Je vous invite à lire puis à écrire "liberté"

Il y a les petits rassemblements où on se blottit les uns contre les autres devant une entrée d’école publique, un parvis de Mairie ou une place de village et les autres, ceux où il faut être vu pour se voir décerner un brevet de défenseur motivé de la liberté d’expression. Dans un cas on parle peu, on échange à mi-voix, on se serre les coudes et on se salue avec chevillée au cœur la sensation de vivre solidaires dans cette proximité, ce voisinage, cette relation détendue qui fout le camp comme l’eau du tonneau des Danaïdes. Dans l’autre on tente de se regrouper par appartenance, par souci de montrer une force collective probante dans des circonstances beaucoup plus complexes que l’on veut bien le cracher sur des estrades. On n’a peu de chance d’être récupéré(e) médiatiquement quand on est peu car les caméras ne fleurissent pas dans ces lieux là. Elles sont en revanche omniprésentes dans les grands messes afin de chercher le détail qui tue afin de se nourrir de l’anecdotique, de trahir l’essentiel.
Jamais on ne met en cause cette utilisation ostentatoire, proprement dégueulasse de la peur et de l’horreur par des télés insupportables.

Le CSA moralisateur si prompt à dénoncer un propos obscène, une image jugée choquante devrait se pencher sur le comportement de ces transmetteurs de pseudos informations parfois mêmes pas mises au conditionnel alors qu’elles mettent en danger des vies humaines. Il ne le fera pas car il ne s’intéresse qu’aux seins nus, aux scènes d’amour trop hard, au minutage des « déversoirs » de langue de bois, aux outrances verbales calculées…
Qui se penchera sur ce journalisme d’à peu près pouvant annoncer des morts qui n’existent pas,pouvant se concentrer sur des morts supérieures aux autres, se contenter d’images sans intérêt afin de justifier des heures d’approximations susceptibles d’être portées par n’importe quel quidam éloigné des événements. On devrait faire un best-off pédagogique des paroles inutiles, des « je sais tout alors que je en sais rien ! », des hypothèses inspirées par les scénarios de séries cultes, des annonces sentencieuses de spécialistes en tous genres… et le diffuser dans les lycées avec les commentaires d’une vrai(e) analyste du poids des mots et du choc des images.

On verra au soir de la grande manifestation parisienne si vraiment les ténors politiques n’apparaissent pas dans les reportages, s’ils ne tiennent pas des points presse, s’ils ne s’entourent pas de leurs affidés, si on ne donne pas encore la parole à celles et ceux qui ont toujours dénoncé une liberté d’expression jugée néfaste à leur image. Les télés peuvent-elles prendre l’engagement solennel de ne prendre en considération que des témoignages, des expressions de citoyens inconnus ne faisant aucune référence politique ? Peut-on éviter tous les discours entendus et rebattus pour par exemple lire devant ces centaines de milliers de citoyens un simple poème, celui de Paul Eluard, surréaliste, communiste, intitulé sobrement « liberté ». Rien d’autre que « liberté » écrit en 1942 année dont on sait combien elle fut terrible pour les gens épris de libre expression. N’eut-il pas été plus utile d’ailleurs de faire lire de diffuser dans toutes les classes de France ce texte référence ? Ne peut-on pas partout remplacer le silence par cette lecture ? Ne peut-on pas chaque soir durant plusieurs semaines diffuser en banc-titre une strophe de cet hymne au courage d’écrire et d’exprimer une soif de liberté ?
J’irai demain dans le rassemblement de mon village de naissance et j’aurai une pensée pour mon instituteur laïque, convaincu, passionné par la pédagogie Freinet basée sur le respect, la tolérance, l’expression libre, la créativité et plus encore sur l’autonomie responsable… et je boycotterai les images de ce qu’il se passera ailleurs.

