Quand on connaît la manière dont pense et agit François Hollande on peut être certain que ce qui devient « l »affaire » ou le « scandale » de l’utilisation de l’article du 49-3 pour faire passer la loi El Khomri relève encore du coup de billard à 3 bandes strictement politique. Chacun y va de son indignation légitime ou de son analyse superficielle de cette opération qui semble un défi à une partie de l’opinion publique. Tout a pourtant été pesé à l’Élysée depuis 48 heures afin de préparer une opération sophistiquée destinée à mettre tous les adversaires du Président sortant en situation délicate. En dehors des déclarations fracassantes effectuées dans le jeu de rôles traditionnels, les stratèges parlementaires ont en effet été plongés dans un doute prudent.
Hollande a semé le troublé à droite comme à gauche… et c’est délibéré car au-delà du texte de loi il s’agit de diviser tous azimuts pour espérer encore régner. En effet désormais, après la décision annoncée par Manuel Valls il ne va pas être aisé pour les « oppositions » de se positionner notamment avec une seule motion de censure déposée par la Droite.
D’abord Hollande veut démontrer qu’il résiste à toutes les pressions extérieures et qu’à cet égard la mollesse qui le pénalise en terme d’image n’est pas justifiée. Il résiste à son propre camp dont il se désolidarise tout en ramenant son discours progressivement vers la gauche. Il sait que sa situation est tellement désespérée dans l’opinion qu’il ne court plus aucun risque en contrant des prises de position de la rue ou des contestataires de gauche qui passent de moins en moins leurs nuits debout. Le récent résultat de Sadiq Khan à Londres a renforcé les conseillers présidentiels dans leurs certitudes : il n’est pas mauvais d’être sous les critiques de l’aile la plus à gauche du parti des socialistes car elles renforcent un positionnent pragmatique. Il sait aussi fort bien que les « militants » plus accrochés aux valeurs n’ont pas attendu cette décision de passage en force pour se retirer du PS réduisant le parti à un « croupion » tenu par quelques élus en préparation des législatives. On se retrouve dans la même situation que lors de la déchéance de la nationalité que la Droite avait fait échouer au Sénat ce qui avait privé les « frondeurs » d’un combat glorieux.Le 49-3 va donc stopper le déballage et contraindre les rebelles à s’allier une nouvelle fois de manière confuse avec la Droite parlementaire ou de rester chez eux.
On peut se demander également si dans le fond l’Élysée ne souhaite pas… que la motion de censure soit votée contraignant le Président à une dissolution et laissant encore aux manettes le gouvernement quasiment jusqu’à la rentrée (14 juillet minimum) ! Cette hypothèse avait été évoquée déjà dans les discussions au moment de la réforme constitutionnelle si le Congrès « putatif » avait refusé de se prononcer favorablement. Elle avait été écartée car la procédure n’était pas arrivée à terme.
Ensuite François Hollande sait que le Premier de ses Ministres attend une occasion pour quitter Matignon et que si sa loi avait été maltraitée il aurait sauté sur l’occasion. Il avait été délibérément outrancier sur la question de la nationalité afin de faire monter le maximum d’oppositions. Il l’est à nouveau sur la loi El Khomri de telle manière qu’il ne soit pas taxé de trahison mais au contraire qu’il conserve l’image de celui qui a tout tenté pour sauver le Titanic ! Valls qui devient le « grand méchant loup social », s’il n’est pas désavoué par la censure devra rester jusqu’au bout alors qu’il souhaite vraiment prendre son envol ! Hollande accule en fait de cette manière une quarantaine de députés à rejoindre la Droite et ) prendre le risque de démolir le gouvernement pour aller vers des législatives catastrophiques pouvant avant l’été, introduire au palais Bourbon quelques dizaines de parlementaires du FN à quelques mois des présidentielles. Une situation cornélienne.
Ce serait aussi un bien mauvaise affaire pour la Droite qui devrait se choisir un leader pour aller à Matignon en cas de victoire fin juin alors que ses primaires ne sont même pas entamées… Dans le fond personne n’a intérêt à ce que le 49-3 sur une loi « symbolique » tant que les décrets d’application complexes ne seront pas publiés de sitôt provoque une crise. Les écologistes non Hollandais, les Communistes et le Front de gauche ne sont pas assez nombreux (il leur faudrait 58 députés) pour déposer leur propre motion. Le piège tendu se refermerait avant la désignation des candidat(e)s PS aux législatives sur celles et ceux qui iraient rejoindre cette proposition. Il y a donc fort à parier que PC, FG et EE-LV non pro-gouvernementaux vont voter avec la Droite ce qui va constituer une conglomérat hétéroclite déjà dénoncé par Valls ! Tout bénéfice politiquement.
