P.S. : admettre que l'on ne progresse que par le débat

Inexorablement le Parti socialiste amorce une descente vers les enfers pour ne pas avoir su franchement se positionner sur le grand sujet ayant un impact durable sur la politique française. Lorsque le débat sur le Traité constitutionnel européen s’est invité dans la société française on a assisté à un véritable élan nouveau pour la citoyenneté et par opportunisme certains responsables du PS l’ont manqué. Ils n’ont pas compris que la richesse venait de la diversité et non pas de l’uniformité. Depuis ils rament. Depuis la grande période des années 80 durant lesquelles, malgré toutes les virulentes critiques, le système des « courants » entretenait de vrais controverses, il n’y avait pas eu de vie démocratique interne. Là elle a été gommée après la victoire du non !
J’ai été depuis 1974 au cœur de ces empoignades sévères entre le CERES, les Rocardiens, les Mauroystes, les Mitterrandistes, les Poperénistes, les Mermaziens pour ne citer que les principales tendances personnalisées. Après avoir milité au syndicat national des instituteurs (SNI) et à la Fédération de l’Education Nationale (FEN) dans lesquels existaient la même diversité avec Unité Indépendance et démocratie, Unité et Action et l’Ecole Emancipée j’étais très à l’aise au PS rénové. C’était une époque où la dure bataille pour accéder au pouvoir nécessitait une solidarité dans la diversité extraordinairement féconde. Lentement s’est installée parmi les socialistes la notion de « synthèse » qui a conduit à renoncer aux valeurs au nom de l’efficacité. Cette culture de l’uniformité de façade a eu ses adeptes et ses mentors qui ont façonné la mentalité actuelle des dirigeants et qui constitue un vrai handicap !
Insidieusment a été échafaudée la théorie voulant que pour être heureux il fallait être unanimes ou uniformes alors que ce n’était en fait qu’une bombe à fragmenter un idéal. Elle a transformé ce qui était un vivier à débats sur le fond en marécage pour querelles de personnes… ou de fans récoltés via internet sans que le principe du parrainage ait été maintenu. La fameuse grande réussite des primaires a accentué ces mouvements de personnes passant par le PS au nom de leur proximité avec un(e) candidat(e) potentiel(le). La fuite du nombre d’adhérent(e)s actuelle est à comparer avec celle du nombre de militant(e)s au sens premier de ce terme, avant les primaires, ayant renoncé à leur engagement souvent durable. C’est certain que le PS ne peut s’extraire du phénomène de superficialité de la société essentiellement due à une déficit politique profond des générations populaires se situant entre 18 et 50 ans dans tous les secteurs de la vie sociale. Les sondages et le culte du suivisme de l’opinion dominante asphyxient les évolutions possibles. Les partis de gauche en meurent.
L’absence de débats sur les lieux de travail (il n’y en a que de manière négative au moment de conflits sociaux) et plus encore l’énorme carence dans le milieu enseignant en matière d’engagement social conduisent à un affaiblissement inéluctable de la politique ! Les fameux « secrétaires de mairie-instituteurs » qui sans être élus géraient souvent les communes ou les syndicats intercommunaux constituaient la trame solide et lucide de la République dans le pays. Elle a disparu. Les partis de gauche ont longtemps puisé leurs élites dans les milieux associatifs de l’éducation populaire laïque ou dans le syndicalisme enseignant. L’affaiblissement constant des premiers et la parcellisation du second a réduit comme peau de chagrin leur champ de recrutement. Et comme le nombre d’ouvriers, de techniciens ou de fonctionnaires ayant reçu une véritable éducation citoyenne diminue on assiste à la fin inexorable de la vie politique réputée à l’ancienne. Le départ des sexagénaires ou des septuagénaires réclamé au nom du « renouvellement » conduit enfin à une véritable perte des repères historiques . Elle va être massive aux cantonales pour le PS et elle va désertifier un réseau territorial pourtant ancré dans la réalité quotidienne. L’addition risque d’être très lourde en 2017 ! Partout où ces phénomènes se conjuguent (ruralité et périurbain) le FN va exploser !
Les méthodes de médiatisation ayant créé des « vedettes » ou des « starlettes » parmi les élus nationaux et qui ignorent les autres car peu rentables en terme d’audience ont transformé la manière de faire vivre un parti. Que serait le Parti de Gauche sans la présence médiatique de Mélenchon ou le NPA sans celle de Besancenot ? Qu’est devenu le Parti communiste après Georges Marchais ? Le PS ayant choisi « le moins dangereux des leaders potentiels » se retrouve au panier médiatique et donc plus crédible. La Gauche en général et le PS en particulier ne mobilisant plus sur des valeurs constructives ou positives ce positionnement individuel devient extrêmement préjudiciable à la vie collective du PS qui ne convainc qu’à partir de l’aura de quelques élus.
Des pans entiers de la pensée progressiste se sont effondrés. Des mots indispensables sont devenus tabous ou interdits. Les moindres divergences sont montées médiatiquement en combats ou en positionnement ambitieux ce qui rend le débat quasiment impossible. Comme en plus la confiance dans les élus s’effrite ou s’effondre leur parole devient suspecte et inaudible surtout au PS depuis deux cas symboliques (Cahuzac et Thévenoud) qui ont éclipsé tout le travail concret effectué par des milliers d’autres. En définitive ce n’est pas d’un Congrès dont a besoin le PS mais d’une vraie remise à plat de son fonctionnement avec notamment une nouvelle vision du militantisme via les réseaux sociaux. C’est beaucoup plus dur mais c’est pourtant essentiel dans la période actuelle où l’absence de vrais débats constitue quotidiennement la véritable pitance pour engraisser le bleu Marine !

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