L’avantage de l’engagement social c’est qu’il permet parfois de passer par de nombreux postes où l’on a un angle de vue très différent sur le fonctionnement des institutions. Ainsi depuis leur origine institutionnelle j’ai parcouru toutes les facettes des rapports entre le système éducatif et son environnement. J’ai été (et ce n’est pas une surprise) élève… puis directeur d’école, puis enseignant de collège et de lycée, puis délégué de parents d’élèves, puis simple enseignant syndicaliste, puis encore comme conseiller pédagogique, puis comme élu délégué, puis comme Maire et enfin comme conseiller général. J’ai un long parcours de conseils d’administrations en tous genres et j’ai siégé derrière des chevalets de tous les types. C’est à la fois un handicap et c’est une somme de perceptions de l’évolution de l’école au sens générique du terme qui devient pesante car elle me conduit à ne plus croire du tout dans tous ces simulacres de concertations sociale ressemblant à un théâtre où chacun vient jouer son rôle afin de démontrer au reste de la salle qu’il défend les enfants devenus des élèves !
Ah ! La beauté des conseils d’école avec ses affrontements et ses questions pernicieuses permettant de mettre en évidence une méfiance constante entre ceux qui devraient être des partenaires. Il n’y a qu’un moment réel de solidarité quand il s’agit de réclamer auprès du « politique » présent davantage de moyens, davantage de crédits, davantage de matériel, davantage de respect… au nom des chères têtes blondes ne pouvant réussir que dans un cocon imparfait totalement déconnecté de la société ! Et la situation a de plus en plus empiré au fil des années : il n’existe plus aucun consensus sur ce qui relève du fondement de la citoyenneté. Ces espaces de dialogue deviennent des lieux d’affrontement sur des sujets subalternes et sans aucun pouvoir réel. On persiste à laisser accroire que l’essentiel qui est la réussite scolaire passe par des prises de position caricaturales déconnectée des enjeux fondateurs du système éducatif.
On vient par exemple de découvrir après l’étude d’un chercheur, ancien inspecteur général, une dégradation très nette des relations entre l’école et les parents. « Quand je compare mes résultats à une autre étude que l’ai menée en 2005 sur le même sujet, le résultat est sans appel ! Les continents « école » et « famille » s’éloignent l’un de l’autre. Je suis aussi surpris par la violence des échanges. Le parent estime qu’il a droit à un certain service, et s’il n’est pas rendu, il manifeste sa réprobation. De son point de vue, il a forcément raison. » explique Georges Fotinos qui découvre le fil à couper le beurre. Depuis plus de 20 ans la dérive a été constante avec en plus dans ce « billard » à 4 bandes (élus, parents, enseignants, direction) une perte totale des repères. On cherche exclusivement à pousser vers le trou, selon les circonstances, l’une des « boules » présentes sur le tapis ! Que ce soit en conseil d ‘école ou en conseil d ‘administration. Plus aucun respect pour le métier d’enseignant, dévalorisé depuis plus de 30 ans par des campagnes médiatiques haineuses, par la mise en accusation permanente de leur efficacité alors qu’ils ne pourront jamais compenser les défaillances croissantes de la société par la transmission du savoir.
Le constat du chercheur est sans appel et correspond en totalité à ma propre appréciation : « On peut considérer que 30 à 40 % des parents se comportent en « consommateurs » revendicateurs. Ce n’est pas la majorité, mais c’est un chiffre inquiétant. Il y a deux mondes qui s’opposent. La preuve, c’est que la plupart des conflits sont centrés sur les punitions et les sanctions données par le corps enseignant aux élèves. Cela signifie que certains parents ne reconnaissent plus l’autorité de l’école sur leurs enfants. La conséquence presque inéluctable, ce sont les agressions. » Mais ce n’est qu’un épiphénomène que cette violence verbale ou physique car elle s’accompagne d’une appréciation consumériste de l’enseignement qui fait que le divorce est irrémédiable. « Des familles ont considéré que les valeurs enseignées à l’école primaire ne correspondaient pas à ce qu’elles souhaitaient. Pour moi, c’est le signal à bas bruit d’un phénomène de fond. Il y a une cassure entre la culture familiale et la culture enseignée par l’école. » ajoute celui qui parle vrai mais qui ne sera pas écouté (…) Face au comportement consommateur des parents, les enseignants se réfugient dans leurs bastions. C’est normal : plus il y a une poussée agressive, plus on monte des murailles ». Et bien évidemment chacun s’envoie des boulets futiles et sans grand intérêt pouvant donner l’illusion que l’essentiel est de participer à la bataille contre un ennemi commun : le politique au sens large du terme ! Le mal, tout le mal vient de lui ! Il peut décider de n’importe quoi c’est forcément dénué de tout intérêt et un camp ou l’autre le conteste, le détruit, le démonte afin de prouver qu’il est le meilleur défenseur de l’élève dont on oublie souvent qu’il n’est qu’un enfant otage d’un système social des apparences ! Alors haro sur le baudet !
En fait rien en sera plus jamais refondé ! C’est trop tard ! L’école n’est plus un sanctuaire citoyen ! L’école est devenue un bien de consommation pour lequel « on paye » (via les impôts toujours trop élevés) et duquel on attend des miracles !. Les système anglo-saxon du lobbying et de la rentabilité a rongé notre modèle éducatif, a aggravé une situation déjà précaire depuis le virage manqué de 83 ! Désormais les enseignants vivent dans l’angoisse !Les parents, les élus et l’administration vivent dans le conflit, dans la méfiance et eux aussi dans une forme d’angoisse, le feu…avec les cahiers, la maîtresse et les élèves au milieu aussi !
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