You are currently viewing Les lumières des mémoires sont placées sous l’éteignoir

Les lumières des mémoires sont placées sous l’éteignoir

Le score de Marine Le Pen sera révélateur du niveau catastrophique de la mémoire collective du peuple de France et surtout du niveau de la culture citoyenne historique des nouvelles générations. Tout est fait pour maintenir une acculturation sur des périodes récentes du pays, de telle manière que les idées dangereuses portées par l’extrême-droite soit déconnectées du passé. La réforme complexe, illusoire, sans corps et sans références de l’enseignement de la plus importante des disciplines scolaire qu’est l’Histoire (il n’y en a quasiment plus à l’école) a creusé un précipice entre la perception qu’ont les électrices et les électeurs des discours qu’ils entendent et les valeurs portées par les références à des périodes sombres pour la République. Cette déliquescence forte conduit à une lepenisation plus ou moins forte des esprits.

Actuellement des mots sont utilisés de manière abusives par les réactionnaires de toutes origines et leurs adversaires courroucés, avec une étonnante facilité car ils ne représentent plus rien pour bon nombre des gens qui les entendent. « Fascisme », « résistance », «  collaboration », « racisme », « laïcité », « nation », « patriote », « indépendance », « justice », « attentat », « armes », « peuple », « persécution »… deviennent des principes ou des qualificatifs galvaudés qui ne font plus peur à personne ou qui glissent comme la pluie sur le plumage d’un canard ! A force de « crier au loup » FN sans jamais vraiment mettre en œuvre une vraie renaissance éducative pour le combattre les vrais Républicains perdent chaque jour du terrain !

Il suffit concrètement de se promener dans Vichy, ville hautement symbolique pour comprendre cette volonté collective datant de la période des années 70-80 d’effacer les traces d’un moment pourtant dramatique de l’Histoire de France. Durant des décennies la seule évocation de ce lieu pour curistes fortunés soulevait encore des hauts le cœur de bien des Français ayant connu le régime de Pétain. Dans mon livre « La sauterelle bleue »(1) je confiais mon étonnement d’enfant quand une douzaine d’années après la libération du joug allemand, dans mon village natal, on évoquait les « héros » encore très présents de la guerre 14-18 et que dès que l’on parlait de l’Occupation les conversations tournaient court ! Durant cette traversée du désert républicain les attitudes de bien des gens avaient été peu glorieuses… et il valait mieux les oublier !

Vichy a donc tout masqué de son passé de siège de l’État français et de la présence de Pétain et ses sbires. Aucune indication dans les circuits proposés aux visiteurs, aucune allusion sur les textes apposés devant des monuments ou de sites historiques. Le seul, dont le nom apparaît partout, se nomme Napoléon III grand bienfaiteur s’il en est de la station thermale qu’il a couvert d’édifices et de privilèges impériaux. Mais absolument aucune indication de l’utilisation des immeubles par le gouvernement ou les polices collaborationnistes. Un circuit est proposé par l’office de Tourisme le mercredi et le samedi après-midi mais il faut payer et s’inscrire…mais les découvertes libres n’existent pas ! On a occulté… le passé !

Qui sait donc actuellement que les pires ennemis des Français furent les autres Français ? Au cours de la guerre, la collaboration prend plusieurs formes : coopération économique, arrestations de résistants, de francs-maçons, et d’opposants politiques (dont les communistes), rafles de Juifs sur le territoire métropolitain, remis aux Allemands et déportés. Sur le plan militaire, le régime n’est pas un allié officiel du Troisième Reich mais le gouvernement Laval reconnaît la Légion des volontaires français (LVF) comme une association d’utilité publique et contribue aussi à l’effort de guerre allemand au moyen de la collaboration de son industrie militaire. Il fournit en outre à l’occupant une force armée supplétive de répression en métropole, avec la Milice française, responsable d’exactions meurtrières sur tout le territoire…. Tout ça est gommé du paysage puisque la réconciliation nécessite pareille attitude.

Il serait peut-être intéressant de laisser un petit panneau expliquant que par exemple à l’angle du boulevard Carnot et de la rue Roovère, l’hôtel Algéria abritait les locaux du Commissariat aux questions juives et à l’aryanisation. Il n’est pas inutile d’indiquer que supplétive de la Gestapo, créée en janvier 1943 par Joseph Darnand, la Milice a élu domicile rue Durand-Fardel -hôtel Métropole- et torture un peu partout, notamment dans les caves du Petit Casino, actuel centre culturel Valéry Larbaud…. Un simple oubli ! Mais bien évidemment c’est pas très glorieux dans une ville où les soutiens de Marine Le Pen ont réalisé 20 % et Wauqiez 51 %  au second tour des régionales ! Devant le célèbre casino où une minuscule plaque précise que 80 députés courageux ont refusé les pleins pouvoirs à Pétain, au sommet des grands platanes des corvidés croassent en permanence à la recherche de leurs congénères pour bâtir leur nid. L’atmosphère est lugubre… pour celui qui n’a entendu dans la campagne environnante que les chants du gai rossignol et du merle moqueur. Et immédiatement me vient en mémoire : « Ami entends-tu le vol noir des corbeaux sur la plaine… »

(1) Editions Aubéron

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Cet article a 8 commentaires

