Il va bien falloir qu’un jour on explique aux citoyennes et aux citoyens ce que signifie le mot « budget » car dans la vie publique il apparaît que des interprétations en soient faites de manière erronées. En fait le seul fait de rappeler qu’il s’agit d’un document comptable de prévisions des recettes attendues sur une année civile servant à déterminer les dépenses possibles a une vraie valeur pédagogique. Mais derrière cette définition il y a de nettes différences de pratiques. La loi indique aussi que ce document doit être « sincère et véritable » or c’est ce qui semble être reproché au gouvernement français par Bruxelles pour l’année 2015. Les chiffres présentés ne sont pas sincères et véritables. En fait tout part des postes relatifs aux entrées d’argent et des choix politiques effectués dans ce domaine.
Le plus exigeant des exercices consiste en effet à évaluer sereinement les recettes prévues et de ne pas prendre ses rêves pour des réalités. Or la France pêche essentiellement depuis plusieurs mois par la diminution de ces postes budgétaires. Faute de trouver des solutions acceptables dans ce domaine, il faut taper dans les dépenses. Alors que la guerre économique et financière fait rage autour de la France la vox populi orientée médiatiquement se contente de hurler contre les impôts et taxes sans comprendre un seul instant qu’ils sont les seuls éléments constitutifs de la base des services attendus de l’Etat et des collectivités. Le seul vrai problème pour le pays c’est que faute de recettes suffisantes il est conduit à emprunter sur les marchés financiers afin de boucler ses dépenses de fonctionnement. Une très ancienne pratique politique ressemblant à la théorie du panier percé constamment rempli par des apports extérieurs pour éviter qu’il ne soit vide !
Avant 1914, la dette de l’État était composée à plus de 80 % d’emprunts perpétuels ou de rentes amortissables à très long terme. Cependant, l’inflation qui sévit durant les deux guerres mondiales avait réduit considérablement la valeur de ces rentes et, par contrecoup, la confiance que les épargnants accordent aux titres à long terme de la dette de l’État. On a abandonné le système.
Après la Seconde Guerre mondiale, la dette publique a existé encore mais elle fut essentiellement à court terme et prit, pour l’essentiel, la forme des fameux « bons du Trésor », d’avances monétaires de la Banque de France (aujourd’hui interdites par le traité de Maastricht parce que génératrices d’inflation) et de dépôts des correspondants du Trésor (collectivités territoriales, établissements publics). La désinflation des années 1980 a contribué à allonger la durée de vie moyenne de la dette.
Ainsi, à la fin 2003, la dette de l’État était composée à 98 % de titres négociables sur les marchés financiers (contre 47 % en 1980), dont 64 % sous la forme d’obligations assimilables du Trésor (dette à long terme) et 21 % sous la forme de bons du Trésor (dette à court et à moyen termes). C’est la spirale infernale… car elle conduit à la situation actuelle où au moment même où cette chronique est écrite chaque mois la France emprunte depuis la mi-août 8 milliards par mois pour seulement payer ses fonctionnaires et encore un peu plus pour rembourser sa dette à long terme.
Il faudrait alors définir précisément un autre mot d’actualité : dette. Pas un audit biaisé des collectivités qui ne mette en avant le volume de leur dette… en oubliant simplement qu’elle est liée à des investissements et donc absolument pas similaire à celle de l’Etat. C’est une supercherie que la Cour des Comptes vient d’officialiser en metant sous le mot des vérités bien différentes. Dans les budgets présentés dans les communes, les communautés, les départements, les régions pas uns seul euro d’emprunt ne peut entrer dans la section de fonctionnement. Ajoutons en plus que la bonne gestion locale permet de dégager un excédent (autofinancement) servant à financer les aménagements collectifs relevant des investissements ce que l’Etat n’a jamais fait et ne fera jamais. Pire la Cour des comptes sous-entendant que tous les investissements publics locaux devraient être autofinancés car en cumulant dépenses de fonctionnement et d’un investissement elle arrive à un pseudo « déficit » puisque selon elle toutes les opérations de construction devraient être autofinancées. Une véritable aberration.
Peut-on affirmer que la dette publique constitue un fardeau pour nos enfants ou pour les générations futures ? Oui, si cette dette a financé des dépenses de consommation courante ou si la charge de la dette freine la croissance économique ? C’est le cas actuellement mais il faut aussi affirmer haut et fort que ces « investissements » ne sont pas que des routes, des ponts, des établissements destinés au 3° âge ou aux plus jeunes. Si cette « redoutable » dette sert à financer des dépenses d’éducation, de santé, d’infrastructures ou d’équipements collectifs dont profiteront nos enfants, ou bien des dépenses de nature à soutenir la croissance et, par conséquent, le niveau de vie des générations futures. Et ça le budget ne le fait pas apparaître. Il convient pourtant de ne pas dramatiser le risque d’insolvabilité de l’État : contrairement aux ménages, qui doivent rembourser leurs dettes sous peine de voir leur héritage amputé, la continuité de l’État lui permet, en théorie, d’être perpétuellement endetté. Par ailleurs, le maintien d’un socle minimal de titres de dette publique est nécessaire au bon fonctionnement des marchés financiers modernes sans passer par les banques!)
Alors le budget ne sert qu’à affirmer les grandes lignes d’une politique mais en aucun cas peut constituer un document de référence pour les citoyens lucides. Il convient donc de ne pas dramatiser le risque d’insolvabilité de l’État : contrairement aux ménages, qui doivent rembourser leurs dettes sous peine de voir leur héritage amputé, la continuité de l’État lui permet, en théorie, d’être perpétuellement endetté. Par ailleurs, le maintien d’un socle minimal de titres de dette publique est nécessaire au bon fonctionnement des marchés financiers modernes.
C’est dans ce contexte tordu et fallacieux que l’on entendra encore des commentaires politiciens ou acerbes après la décision du gouvernement de modifier le… budget 2015 ! Dans son courrier de réponse adressé à la Commission, Michel Sapin annonce en effet qu’il va réduire le déficit en 2015. Les équipes du ministre des Finances ont travaillé tout le week-end et a trouvé 3,6 milliards d’euros – un chiffre ne figurant pas dans le courrier du ministre – sur les 93,3 milliards de déficit prévus jusqu’alors. Il y a fort à parier que ce sera encore sur les dépenses et surtout pas par l’amélioration des recettes qui politiquement sont dangereuses ! C’est plus facile…
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Vous écrivez, Monsieur, « ..la continuité de l’État lui permet, en théorie, d’être perpétuellement endetté ».
Ce qui est effectivement aussi la seule justification et raison d’être des banques. Banques privées vendant à l’Etat le droit d’imprimer sa monnaie !
Ceci expliquant cela, le crédit à la consommation et l’endettement sont de fait devenu le moyen d’envisager un avenir possible, en lieu et place d’une construction aux bases solides.
En clair et en résumé, la seule porte de sortie (et l’héritage offert aux enfants), après une dure vie de labeur, ne pourra être… qu’en souscrivant une assurance vie !!