Un cheik en blanc pour bâtir sur du sable

Le mot qui revient le plus dans les discussions estivales demeure incontestablement la « plage » car il symbolise le besoin de dépaysement dont ont envie les estivants. Depuis bientôt deux siècles les vacanciers ou les autochtones viennent s’y mettre sur le sable quelle que soit leur fortune. Quand la promiscuité est pesante toute l’année des milliers de personnes s’installent pourtant sur un territoire restreint pour exhiber leur anatomie diversifiée aux rayons d’un soleil réputé régénérateur. De temps à autres, selon leur audace les « étalés » urbains ou sans gêne vont se plonger dans une eau rafraîchissante ou se contenter de prendre timidement leur pied dans l’écume d’une vague. Le besoin d’eau et de sable frappe toutes les générations. Des pâtés des enfants,aux châteaux de béton achetés en Espagne des adultes on constate de fortes addictions à l’un et à l’autre (mer et sable) de ces éléments complémentaires pour qu’un été soit réussi.
Pour certain(e)s en effet il ne saurait y avoir de vacances réussies sans « grillades ostentatoires » au pied des dunes, sur des galets ou des rochers surchauffés. La « cuisson » a ses stades allant comme au restaurant pour le magret du « rose » pâle jusqu’au racorni intégral selon le souhait du « convive » et les « sauces » appliquées aux mets exposés. Au fil du temps le rivage maritime a pris des allures de gigantesque micro-ondes dans lequel on vient rôtir un corps plus ou moins dénudé. Plus grand monde s’y installe pour « prendre les eaux » comme ce fut le cas durant ce que l’on appelait la Belle époque mais désormais il ne s’agit plus que d’y « vénérer l’astre solaire ». Ne rien faire, se laisser caresser par celui qui en connaît un rayon, justifient pleinement l’utilisation du vocable de « droit de grève » pour ce lieu privilégié où l’on voit défiler toutes les classes en recherche de leur pouvoir d’achat de bonheur.
Avoir sa place, revendiquer son territoire habituel, délimiter son royaume par une serviette deviennent des soucis quotidiens des conquérants du sable. Ils s’appliquent parfois depuis des années à retrouver des sensations procurées par l’appropriation rassurante car répétitive d’un espace réputé public mais que leur constance estivale leur permet de privatiser.
Les aventuriers du littoral dont la véritable obsession consiste à dénicher le lieu inconnu de la foule afin d’imiter Paul et Virginie ne sont guère différents sauf qu’ils se sentent plus forts en violant des interdits ou en courant des risques. Il y a une certaine jubilation pour ces insoumis à inscrire sur le sable humide l’empreinte de leurs pas comme Armstrong l’a eu fait sur le sol lunaire. On ne peut pas vraiment prétendre que c’est l’objectif du Roi d’Arabie saoudite qui va venir en villégiature en France mais il espère comme le bon peuple avoir son recoin exclusif pour une baignade attendue par sa cour condamnée aux palais réfrigérés.
Pour lui le sable n’a pourtant pas d’autre intérêt que celui de couvrir des nappes de ce pétrole qui justement de temps à autres vient souiller celui sur lequel il compte étendre sa famille nombreuse. La notion de propriété collective des rivages n’a vraiment aucun sens pour sa Majesté car les étendues sableuses ne peuvent être que désertiques et exclusivement son bien personnel.
Propriétaire d’une villa en bordure d’une plage publique de Vallauris dans les Alpes-Maritimes, il a décidé au nom du pouvoir donné par son fric coulant à flots de faire réaliser des travaux de clôture pour transformer en piscine royale la sympathique crique de La Mirandole. Isolé du monde car accessible seulement par un tunnel ce bijou protégé du vent a excité la convoitise du Roi du sable pétrolifère. Comme quoi un bout de rien du tout du territoire national a davantage de prix pour un souverain que tout un pays…
Cernée par les immeubles dans lesquels vivent ses utilisateurs « ordinaires » les dizaines de m² de la plage de la Mirandole devient un enjeu diplomatique majeur ! Eclipsées celles de la Baule, de La Madrague à Saint Trop’, de Saint Clair au Lavandou, de Biarritz, de Quiberon ou de Vendays-Montalivet… et tant d’autres par ce recoin défendu par des citoyens dont on est certain qu’ils sont mus par le seul intérêt général. Ils auraient évidemment réagi de la même manière si la reine d’Angleterre avait fait la même démarche.
Les plages ont d’une manière ou d’une autre, appartenu à l’histoire, petite ou grande. Il y a eu en effet celles des débarquements pour la liberté, celles de l’arrivée des découvreurs de mondes inconnus, celles des envahisseurs armés ou pacifiques, celles des paradis pour pages glacées d’agences de voyage ou celles gavées de parasols, de transats ou de cabines ! Toutes ont leurs atouts. L’été elles deviennent des miroirs sociaux. Elles absorbent les images de notre monde se voulant naturel et simple alors qu’il n’est qu’apparence et sophistication. Toutes sont couvertes de pavés des conventions ! Et comme ailleurs le plus grand nombre essaie seulement de s’y faire une place au soleil !

Cet article a 2 commentaires

  1. Rogier

    VIVE LA PLAGE LIBRE!

  2. Christian Coulais

    Autre endroit ou les barrières sociales tombent, j’y étais hier, (et la veille à Soulac, d’où cette remarque), c’est le domaine départemental d’Hostens.
    http://www.gironde.fr/jcms/cgw_67364/hostens-et-blasimon-evadez-vous-tout-pres

    Par contre, quelle pression écologique, avec ces milliers de personnes par jour sur ces quelques hectares de plages au sable blanc. Je me posais la question s’il existait un suivi des services « espaces verts » afin de limiter l’accès, à certains endroits en permutant un peu comme au bord du cordon dunaire du littoral océanique. J’y vais chaque année, et là comme la saison chaude a débuté de fort bonne heure, j’ai perçu une « usure » prématurée.

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