S’il est un légume qui a été méprisé (et qui le reste encore) c’est bel et bien la courge. Elle était même souvent, dans les fermes, destinée aux cochons dès qu’elle atteignait une taille respectable. Mieux, il faut convenir que, même si on est largement passé au stade supérieur, se faire traiter de grosse « courge » constituait une insulte rustique mais efficace. La situation a bien évolué mais on est encore loin de placer toutes les formes de cucurbitacées dans la catégorie reine des légumes utilisables en cuisine. Et pourtant il existe désormais de multiples variétés pouvant donner d’excellents résultats sur une table.
J’ai personnellement en mémoire la préparation d’une simplicité absolue que faisait ma grand-mère italienne. Elle se contentait de trancher en fines rondelles une courgette verte ordinaire de taille convenable pour les faire frire. Légèrement sucré, assaisonné avec de l’oignon frais et un peu de tomate ou sans aucun autre apport que celui d’un soupçon de sel, ce plat constituait l’un de ceux que je préférais. Désormais la plancha permet d’obtenir un résultat identique qui n’enchante guère les nouvelles générations peu attirées par cette préparation trop naturelle pour être intéressante. Mes grands-parents utilisaient vite les courgettes tendres et tout en chair mais en laissaient aussi atteindre la maturité pour régaler les poules, les lapins ou surtout les porcs. D’Italie ils avaient ramené l’utilisation de la « courgette » sous diverses formes.
Avec un peu plus de temps et dans leur croissance elles peuvent aussi être farcies. Il suffit pour cela d’extraire les graines naissantes et de combler le vide avec un mélange bien relevé de porc, de mie de pain, d’un jeune d’œuf, de panure de pain sec, sel, poivre, piment, un filet d’huile d’olive et des herbes diverses avec un ajout (pour ma part) d’une petite quantité de chair de veau afin de rendre la farce plus moelleuse. On peut aussi utiliser de la même manière les courges rondes et joufflues qui donnent un meilleur rendu avec le farci ou passer sur le gril des lanières un peu épaisses d’une courge prise dans la longueur tartinées ensuite de sauce ou de farci.
Mon père ramenait lors de ses escapades italiennes des zucchinis aux longues circonvolutions donnant des formes extravagantes offrant le grand avantage de conserver sur leur longueur une minceur de starlette sauf à leur extrémité où se stockaient les graines. Ces courgettes sont à utiliser dans les ratatouilles car elles fondent à la cuisson et se mêlent parfaitement aux autres légumes. Mon père conservait précieusement les graines d’une année sur l’autre qu’il séchaient sur du papier journal afin d’ensemencer l’année suivante son tas de terreau où elles donnaient de nombreuses courgettes dignes de figures d’art moderne.
Incontestablement la courge que je préfère reste celle qui fournit des « spaghettis » végétaux d’une finesse gustative exceptionnelle. Il n’y a pas une seule recette de pâtes qui ne puisse s’adapter à ces filaments contenus dans un légume ne payant pas extérieurement de mine (voir photo du bandeau). La préparation est plus longue que toutes les autres. Il faut en effet compter d’abord une bonne heure de cuisson dans de l’eau salée avant de pouvoir exploiter le contenu de la courge. Attention de ne pas trop la faire cuire après avoir (pas trop) percé la coque dure avec un couteau fin afin que l’eau chaude pénètre lentement le cœur du légume. Il faut ensuite l’inciser et essayer de la séparer en force par écartement en deux parties pour éviter de trop trancher les « spaghettis » extraits précautionneusement avec une cuillère. Enfin place à l’imagination. Avec une sauce bolognaise, à la carbonara, au saumon, aux miettes de thon, gratinées dans leur coque, en « lasagne » en intercalant des couches de tomate, d’oignons, d’ail, de parmesan et d’épices traditionnelles ces filaments régalent. Il faut souvent bien relever les accompagnements car les spaghettis végétaux sont naturellement assez fades. Quel que soit votre choix je vous garantis un plat savoureux susceptible de réconcilier bien des convives avec les légumes. Je n’ai pas par contre une appétence particulière pour les « flans » individuels de toutes textures très à la mode car ils noient la spécificité de la courgette dans un mélange souvent sans goût et atone.
Je suis de ceux qui prônent la réhabilitation des cucurbitacées qui sont et demeurent un légume de « pauvre » susceptible d’enrichir les tables. Peu onéreuses à l’achat, les courgettes sont quasiment utilisables dans leur intégralité et elles ne nécessitent jamais des préparations complexes. Leur simplicité constitue leur valeur essentielle. Il est évident qu’il ne faut acheter ses courgettes qu’à des petits producteurs ou à des jardiniers de proximité. Le mieux, si on le peut, c’est de lâcher quelques graines sur un tas de compost pour avoir les siennes. Il faut les arroser souvent mais pas trop de telle manière qu’elles ne se gorgent pas uniquement d’eau comme celles qui viennent des cultures industrielles. Elles ne doivent pas nécessairement être non plus très luisantes car ce n’est pas un « signe extérieur » de « richesse intérieure ».
Rappelez-vous que c’est à Cuba en 1492 que Christophe Colomb a découvert les courges et c’est en 1535 que Jacques Cartier les a découverts dans les jardins de certains peuples iroquois près de Québec mais n’oubliez jamais que ce sont les paysans italiens pauvres qui ont d’abord donné sa noblesse à la courgette qui finira ensuite dans les ratatouilles provençales il y a seulement 80 ans ! Avant on vivait comme de grosses courges !
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Il serait difficile de faire un inventaire complet des utilisations culinaires possibles de la courgette ! Pour enrichir une soupe, elle n’est pas mal non plus et ajoute de l’onctuosité.
Cette année, les courgettes bien abritées donnent une belle récolte(pas arrosées depuis la plantation !) Par contre, les pêchers en fleurs ayant gelé, la récolte sera minable : pas de confiture ni de compote à espérer.
On a donc utilisé les courgettes en surnombre pour remonter le stock de confitures : 40 grammes de gingembre râpé, la peau râpée d’un citron(ou d’une orange) et son jus, environ 500 g de sucre, le tout pour un kilo de courgettes passées dans l’ancestral « Moulirâpe ». On surveille la cuisson et quand ça devient translucide, on met en pots.
De bons souvenir d’été pour cet hiver !
Vive la courgette !
Eviva la zucchinna !
Personne dans les commentaires n’a pensé hier à te souhaiter ta fête !
Je le fais et commémore en même temps le 228° anniversaire de l’Abolition des Privilèges…….à recommencer au plus vite, mais nous ne sommes pas sur la voie, semble-t-il.
Ah la courge à cochon. J’ai bien connu ce légume que ma grand mère utilisait pour donner aux cochons. Les courges étaient coupées et mélangées à de la « repasse ». Les cochons mangeaient aussi les patates mais selon ma grand mère ça les engraissaient trop.
Jamais les petites courgettes étaient utilisées pour la nourriture familiale.
A cette époque il y avait les ges, les fèves, les haricots secs.
La courgette c’est bon et ne coûte pas très cher lorsque en fait la culture.
La courgette au jardin c’est bien sauf qu’il faut entretenir les feuilles à la bouillie bordelaise sinon les courgettes vont dépérir.