En attendant si vous partagez mon avis lisez simplement jusqu’au bout « liberté », lisez le à vos enfants à vos petits-enfants et ce sera notre façon de nous rassembler par milliers sans avoir à craindre de défiler à coté d’une ardent défenseur de la liberté d’expression permettant de taper sur la gueule des… autres et qui auront oublié dès la semaine prochaine leur engagement circonstanciel !

Je ne suis plus Charlie… je reste et je demeure « Liberté »

« Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

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Cet article a 7 commentaires

  1. le chat François

    Mr Darmian,
    Votre commentaire mériterait d’être envoyé à la médiacratie , et à certains représentants du peuple . Ils ne vous remercieraient pas mais moi je le fais .
    Bravo et merci .

  2. Facon

    Merci.

  3. pc

    Encore une fois bravo Jean-Marie.

    Je n’irai pas manifester, et c’est ma liberté, car je trouve que c’est faire beaucoup d’honneurs aux assassins et aux salopards qui les manipulent (v. l’interview de Anna Erelle en page 9 de SO Dimanche) et qui n’attendent que cela pour pérorer sur les médias en disant qu’ils ont réussi à foutre la trouille au monde entier.

    Je n’étais pas « Charlie » avant et ne vois pas par quelle auto-proclamation de défenseur d’une liberté d’expression qui n’est qu’un leurre je le serais maintenant.

    Si l’on se doit de rendre hommage aux victimes, il faut traiter par le mépris les actes criminels de ces abrutis et laisser aux autorités compétentes le soin d’éradiquer avec sévérité ce cancer qui ronge peu à peu nos valeurs et nos libertés.

    Des dirigeants du monde entier seront à Paris, mais qu’ont-ils fait jusque là ?

    Viennent-ils rendre hommage aux victimes ou simplement se montrer pour profiter de l’émotion légitime de leur concitoyens ?

    Cette affaire est surtout l’illustration de l’échec de notre société. Comment des jeunes français nés en France, passés par nos institutions, peuvent-ils, adultes, se faire manipuler par des dictateurs de la pensée ? Leur a-t-on donné une chance de réussir ? Ils se sont radicalisés après être passés par la délinquance ? Etaient-ils irrécupérables ? Qui leur vend des armes ?
    Qui soutient DAESH et autres groupes intégristes financièrement ? etc etc etc…

    Demain tout le monde sera rentré chez soi, dans huit jours tout sera oublié sauf pour les proches des victimes.

    Hollande aura repris 10 points dans les sondages et Marine Le Pen autant, et malheureusement tout sera comme avant.

    1. lavail

      Je partage ces réflexions. A la question « comment ces jeunes en sont arrivé là » voici la copie d’une communication sur ce sujet que je viens de publier sur facebook

      Ils s’étonnent? moi, je m’étonne qu’ils s’étonnent

      les réactions de bon nombre d’élèves à la minute de silence et aux débats organisés dans les classes a stupéfait les enseignants et l’opinion.Tout le monde dés lors appelle au secours l’éducation nationale pour faire face au problème. Je vais surement en faire hurler plus d’un, mais ce n’est certainement pas l’Education Nationale qui pourra y faire grand chose, surtout pas envers ces enfants et adolescents, et voici pourquoi.

