Il y a dans la querelle apparente entre « papa facho » et « fifille gentille » une excellente opération de communication inspirée par les recettes classiques et extrêmement populaires du western. L’enjeu est simple : il faut préparer l’avenir en stabilisant à son maximum avant les régionales l’électorat FN réparti dans tout le pays et plus sur des zones ciblées. Tous les scénaristes ont utilisé durant l’âge d’or du cinéma américain la querelle familiale de pouvoir entre les enfants pressés de conquérir le pouvoir et le patriarche peu décidé à quitter son patrimoine gagné hectare après hectare grâce à la vaillance de gens dévoués corps et âme. Il fédère et soude les publics ! Ce type d’affrontement auquel se mêlent progressivement des personnes extérieures prenant position en faveur d’un camp ou l’autre frappe l’imagination populaire par la simplicité des principes étalés devant des spectateurs vite rangés dans un camp ou l’autre. Pour peu qu’on y ajoute des « peaux rouges » arc-boutés sur la défense de leur territoire ou des « immigrants » avides d’espaces nouveaux on obtient un excellent film d’aventures pour un large public.
L’élément caractéristique de ce western classique est en effet le manichéisme exacerbé avec lequel est dépeinte la société, et par là le schéma plus général « des bons et des méchants » qu’il véhicule. Les personnages sont stéréotypés, du héros (dans le cas du FN c’est une héroïne) blanc comme neige, originaire du cru, oublieux parfois de ses origines étrangères au bandit sans foi ni loi bardé des cicatrices gagnées dans des combats sans pitié . Les « peaux rouges » sont considérés comme des ennemis de la civilisation et font pendant longtemps partie du camp des « mauvais ». Et ce sont leurs chefs alcooliques, dépravés qui sont quasiment présentés comme incapable de gérer l’avenir de leur tribu qui conduisent leur peuple à la ruine. Plus ils sont présents dans le scénario et plus ils valorisent les bons, les brutes et les truands !
Le FN a construit un western parfait sur cette base là et va développer l’intrigue qui tiendra en haleine facilement les médias durant plusieurs semaines. Il y aura d’abord « règlement de comptes à OK Le Pen » version 1 ensuite bientôt version 2 avec l’arrivée en scène de la petite-fille déchirée entre sa reconnaissance envers son aïeul et les intérêts de son camp et enfin la version 3 qui se déroulera à la rentrée où le « papy fera de la résistance ! »
Dans ce western il faut absolument que la femme, personnage principal soit toujours un être distingué et protégé. Marine doit être en quelque sorte la « victime » affligée d’un père vieillissant, indigne, archaïque, suicidaire, proche de sa fin mais s’accrochant désespérément à son pouvoir temporel. Elle devient encore plus « la » martyr à plaindre vis à vis des femmes et des hommes ayant la foi dans le FN chevillée au corps. Victime d’une injustice elle va encore accentuer sa popularité auprès des jeunes qui la voient dans les griffes usées d’un « vieux » pervers et démoniaque. Il y a eu Sainte Blandine… on aura bientôt sainte Marine ! Le coup est parfait car il intervient après les départementales et en une période où la droite classique balbutie sur l’acteur principal du film pouvant concurrencer cette superproduction frontiste !
Ce manichéisme apparent sert souvent d’articulation de l’action et on le retrouve avec talent dans l’opération papy contre fiffille : le bon shérif contre les bandits ou les voleurs, les cultivateurs contre les éleveurs, les héritiers contre les conquérants, les gens de l’extérieur contre ceux du cru, l’homme défenseur de la loi du sang contre le shérif véreux, les vieux rapaces contre les jeunes généreux etc… Le FN a mis en scène des types d’histoires et des penchants néfastes universels, ce qui a contribué à le populariser dans tous le pays grâce à la télé et à gagner des auditoires ayant besoin d’image simplifiées, des caractères universels et il fait ainsi un succès assuré dans le monde médiatique avide des querelles, des polémiques, des affrontements schématiques !
Très vite, ce western FN prendra ses libertés vis-à-vis de la réalité pour dériver vers le mythe. La promo du nom de la firme Le Pen va être énorme, colossale, durable et surtout époustouflante en matière d’entrées dans l’espace obscur de l’isoloir dans quelques mois ! Le scénario très classique va construire une légende autour de figures emblématiques telles que Marine, la fille martyrisée, Florian le chevalier servant courageux de la Table brune, Jean-Marie le vieillard cacochyme incontrôlable, Marion la jeune et prude vierge du soleil et les chefs indiens au pouvoir à renvoyer dans leur réserve.
Au FN les communicants ont probablement en mémoire la fin de « L’homme qui tua Liberty Valance » devenu « la femme qui tua Liberty Le Pen ». Une phrase en résume en effet l’essence du western FN : « Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende ». ET là celle de Marine est en construction !
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