C’est vrai qu’il ne faisait vraiment pas un temps à mettre un chien dehors dans un Paris estival écrasé par un soleil voulant rappeler que le réchauffement climatique n’est pas une idée saugrenue. Il était même dangereux de mettre des touristes sur le macadam tellement il y avait de risque que leurs tongues restent collées au sol. Pas possible cependant de les priver des virées sur les bus spécialisés sous des chapeaux bariolés ou improvisés. Les deux valeurs sûres de ces heures de feu auront été justement le couvre-chef en paille et la bouteille d’eau…On les trouvait partout et il y avait même dans le métro, havre de demi fraîcheur, des petits malins opportunistes qui se lançaient dans le commerce des éventails, garantis made en China, afin de permettre une ventilation des visages dans les lieux clos.
Si la canicule pèse sur la campagne elle devient vite insupportable dans une grande ville. Dans les rues l’impression de manquer d’air, la sensation d’emprisonnement sous une cloche surchauffée, le besoin de briser cette gangue torride envahissent vite l’esprit. Où trouver un refuge ? Les musées paradoxalement font le plein durant ces heures chaudes car ils offrent une protection thermique exceptionnelle. On va s’y enfermer dans la froidure et la pénombre rassurantes. On n’ose même pas à part des amoureux frustrés du soleil prêts à tout pour afficher un bronzage rougissant, s’installer sur les terrasses des cafés. Sauf que poussés par le besoin de faire une halte dans une oasis pour se ravitailler avant de poursuivre leur périple, les caravaniers du tourisme s’attablent avec plaisir dans les zones protégées. La température excessive n’est pas, contrairement aux idées reçues, si avantageuse que ça pour le bistroquet ou le cafetier industrialisé. La soirée sera, c’est certain, beaucoup plus rentable. L’obsession de fuir l’astre solaire passe avant tous les désirs. La bouteille en mains se préfère au demi suant de fraîcheur vite englouti ou alors victime trop rapide du contexte chaleureux environnant. Tout devient pesant. On ruisselle en ne faisant rien et on a besoin de s’essorer en s’agitant. L’envie de torpeur envahit les fourmis urbaines agitées.
Le moindre espace naturel est d’ailleurs vite pris d’assaut comme si l’ombre des arbres avait une vertu supplémentaire à celle des immeubles. C’est le cas dans les jardins du Petit Palais. Si en plus un lit d’herbe verte offre l’hospitalité toutes les nationalités se laissent vite tenter. La fraternité internationale de la sieste fait recette. Chacun à son style, chacun sa position, chacun son support. Les « dormeurs du val » deviennent alors légion et se disputent es meilleures places allant jusqu’à reconstituer les promiscuités de la plage. Les bancs restent aussi du mobilier très convoité. On s’y endort avec volupté ou on y fait une longue pause récupératrice. Le seul vrai problème c’est qu’il faut avoir une promptitude particulière pour sauter sur la place qui se libère avec le handicap qu’à deux les espérances de décrocher le lieu sont très minces. Les amoureux ne s’y bécotent guère puisque la température est peu propice au rapprochement. Il faut constater que l’âge influe sur le choix du support de la sieste. Il condamne à trouver le sol un peu bas et donc à s’approprier les bancs publics. On y a ses habitudes, ses repères et on y vient même quand la canicule n’est pas au rendez-vous. Le Parisien n’aime pas que des envahisseurs dévergondés le prive de ses domaines prévilégiés. Il regarde donc d’un œil critique tous ce déballage de parasites dans son jardin, public certes mais un eu réservé aux locaux !
Partout la quête de fraîcheur obsède les passants honnêtes qui ne prennent pas le temps de jeter une regard sévère sur ces corps demi-dénudés affalés sur des espaces pourtant interdits au public. Paradoxe de notre époque : on fuit la chaleur que l’on a tant réclamée comme un dû de l’été !
C’est vrai que, pendant ce temps, sur l’esplanade des Invalides une jeune fille a décidé de la jouer héroïque. Elle dépose ostensiblement une serviette avant d’ôter une robe aux dimensions réduites et se retrouver allongée en maillot de bain au beau milieu de nulle part. Elle offre un corps de lait à cet ogre solaire comme un défi à toutes celles et tous ceux qui en craignent les effets !
Sur la place de l’Hôtel de ville les notes des calages du grand spectacle du soir se perdent dans un désert bétonné aussi brûlant qu’une plaque de cuisinière. Personne n’ose s’y aventurer… Mieux personne ne la traverse préférant effectuer un large détour par les allées voisines bordées d’arbres protecteurs. Devant Notre Dame les photos se font à la hâte et le gazouillis des visiteurs asiatiques se réduit d’intensité.
« La tour Eiffel a chaud aux pieds
L’Arc de Triomphe est inanimé
Et l’Obélisque est bien dressé
Entre la nuit et la journée (…)
Il est 15 heures
Paris se sommeille
Il est cinq heures
J’ai vraiment sommeil… »
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Petit rectificatif, l’ombre des arbres est en effet nettement plus rafraîchissante que celle d’un immeuble ou d’un parasol.
« »Sur la place de l’Hôtel de ville les notes des calages du grand spectacle du soir se perdent dans un désert bétonné aussi brûlant qu’une plaque de cuisinière…. »
Mais on y trouve quand même un brumisateur sous lequel il fait bon passer, et, à défaut d’y faire un petit séjour, on peut y prendre en passant une légère douche bienfaisante.