Il reste enfin à constater que cette fois encore l’incapacité du PS à gérer une situation qui lui échappe totalement. La navigation à la godille ne permet certainement pas d’avancer dans une tempête mais par contre elle laisse le temps de noter le nom de celles et ceux qui se mettent hors du bateau… Nul doute qu’il y aura des règlements de comptes sanglants à la rentrée puisque dès cette fin de semaine personne ne pourra s’attribuer des faits d’armes glorieux lors d’une bataille qui n’aura même pas eu lieu… Le week-end de Pentecôte qui se profile et ce qui n’a pas marché avec la réforme constitutionnelle risque bel et bien de fonctionner jeudi après-midi !
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Cette situation nous montre que la constitution de la Cinquième République a vécu.
Ce 49.3, relent de Veto d’une monarchie dépassée illustre en effet l’irrationalité de cette constitution faite pour des moments d’exception (comme dans la République romaine, le « dictateur » remplaçant pour une période bien définie les deux consuls quand la situation était grave).
A quoi sert en effet un pouvoir législatif si c’est l’exécutif qui décide des lois ?
Il y a usurpation et négation du pouvoir du peuple, une affaire relevant, à mon avis, de la Cour de Justice de la République.
Vivement la Sixième !
Bonjour,
excellente analyse politique, reste que derrière tous ces calculs politiciens ( aux relents caractéristiques ) la loi travail va infliger un triste sort aux droits des salariés. Entre le projet initial, les concessions du mois de mars, les revirements sur les TPE-PME, et la réalité du texte soumis aux députés, bien malin qui sait encore ce que la loi El Khomri contient exactement. Sans oublier que le gouvernement fait passer près de 500 amendements en même temps, dont la teneur exacte est encore inconnue. Ce qui transpire effectivement c’est le passage de la durée maximale quotidienne de travail (10 heures) peut être portée à 12 heures maximum.Ainsi que de porter la moyenne hebdomadaire de travail à 46 heures, au lieu de 44, sur 12 semaines. Les heures sup passant de 25 à 10%. L’intrusion de l’accord majoritaire primera sur le socle commun qu’était le code du travail y compris en matière de rémunération et durée du travail. Dans les entreprises (TPE et PME) sans représentation syndicale, les employeurs pourront négocier avec des salariés mandatés par un syndicat sur tout sujet pouvant faire l’objet d’un accord. Les branches pourront négocier des accords-types applicables UNILATÉRALEMENT par les employeurs d’entreprises de moins de 50 salariés. Et évidemment la surtaxation des CDD pour encourager les embauches en CDI est abandonnée, au grand soulagement des syndicats patronaux.
Avec un code du travail promis à 150 pages par Bruno Lemaire, je peux annoncer sans risques que même si cela advenait les financiers trouveront encore qu’il restera toujours trop de droits pour les salariés… En bref, à bas le salariat et vive le bénévolat!!!!
Salutations républicaines
Je pense qu’il faut revoir l’annualisation du temps de travail et revoir l’aménagement du temps de travail. Il faut négocier avec le patron. Le problème est une baisse de syndicalisation et ç’est fort dommageable
En résumé : les travailleurs viennent d’hériter d’une loi scélérate, un retour en arrière tragique.
Et ce n’est pas fini, si les soi disant républicains reviennent aux commandes le pire du pire est à craindre.
Il n’y a pas que les gros part is, les petits partis du dessous de la ligne Umps peuvent tres bien reconstruire une politique equitable
Le scandale de cette loi est la destruction du code du travail qu’elle entraîne !!! Avec les accords d’entreprise régressifs qui l’emporteront sur la loi commune, les travailleurs vont souffrir !!! Heureusement pour Hollande et sa clique, beaucoup de gens ne savent pas exactement ce qu’il y a dans cette loi. Les journalistes qui la défendent – sans contradicteur – sont des escrocs !!! Les parlementaires qui nous présentent ça comme un « progrès » aussi !!!
Pas glorieux tout çà !
Bonjour,
Et oui, il y a personne pour soutenir la creation d’emploi. Ils sont où les politiques de gauche et de droite ?
Affligeant spectacle offert par la gauche et un François HOLLANDE machiavélique uniquement préoccupé par la recherche d’un second mandat.
Derrière tout ça , le MEDEF jubile et notre Société dérive vers un modèle Anglo Saxon libéral dont on peut aujourd’hui mesurer les conséquences avec une pauvreté en forte hausse.
Lamentable ………..