Soyons un peu plus terre à terre

La planète serait menacée par l’insuffisance alimentaire puisque la diminution des terres cultivées baisse et en revanche la population ne cesse d’augmenter. Le plus grand des paradoxe découle de cette situation puisque selon la FAO qui établit chaque mois un indice des prix alimentaires basé sur cinq familles de produits de base (céréales, viandes, lait, huiles et sucre), seule la viande a augmenté (+ 8 %) par rapport à 2013 alors que cet indice pour l’année est en baisse de 3,7 % ! C’est à dire que le marché financier parvient sous la pression des plus grands trusts mondiaux de l’agroalimentaire à faire diminuer le prix des denrées de première nécessité. Et ce qui peut paraître de prime abord comme satisfaisant ne l’est plus du tout !

Pour le dernier mois de 2014, l’indice avait encore marqué un repli de 1,7 % par rapport à novembre, tiré à la baisse par le sucre et l’huile de palme. Les huiles végétales étaient en baisse de 2,54 % mais surtout le sucre perdait 4,8 %, « en raison de stocks élevés chez le principal producteur, le Brésil » alors que la baisse du prix du pétrole entraîne une moindre demande en éthanol (tiré de la canne à sucre), explique la FAO. Ce moindre intérêt pour les agro-carburants a également joué sur la demande en huile de palme, celle qui pèse la plus lourd dans l’indice des huiles végétales. Les prix des produits laitiers (-2,3%) ont également atteint en décembre leur plus bas niveau depuis 2009, à cause du ralentissement de la demande russe et chinoise en particulier sur les poudres de lait, le beurre et le fromage.

Seules les céréales ont marqué une très légère reprise (+ 0,4 %) avec la brève étincelle sur les prix du blé, due aux craintes de voir la Russie limiter ses exportations. Moscou a annoncé fin décembre l’instauration d’une taxe sur les exportations de blé pour protéger son marché intérieur, l’effondrement du rouble dissuadant les producteurs de vendre à domicile.C’est la seule raison du rebond constaté.
Pendant ce temps on crève de faim dans certains zones du globe. Les variations de production et les variations de prix qu’elles entraînent ne sont pas dues au temps qu’il fait, mais à l’imperfection des marchés. Dans la plupart des secteurs économiques, lorsque les prix deviennent un peu élevés à cause d’une production trop faible, il y a bientôt des gens pour s’en apercevoir. Ceux-là augmentent la production, et tout rentre dans l’ordre. Mais ce n’est pas le cas en agriculture, parce que les délais de production sont très longs (un an pour la plupart des plantes, plusieurs années pour les cultures arbustives), alors que les besoins sont impératifs et immédiats (on ne peut pas remettre son dîner à l’année prochaine). Les consommateurs ont donc largement le temps de mourir de faim avant que les « signaux du marché » aient produit leurs effets en les incitants les producteurs à augmenter leurs livraisons.
Pire encore : après une légère pénurie qui a fait monter les prix, il arrive très souvent que la production qui arrive sur les marchés soit pléthorique, parce que les producteurs ont « sur réagit » , et augmenté leur production plus qu’il n’était nécessaire. Les prix, alors, s’effondrent, ruinant les producteurs. Et comme, alors, ces derniers ne peuvent plus produire, c’est la production qui s’effondre à nouveau… Cela peut durer ainsi avec des « hauts » et des « bas » pendant longtemps.
Bien sûr, le système alimentaire mondial a pour vocation d’éviter les pénuries et d’assurer à tous une alimentation saine à prix raisonnable. Mais la question est de savoir comment. Le marché, s’il fonctionne correctement, est évidemment la réponse. Mais fonctionne-t-il dans l’agriculture ?

Après la seconde guerre mondiale, les économistes, qui se souvenaient de la grande crise de 1929, répondaient à cette question par la négative. Pour éviter les alternances de pléthores et de pénuries dont je viens de parler, ils avaient élaboré des mesures comme les prix garantis, les stocks publics, et d’autres dispositifs analogues. Ces politiques coûtaient un peu cher, mais elles étaient efficaces ; jamais les risques de famines locales n’ont été aussi faibles, ni les prix alimentaires aussi bas que dans les années 60-90, et cela, dans le monde entier.

Ce phénomène n’intéresse guère dans une société entièrement « discount » où le commerce des denrées alimentaires n’a absolument rien d’équitable. Loin s’en faut ! Les consommateurs en sont les principaux responsables mais ils s’en moquent comme de leur premier yaourt acheté au prix le plus bas possible. Le vrai risque est double : d’abord, l’explosion révolutionnaire du mécontentement social – par exemple, la généralisation des « printemps arabes ». Ensuite, l’apparition d’épidémies qui se développeront sur les corps malnutris, et qui, lorsque les bactéries se seront réveillées, se transmettront au monde entier sans distinction de richesse. Exemple : Ebola !

Pendant ce temps la chine fait son marché. En effet, le pays dispose de 9% des terres arables de la planète pour nourrir 20% de la population mondiale. Or, le recul grandissant de ces terres labourées, couplé par des ressources en eau de plus en plus polluées, rend le défi extrêmement difficile. Si le recours à davantage d’importations est inévitable, la « délocalisation » de l’agriculture semble aussi être une solution envisagée… qui est mise en œuvre méthodiquement avec le concours de l’Etat ! Ensuite le prix n’a aucune importance !

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