le dos dans la tribune et la Députée havraise présente a été exfiltrée devant les menaces proférées à son encontre. Pour le moment silence radio… avec seulement cet aveu terrible venant de la Préfecture (c’est à dire de l’État!) : « imaginez un instant ce qu’il se serait passé si Le Havre avait gagné ! ». Une cinquantaine d’abrutis ont hurlé leur haine dans le stade quelques heures plus tard, a fêté la victoire en toute tranquillité et recommencera dès les matches contre Toulouse ! La violence a payé ! La violence a gagné ! La violence a échappé au contrôle républicain ! La violence n’a aucune raison de s’arrêter !
Que dire de ce qui s’est déroulé au pied d’une caserne de pompiers dans un quartier palois ? Le lynchage d’un Burkinabé pour une sombre histoire de contrôle d’un city-stade à moitié détruit par ses utilisateurs donne une autre dimension aux comportements violents. Plus de repère. Plus de retenue. Plus d’importance à aucun acte. Une vie humaine n’a plus aucune valeur lorsque les « meutes » se déchaînent. Les situations de ce type vont devenir courantes. Cette tragédie que l’on évitera de qualifier de raciste (bien que…) intervient au moment où le rapport Borloo sur les quartiers en grande difficulté est rangé partiellement ou totalement au placard par un gouvernement obsédé par la nécessité de revenir dans les clous de la commission européenne. La violence des réformes annoncées sur les prestations de solidarité sociale ajoutera à ce sentiment voulant que dans ces lieux de vies précaires on n’a plus rien à attendre de la République et de ses différents représentants. Une vie parallèle avec des règles parallèles construites dans l’ignorance et sous influence s’installe chaque jour davantage comme c’est le cas dans les « zones » défavorisées de pays réputés sous-développés.
Les guerres, les génocides, les crimes contre l’humanité, les attentats, les licenciements massifs, les attaques environnementales, les agressions physiques en progression constante… et des mots incontrôlés ressassés comme des vérités participent de cette banalisation de l’outrance, de l’affrontement et de la mort! Les violences touchent absolument toutes les classes sociales et croire que l’on est assez costaud pour y échapper c’est se tromper d’époque ou avoir les moyens de s’extraire du contexte actuel. Et malheureusement on est loin d’avoir tout lu, tout entendu et tout vu !
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Et en même temps, en milieu urbain, je n’ai pas souvent vu de période aussi peu violente (physiquement). Quand Bordeaux était un grand port,c ‘était autre chose… Avec la médiation de quelques agressions,on dirait, abusivement, que le pays est un champ de bataille pour la plus grande joie du FN. Danger. Pour les stades, la sortie des joueurs du Parc Lescure (devenu stade Chaban-Delmas) sous protection policière,déjà, au milieu de supporters atteints de délire, prêts à toute violence, m’ a toujours écœuré. Du sport on est passé au jeu « sportif »,puis finalement au jeu avec son cortège de rancœurs,de haines, de violence,de chauvinisme et de nationalisme. Le but n’ est pas pour certains de se mesurer mais de s’affronter. Personnellement, après avoir beaucoup pratiqué, je n’ai jamais ressenti de contrariété à l’encontre de « l’autre ». Bien au contraire, l’ analyse des raisons de la supériorité de mon adversaire m’a toujours apporté beaucoup tant techniquement, que physiquement ou moralement. Rien n’ était plus ennuyeux que de dominer sur des périodes plus ou moins longues. Pas de rêve, la routine,l’ ennui dans la sensation d’exercer un deuxième métier, l’ inverse de la mentalité de bien des supporters.