Le téléphone sonne…jamais pour rien !

Croire que l’on peut véritablement prendre ses distances avec son quotidien et surtout la vision qu’ont les autres de vous, relève de l’utopie ! Dans la société actuelle où se conjuguent l’égoïsme et l’exigence d’obtenir une réponse rapide on n’échappe pas â la réalité du téléphone mobile ! Même fermé il reste un redoutable réceptacle de la détresse des autres ! Il emmagasine davantage de problèmes que de solutions. Les appels écrits ou oraux restent certes coincés dans la messagerie si on a décidé de museler l’accès mais tôt ou tard le « mal être » finit toujours par arriver. Une petite semaine réputée loin de tout ne fait que révéler les vrais sujets dont les médias ne parlent pas un seul instant. Ce décalage est encore plus inquiétant quand on ne noie plus les « réceptions » dans sa propre activité et au milieu de ses propres envois.
Les appels sont là et il est impossible de les ignorer sous prétexte que l’on est très occupé ou que l’on doit se concentrer sur l’intérêt général. On est partagé entre deux attitudes : refuser d’entendre au prétexte que l’on est en vacances ou prendre en compte la demande sans pouvoir y répondre en raison de l’éloignement. Le choix dépend seulement de sa motivation, de sa conscience ou du rapport que l’on a avec les autres.
Dans le silence auquel on aspire, tombent les préoccupations de gens normaux plus ou moins proches, ayant besoin d’un coup de pouce forcément urgent. Tous tournent autour d’un contexte social angoissant. Plus de travail et plus de droits au chômage ! Rien d’original sauf que se profilent des difficultés financières inexorables. Pas de place dans un EHPAD pour un proche dont la maladie d’Alzheimer progresse trop vite : de plus en plus courant. Une sortie d’hôpital prévue sans place disponible dans un établissement de soins : une préoccupation classique dans un système de santé dépassé! Pas assez d’heures de boulot en CDI pour vaincre la précarité et l’impossibilité de trouver des aides en raison du statut de salarié : une situation de plus en plus courante! Conflits associatifs fratricides et concurrentiels avec de graves conséquences pour le personnel : une nouveauté en progression! Demandes de subventions pour faire face à des situations de trésorerie compliquées : croissance rapide en vue ! Une bonne demi-douzaine d’autres urgences sociales personnelles traversent aussi le temps et l’espace grâce aux SMS qui se muent en autant de SOS individuels. Impossible de ne pas convenir, loin de tout, dans le silence, que nous nous enfonçons dans une situation nationale angoissante. Ce ne sont en effet que d’infimes particules de ces difficultés du quotidien conduisant des gens vers des positions irraisonnées mais explicables. Il existe parmi nous, à côté de nous, des « réfugiés » de l’insécurité sociale ambiante qui ont besoin d’un numéro d’appel pour exister. Eux-aussi cherchent une gare de triage de leurs difficultés et le téléphone leur permet de le trouver sans se découvrir. C’est parfois dur mais on ne résiste pas à l’appel au secours.
En fait le vrai militantisme politique de gauche c’est de toute urgence d’être disponible, à l’écoute, proche, humble, de tenter de rester humain dans un contexte où la froideur des ratios, des chiffres, des objectifs, des économies ne cesse de préoccuper les esprits. Faute de pouvoir jouer ce rôle et de faire le choix de le laisser le téléphone sonner chez des « techniciens » ou aux « administratifs » pour se réserver les grandes envolées théoriques les élus des plateaux télé ont rompu le lien affectif qui étaient la base de la confiance démocratique. Ils sollicitent l’appui de gens qu’ils oublient ensuite au nom de la « gestion » alors qu’elle n’a aucun sens quand elle est déconnectée des valeurs.
Mon téléphone sonne, c’est vrai alors que j’aurais voulu l’oublier. Il sert maintenant de « sonneur d’alertes » dans le vide des vacances plus que de transmetteur de bonnes nouvelles mais il ne fait que refléter le monde réel. Dans le fond c’est normal… Un cerbère qui m’accompagnait un jour dans les couloirs de l’Elysée m’avait résumé le mal de la politique à un autre niveau en réponse à ma question sur les 3 présidents qu’il avait successivement servis (Chirac, Sarkozy, Hollande) : « tous trois sont arrivés ici en se croyant maitres du monde… Or dès qu’ils ont un pied dans le Plais ils ne s’appartiennent plus et sont otages de gens qui passent leur temps à les empêcher de voir la réalité afin de conserver leur pouvoir de conseiller…! » Leur téléphone sonne-t-il ?

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