J’ai en mémoire une anecdote que m’avait confiée une nuit dont je reparlerai un jour Henri Emmanuelli. En entendant ou en lisant les propositions de la Droite girondine je songe à ce que César Labeyrie, l’ineffable sénateur maire de Mont de Marsan annonça lors d’un repas avec le Président du Conseil général des Landes. « Je n’ai pas de propositions nouvelles à faire pour les prochaines municipales et donc je ne suis pas crédible » s’inquiétait celui que l’on appelait toujours César. Et pourtant il m’en faut une ! J’ai cherché et j’ai pensé demander que le TGV passe par Mont de Marsan ! » Devant l’étonnement d’Emamnuelli qui soulignait « qu’il n’avait ni la ligne TGV, ni la gare », Labeyrie lâcha : « C’est bien pour ça que je vais le proposer puisque je sais que c’est impossible! Et justement les gens aiment ce qui est exceptionnel mais qui est impossible ! Ça fait ambitieux et l’ambition ça coûte rien » Il faut donc soupçonner fortement l’UMP de pratiquer ce type très ancien de campagne électorale en s’extasiant sur l’idée géniale d’un « pont sur l’estuaire de la Gironde ». Une promesse qui ressemble étrangement à une vantardise destinée à masquer le vide qu’il y a justement sous le pont en matière de programme de soutien au mieux-être quotidien des Girondines et des Girondins.
C’est confondre « ambition » en période où les fonds sont abondants et « leurre » quand les finances sont au plus bas. Il est vrai qu’à chaque débat budgétaire départemental, le porte parole de la demi-douzaine de ses partisans présents n’a jamais faibli depuis 7 ans : « vous pouvez emprunter davantage car vous êtes loin des seuils d’alerte ! » On sait maintenant où une telle politique menée durant une décennie par les gouvernements UMP successifs a conduit la France ! Alors la réponse vient : ce pont serait financé par un péage payé quotidiennement par les automobilistes des deux rives de l’estuaire et en été par les touristes ravis de voir le coût de leurs vacances en Médoc augmenter par une traversée… certes plus courte mais infiniment plus chère !
On a en mémoire le déficit actuel de l’autoroute Bordeaux-Pau qui devait être rentable sans aucun problème et dont les tarifs conduisent les utilisateurs potentiels à utiliser des itinéraires départementaux bis des landes et de Gironde qu’ils saturent et détruisent ! Et si on prend comme référence le coût du viaduc de Millau on arriverait avec actualisation à plus d’un demi-millard amorti en 2100 pour cet ouvrage estuarien (si la constrution débutait en 2020) avec une utilisation certainement moins intensive que celle importante de l’ouvrage d’Eiifage. D’ailleurs le fleuron aveyronnais du génie civil français, achevé en 2004 a connu en 2013 une baisse de sa fréquentation pour la deuxième année consécutive avec 4.703.669 et elle s’accentuera en 2014. En cause, la circulation des poids-lourds en berne (-6% sur l’année), une baisse à peine compensée par la hausse du nombre de véhicules légers qui ont emprunté le viaduc (+1,3%). Eiffage, concessionnaire du viaduc, estime néanmoins ce résultat satisfaisant au regard de la conjoncture économique actuelle et pour maintenir son plan de financement a augmenté ses tarifs de 4 % ! Qui va payer ?
La vraie question subsidiaire c’est ce que l’on met avant et après le pont sur l’estuaire ! Le serpent de mer du grand contournement resurgi alors que tous ses chantres ont été finalement hostiles à sa création dans les terres médocaines. Qu’en pense Juppé ? Il semble cependant si l’on en croit des témoins de certaines réunions d’élus dans le Sud Gironde que revienne à la surface le fameux contournement sud-est allant de Bazas à Libourne via Langon et qui aurait le privilège de défigurer l’Entre Deux Mers mais aussi celui de coûter moins cher que l’autre par l’Ouest sans pour autant finir à Blaye au pied du pont UMP ! Les habitants des cantons de Saint-Macaire, Cadillac, Targon, Branne apprécieront cette proposition à sa juste valeur environnementale. Espérons qu’ils vont se méfier des faiseurs de rêves ! Ils ont déjà donné bien pour défendre cet Entre Deux Mers bien avant que celui qui vise un fauteuil présidentiel ne découvre leur région !
Le pont sur l’estuaire n’offre donc absolument aucun intérêt et n’aura aucun véritable impact sur le développement girondin s’il n’est pas accompagné d’une vaste programme routier complémentaire chiffré lui-aussi sur la base de 4 ou 500 millions d’€ ! Encore du péage ? Encore de l’argent public ? Pour qui ? Dans quel but ? Après quelles études de fréquentation ou d’impact sur les paysages, sur les espaces viticoles, sur l’environnement ? Avec quelle acceptabilité pour les populations des territoires impactés ? Combien de Girondines et de Girondins demandent un tel ouvrage en ce lieu ? Quelles conséquences sur les flux fluviaux déjà très sensibles dans une estuaire fragilisé ? Pour l’instant l’Etat a déjà beaucoup de peine à boucler un budget de 400 millions pour l’élargissement d la rocade et le département avec 7500 kilomètres de routes à entretenir a aussi pas mal de soucis. Que viendrait apporter de plus au quotidien de milliers de gens cet ouvrage qui ne diminuerait en rien le niveau de fréquentation des structures périurbaines actuelles ?
Il faut donc ajouter en corollaire à cette proposition devenue désormais extravagante dans le contexte actuel que la Droite girondine revient sur les discussions abandonnées autour de réseaux autoroutiers dits de « contournement »… C’est comme si elle demandait la construction d’une énorme gare TGV sans rails y conduisant ! pour ma part c’est clair : j’étais hostile comme militant à ces projets et je le reste comme élu départemental !
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Ce n’est pas un pont d’utilisation internationale qu’il nous faut. Mais un plan national de ferroutage, pour que les liaisons Espagne/Portugal > Europe soient moins prégnantes sur « nos » autoroutes de l’Aquitaine et plus particulièrement la rocade bordelaise et même la R.N. 10 !