  1. Baillet Gilles

    La seconde guerre mondiale et l’extermination des Juifs sont traitées à plusieurs reprises dans les programmes scolaires: en 3ème, en CAP et en terminale. La progression du vote FN n’est pas un problème de mémoire mais d’incapacité pour les citoyens d’établir un rapport quelconque entre ce parti et les évènements qui ont marqué l’Europe il y a 77 ans. L’électeur FN vous dira: « Le Pen Hitler ce n’est pas pareil ! » Je ne parle pas des nazillons qui sont fiers de la filiation et l’assume pleinement…
    On connaît depuis des décennies un déclin de la culture politique plus qu’historique. Les nombreux électeurs de F. Hollande qui ont basculé dans le camp FN doivent nous interroger. Voter « à gauche » a perdu tout son contenu politique. Les « réformateurs  » successifs du PS ont vidé le socialisme de son contenu et l’ont dépolitisé. Il n’y a pas aujourd’hui de réponse idéologique claire au racisme par exemple. « Le racisme c’est pas bien ! » Ah oui mais pourquoi? Qu’a à dire la pensée socialiste sur ce phénomène?
    Aussi, les rapports entre l’électorat « de gauche » et les élus « de gauche » ont changé: ils sont depuis fort longtemps de plus en plus matériels. On vote pour l’élu « de gauche » parce qu’il a rendu un service… Le clientélisme remplace depuis des décennies l’adhésion aux idées. Par conséquent, il n’est pas étonnant de voir basculer des gens, insatisfaits par le service qu’ils attendaient.
    A Hénin Beaumont, le racisme préexistait à l’arrivée de Marine Le Pen. Qu’ont fait les municipalités « de gauche » pour combattre ces réflexes? Rien ! A part du clientélisme, de la corruption et des détournements d’argent public. Ce faisant, elles se sont discréditées et ont ouvert la porte au FN qui se glisse allègrement dans les réseaux clientélistes locaux et surfe sur la vague raciste. On imagine facilement un obligé du PS devenir un obligé du FN dans un contexte économique catastrophique et de recul de l’Etat social.

  2. bernadette

    Noir c’est noir, il n’y a plus d’ espoir…..

  3. Sylvain Bahlia

    Gilles Baillet a raison : « Voter « à gauche » a perdu tout son contenu politique. Les « réformateurs » successifs du PS ont vidé le socialisme de son contenu et l’ont dépolitisé ». Dépolitisé n’est peut-être pas le mot : ils l’ont empli d’un autre contenu, de plus en plus réactionnaire, parce que de plus en plus à la solde de cette société capitaliste. Capitalisme. Ah le vilain mot ! Jaurès, et même Blum (que je ne tiens pas en grande estime) doivent se retourner dans leur tombe. La chute de l’URSS stalinienne a pour certains réglé le problème : hors du capitalisme, point d’issue. Pourtant l’URSS, certes héritière d’Octobre 1917, n’avait plus rien de communiste ni de socialiste. Le stalinisme a rendu un immense service au capitalisme : tracer un signe d’égalité entre socialisme et totalitarisme. Après son soutien à Staline, le silence du PCF sur les crimes de Staline, le goulag etc. fait partie du lot. La « gauche » est complice, tout est à reconstruire. Voilà Bernadette où est l’espoir : même si cela prend du temps, il faut tout reconstruire. Et s’appuyer pour cela sur les forces vives de ce pays (et au-delà) : les travailleurs qui, avec FO et la CGT, ont combattu pendant des mois la loi El Khomri, ceux qui ont manifesté avec les personnels de santé le 7 mars. Ceux qui n’acceptent pas la liquidation de nos acquis, santé, services publics, Code du travail.

    1. bernadette

      @Sylvain,

      Je respecte la cgt, fo et autres.
      Je respecte les artisans
      Je respecte les agriculteurs
      Je respecte tout ce qui
      contribue à former l’économie
      ce que je ne respecte pas
      est l’avalanche de politiques pour ne rien faire

  4. bernadette

    Quand va t’on scinder les syndicats des politiques. Le syndicalisme qui repose sur l’entreprise ne peut pas faire la même chose avec l’expression du politique.

    1. sylvain

      @Bernadette
      En effet les syndicats doivent rester indépendants des partis politiques et de l’Etat. Il ne s’agit pas de demander aux syndicats de rénover la vie politique, ce n’est pas leur rôle, ni la tradition en France. Par contre pour rénover la vie politique, pour reconstruire, il faut compter sur les salariés qui se sont mobilisés pendant des mois contre la loi El Khomri de destruction du Code du travail, qui ont montré leur détermination. C’est un avertissement aux politiques, et les manifestations du 7 mars aussi, alors que la campagne électorale est largement entamée. Il nous faut combattre ensemble, défendre les conquêtes sociales dans ce pays, qui sont considérables. Les partis alignés sur l’Europe et la société capitaliste ne veulent rien changer sur le fond (y compris bien entendu le FN). C’est cette résistance des travailleurs qui montre la voie. Les présidentielles, quel que soit l’élu, apporteront-elles des réponses à la crise ? Vont-elles stopper les licenciements ? Arrêter la destruction des services publics ?

  5. bernadette

    @Sylvain,

    Concernant les services publics, j’ai eu la désagréable « surprise » de voir que les syndicalistes élus Maire n’ont rien faits. Les élus sont des lobbies égoïstes.

  6. SOULET Gilbert

    Bonjour et merci encore Jean-Marie qui a permis à M. Gilles BAILLET d’amender quelque peu les choses à propos de la 2ème guerre mondiale ! Mais Vichy que tu cites est à diffuser sur le sujet.
    Je pense effectivement qu’une grande responsabilité incombe au PS depuis quelques années, comme pour la guerre en ex-AFN et l’oubli de la souffrance des appelés du contingent qui n’était pas la même que celle de nos Amis Pieds Noirs et Harkis.
    On le paye encore aujourd’hui avec le 55ème anniversaire demain du 19 mars 1962
    Très amicalement,
    Gilbert de Pertuis (11-1939)

Laisser un commentaire