      Un enfant est éveillé (hors sommeil donc) dans l’année durant 5000 heures. Durant ces 5000 heures, tel un jeune chiot, il découvre le monde à tous les instants. Il fait l’éponge et assimile tous les messages, toutes les informations qu’il capitalise pour forger sa personnalité.Dés lors , sa famille, ses copains, son enseignant,son prètre,rabin ou iman, son entraineur de foot,la TV et la radio, la publicité etc participeront tous à cette « éducation globale » dont tout être vivant bénéficie. Tout cela confortera la construction de sa personnalité, sa sociabilité,sa perception du monde, et surtout ses valeurs. Or que représente l’Education Nationale dans l’ensemble de ces acquisitions? tout juste 1000 heures sur les 5000 qu’il consacre à sa construction mentale et physique. Si l’enseignement prodigué à l’école pendant 1000 heures trouvait une résonance et une complémentarité dans les valeurs véhiculées durant les 4000 heures d’éducation plus diffuse dans son environnement extra scolaire, tout serait pour le mieux et l’enfant serait équilibré; si par contre il y a contradiction, alors l’enfant entrera en réaction, ado il entrera en rébellion; certains se réfugieront dans le rejet de l’école, d’autres dans une passivité. qui ne vaut pas mieux.
      Or que vivons nous en ce moment? une école avec les difficultés de tous ordres que nous connaissons, face à un environnement éducatif dans certains quartiers en radicale opposition aux valeurs enseignées par notre école laïque, la République et notre histoire. 4000 heures où le milieu familial, les copains de pieds d’immeubles, les grands frères, les éducateurs d’écoles coraniques leur diffusent des messages contraires à nos valeurs et principes républicains. Ce phénomène est amplifié par le fait que ces quartiers, nourris de communautarisme, se referment et se barricadent pour empêcher toute intrusion d’idée contraire. Pas étonnant que plus personne ne puisse y pénétrer; ni la police, ni les pompiers,ni les médecins, ni les taxis, ni vous ni moi. et ce n’est pas qu’un phénomène parisien. La province le vit de la même manière . Cette nuit à Carcassonne (ce n’est pas Paris) les pompiers ont été caillassés et interdit d’intervention sur un feu d’immeuble; les policiers arrivés en renfort ont été attaqués et ont du battre en retraite et faire appel à la BAC. Voila où réside le problème, alors ne nous étonnons pas des réponses de ces gamins à leur enseignants, ne nous étonnons pas de l’agressivité physique de ces adolescents, ne nous étonnons pas des 2000 jeunes partis en Syrie, ne nous étonnons pas des Nemmouche, Merah et des évènements récents dans diverses villes de France et qui se reproduiront si on ne reprends pas le problème à la base, ne nous étonnons pas que 15% des Français soient favorables à Daesh (sondage récent diffusé par le seul journal « l’express ». Alors, pitié, n’affublons pas notre pauvre éducation nationale de responsabilités qu’elle n’a pas vocation à assumer; faisons en sorte que l’éducation de ces enfants puisse se réaliser dans une atmosphère apaisée et surtout dans un environnement libéré et protégé de tout prosélytisme. C’est là le rôle de la République et les islamistes salafistes wahhabites (Daesh Al Quaida et les autres) ne trouveront plus chez nous le terreau favorable à leurs exactions.
      Enfin, et pour finir, le jour où l’Education Nationale n’aura plus pour mission d’appendre mais d’apprendre à apprendre par soi même, le développement de l’esprit critique de nos jeunes générations ouvrira largement les portes de la liberté d’esprit et du bien vivre ensemble.
      FREINET! Reviens

  4. VIAL

    Merci beaucoup pour cette excellente analyse. Elle se vérifie sans attendre la fin du rassemblement : les ténors politiques ont la parole, y compris « les ardents défenseurs de la liberté d’expression permettant de taper sur la gueule des … autres » (ils auront probablement oublié leur engagement la semaine prochaine). Heureusement que quelques citoyens insistent sur le fait que cette démarche est une démarche de citoyens et qu’elle appartient aux citoyens.
    Il est urgent de se poser les questions que pose pc dans le précédent commentaire.

  5. Gilbert SOULET

    Merci Jean-Marie avec le Couplet 6 de La Marseillaise :

    Amour sacré de la Patrie,
    Conduis, soutiens nos bras vengeurs
    Liberté, Liberté chérie,
    Combats avec tes défenseurs !
    Sous nos drapeaux que la victoire
    Accoure à tes mâles accents,
    Que tes ennemis expirants
    Voient ton triomphe et notre gloire !

    A tous, Gilbert de Pertuis

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